L'habitation
est le lieu où l'on habite ; c'est la maison, la demeure,
l'appartement que l'on occupe habituellement. « L'habitation, dit le
Larousse, correspond au degré de civilisation de ceux qui l'habitent
». En ce cas, avouons que nous n'avons pas, en France, à être bien
fiers de notre civilisation, car on y habite de façon détestable.
Aux âges primitifs, les habitations étaient de grossières
constructions faites de branchages et de terre et installées au bord
des lacs et des rivières. C'est là que l'homme s'abritait en
revenant de la chasse ou de la pêche, qui étaient ses uniques
ressources. A cette époque lointaine, les grottes et les cavernes
naturelles servaient également d'habitations. Il ne faut pas croire
que ce genre de demeures a totalement disparu ; en certaines contrées
de la Russie et de la Sibérie, on retrouve encore des villages
entiers, éloignés de tout centre commercial ou industriel, composés
uniquement de ces huttes primitives. Pour l'hiver, afin de s'abriter
du froid et de la neige, les indigènes de ces régions creusent en
terre des cavernes qu'ils recouvrent de branchages et de gazon.
L'habitation s'est, naturellement, transformée au cours des siècles
et en suivant son développement et sa transformation à travers
l'Histoire, on peut étudier ainsi l'évolution des hommes. Et si, de
nos jours, il existe encore des habitations qui rappellent celles des
premiers âges, avec les moyens de communication modernes, les
régions les plus lointaines peuvent être touchées par les progrès
de la science et de la civilisation, et les vieilles huttes qui
abritaient nos ancêtres disparaîtront de plus en plus de la surface
de la terre. Durant ces deux derniers siècles, un progrès
considérable s'est effectué dans le domaine de l'habitation.
Malheureusement et plus particulièrement en France, le peuple n'en a
que faiblement bénéficié. Le développement de l'industrie, qui
amène à la ville une population de plus en plus dense, et le manque
de place, de terrain, ont poussé automatiquement à l'édification
d'habitations hautes, puissantes et solides, susceptibles d'abriter
tant de monde. L'habitation en pierre et en briques a donc remplacé
les vieilles habitations en bois. D'autre part, l'architecture
moderne, tout en ne négligeant pas le point de vue artistique, se
remarque par un réel souci de l'hygiène et s'attache à développer
le confort à l'intérieur des habitations. Lorsque l'on songe que,
malgré tout son luxe et ses richesses, le palais de Versailles ne
possédait ni salle de bains, ni même de water-closet, on est obligé
de reconnaitre qu'il y a tout de même quelque chose de changé.
Naturellement, ce sont surtout les classes privilégiées qui ont
profité des améliorations apportées dans l'habitation, et le
peuple de travailleurs, dans sa majeure partie, habite encore dans
des taudis infects et sordides. Et plus que tous, le travailleur
devrait cependant avoir une habitation saine et agréable. L'ouvrier
passe, en effet, la moitié de sa vie dans son habitation. Une fois
terminée sa rude journée de travail, c'est en sa demeure qu'il
retrouve sa famille et qu'il peut goûter un peu de calme, de joie et
de repos. On s'étonne parfois du nombre incalculable de cafés, de
bistrots, de bouges, que l'on rencontre dans certaines grandes
villes. Il n'y a cependant rien de surprenant lorsque l'on sait de
quelle façon est logé le travailleur, à ce que celui-ci déserte
son foyer qui, ordinairement, n'a rien de souriant et d'agréable.
Paris, en tant que capitale, tient peut-être la première place, en
ce qui concerne les vieilles masures dans lesquelles sont entassés
les ouvriers. Lorsque les étrangers viennent à Paris, et plus
particulièrement les Anglais et les Américains, on se fait une
gloire de les promener à travers les rues élégantes du quartier
Monceau ou des Champs-Élysées ; on leur montre le Louvre, la Tour
Eiffel et l'Arc de Triomphe. On les loge dans de chics hôtels dans
lesquels rien ne manque, où tout est à la portée du voyageur, et
ceux-ci, contents et satisfaits, déclarent que Paris est la première
ville du monde. Que ne les transporte-t-on plutôt dans les quartiers
populeux, dans les contrées inconnues et jamais foulées par les
pieds délicats et finement chaussés des riches et des heureux? Que
ne leur fait-on voir Belleville, Saint-Ouen et la Villette? Ils
pénétreraient alors dans des taudis ignobles, dans des foyers
d'épidémie où les miasmes pestilentiels vous étreignent et vous
étouffent. Ils verraient des familles entières logées dans de
petites pièces étroites et malsaines ; ils verraient de pauvres
petits bougres qui s'étiolent parce qu'ils ont faim de pain et de
soleil, et ils sauraient ainsi que tout le monde en France n'est pas
heureux et ne demeure pas dans des habitations princières.
L'ivrognerie, la tuberculose et tant d'autres maladies dont souffre
le peuple, puisent leurs germes dans les habitations infectes qui
abritent les travailleurs. Nous disions, plus haut, que Paris tient
la première place en ce qui concerne les maisons et les habitations
malpropres. En effet, l'Allemagne, l'Angleterre, logent leur
prolétariat d'une façon sensiblement supérieure à celle de la
France. Lorsque l'on traverse la Manche, on est frappé d'apercevoir
ces petits pavillons en briques, bâtis tous sur le même modèle et
qui sont habités par des ouvriers. A Londres, le travailleur est
autrement logé que ne l'est son frère français. Il a sa petite
maison, son jardin, son « home » en un mot, muni de tout le confort
moderne, et le travailleur britannique serait bien surpris s'il
savait comment habite le travailleur de France. Que de travail ne
reste-t-il pas à faire pour atteindre le but que nous poursuivons.
Quoi! Le prolétariat ne se rend-il pas compte, lorsqu'il voit les
belles habitations des riches, que lui aussi a droit à tout ce
bien-être? N'en a-t-il pas assez de sortir de l'usine pour entrer
dans un logis obscur dans lequel il n'a même pas le cubage d'air
indispensable à sa vie? N'a-t-il pas assez de voir ses enfants
s'affaiblir et se mourir de tuberculose parce que les habitations
prolétariennes sont de véritables étables? Surtout qu'au jour
libérateur de la Révolution, que le peuple ne se rue pas sur les
palais, sur les châteaux pour les détruire ; qu'il brûle les
vieilles masures qu'il habite depuis longtemps et qu'il laisse debout
les belles habitations des riches, qui seront demain les habitations
des travailleurs.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire