«
Ce qui est propre au héros. Acte de héros ». Telles sont les
définitions que nous donnent les dictionnaires. L'héroïsme, pour
mériter vraiment son nom, doit comporter dans son action une grande
somme de courage et de désintéressement. Toutes les actions que
l'on propose à notre admiration comme actes d'héroïsme pur
rentrent-elles dans la définition ci-dessus? Y a-t-il beaucoup
d'actes pouvant donner lieu au qualificatif d'actes héroïques? En
vérité, l’héroïsme officiel est loin de pouvoir être comparé
à l'héroïsme tout court. Le savant qui, poursuivant ses recherches
avec ténacité, est victime de ses études. Celui, par exemple, qui,
tel le radiographe Vaillant voit petit à petit la radiodermite
ronger ses membres et qui, nonobstant la perte de ses mains, puis de
ses bras, persévère dans ses études ; le médecin qui, pour sauver
un malade, n'hésite pas à faire la succion d'une plaie, au risque
d'être contaminé ; l'interne d'hôpital qui offre à plusieurs
reprises son sang pour le transfuser à un malade, - ceux-là
pourraient, à la rigueur, avoir droit qu'on dise d'eux qu'ils font
montre d'héroïsme. Mais celui qui tue beaucoup d' « ennemis » ;
celui qui risque souvent sa vie pour pouvoir tuer ; celui qui «
meurt pour la patrie », - ceux-là ne font même pas montre du pur
et simple courage. En général, abreuvés d'alcool avant l'attaque,
soumis à l'ambiance meurtrière dès qu'ils arrivent sur le lien de
carnage, les soldats ne sont plus des êtres normaux. Enivrés par la
boisson et rendus fous par l'ardeur de la bataille ils vont sans
savoir ce qu'ils font. Ils tuent pour ne pas être tués, ou tout
simplement parce que d'autres tuent à côté d'eux et qu'ils
subissent la folie collective. S'ils risquent leur vie, ils ne s'en
aperçoivent même pas et, pour ma part, je connais beaucoup de gens
qui furent soldats pendant la dernière tuerie ; beaucoup de ceux qui
firent des « actions d’éclat ». Tous m'ont avoué ne pas avoir
été de sang-froid, avoir agi tout à fait malgré eux. Tous aussi
m'ont dit que, de sang-froid, ils n'eussent pas osé seulement penser
faire ce qu'ils avaient accompli. L'héroïsme du soldat n’existe
pas. On trouve dans ses actes de la bestialité, du crime, de
l'inconscience. C'est tout. Arriver à trouver une excuse au soldat,
c'est déjà suffisamment difficile. Il ne peut entrer que dans le
cerveau des criminels qui se servent des soldats l'idée de louanger
des hommes au moment précis où ils cessent d'appartenir à
l'Humanité pour se ravaler au niveau de la brute.
Les
anarchistes - et avec eux tous les hommes sensés - répudient
l'héroïsme officiel. C'est une étiquette qui ne peut plus tromper
personne sur la qualité de la marchandise. Il y a trop de sang, trop
de cadavres et trop de ruines pour que - sinon les fous, les fourbes
et les criminels - les hommes n'en viennent pas tout naturellement à
se méfier et à haïr de toutes leurs forces cet héroïsme-là
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire