Le
gnosticisme est un système de philosophie religieuse professée par
certains docteurs et théologiens au début de l'ère chrétienne. En
opposition avec les autorités chrétiennes se fondèrent, pour
diffuser les principes et les opinions des gnostiques, une trentaine
d'écoles qui ne tardèrent pas à être fermées, sans pour cela
arrêter la propagation du gnosticisme qui laissa des traces jusqu'à
la fin du XIIIe siècle. . Le gnosticisme est un amalgame ahurissant
des religions perses, juives et chrétiennes. Il se divisa, du reste,
en plusieurs sectes dont les unes furent nettement hostiles au
christianisme, alors que les autres étaient particulièrement
hostiles au judaïsme. Le gnosticisme repose sur ce principe
essentiel que le monde est sorti d'un Dieu indicible, c'est-à-dire
qui ne peut s'exprimer par la parole ; qu'il était, à l'origine,
composé de pur esprit et qu'ensuite seulement est venue la matière,
principe et source du mal. Les gnostiques méprisaient, en
conséquence, tout ce qui se rattachait à la chair et tout ce qui
n'était pas la vie spécifiquement spirituelle. En réalité, le
gnosticisme trouve sa plus parfaite expression dans la doctrine de
Mani qui fonda, au début du IIIe siècle, la religion manichéenne.
« L'idée dominante de la doctrine de Mani, nous dit Salomon
Reinach, dans son Histoire générale des Religions, est l'opposition
de la lumière et des ténèbres, qui sont le bien et le mal, Le
monde visible résulte du mélange de ces éléments éternellement
hostiles. Dans l'homme, l'âme est lumineuse, le corps obscur ; dans
le feu, la flamme et la fumée représentent les deux principes
ennemis. De là découle toute la morale manichéenne, qui a pour but
l'affranchissement des parties lumineuses, celui des âmes qui
souffrent dans la prison de la matière. Quand toute la lumière
captive, quand toutes les âmes des justes seront remontées au
soleil, la fin du monde arrivera à la suite d'une conflagration
générale. Dans la pratique, les hommes se divisent en « parfaits
ou élus » et en simples fidèles ou « auditeurs ». Les premiers
forment une sorte de clergé, doivent s'abstenir du mariage, de la
chair des animaux (sauf toutefois des poissons), du vin, de toute
cupidité et de tout mensonge. Les fidèles sont soumis aux mêmes
règles morales, mais ils peuvent se marier et travailler comme les
autres hommes ; seulement ils ne doivent ni accumuler des biens, ni
pécher contre la pureté. » On comprendra, par ce qui précède,
que le gnosticisme fut combattu par les puissants de l'Eglise
chrétienne. On prétendit, pour persécuter les manichéens, qu'ils
avaient des mœurs infâmes ; mais ce ne sont là que des calomnies.
Ce qui a nui principalement au gnosticisme et ce qui fut sa
faiblesse, ce fut sa diversité de sectes.
On n'en
compte pas moins de 70, et cela permit au christianisme d'en avoir
facilement raison. Serait-ce suffisant pour démontrer, une fois de
plus, que des forces éparpillées ne peuvent rien contre des forces
unies ? Il faut, du reste, souligner que le gnosticisme a été un
des facteurs indirects de l'unification de l'église chrétienne ;
c'est pour combattre les diverses sectes qui évoluaient autour du
christianisme, pour mettre un frein à la propagande décousue de
certaines écoles, que les théologiens se mirent à élaborer un
code intangible qu'il fallait respecter si l'on ne voulait pas être
accusé d'hérésie. « C'est à Marcion, vers 150, que l'Eglise eut
la première idée d'un canon, d'un recueil autorisé des écrits
concernant la Nouvelle loi », dit encore S. Reinach. « C'est pour
répondre aux gnostiques qu'elle fut amenée à formuler ses dogmes,
sa profession de foi (dite à tort symbole des apôtres) et, sans
doute, de publier l'édition définitive des quatre évangiles dont
elle affirma l'inspiration. » Nous voyons donc qu'à son origine
même, l'Eglise chrétienne eut à lutter contre une foule de petites
organisations qui gravitaient autour d'elle et qui, parfois,
pénétraient en son sein. Nous avons dit plus haut que si les
gnostiques furent vaincus, bien que dans la pratique le gnosticisme
présentât un caractère plus humanitaire que le christianisme
orthodoxe, cette défaite fut surtout due à la division des
gnostiques en face de l'ordre et de la persévérance de leurs
adversaires. Que les libertaires s'inspirent de ce passé et qu'ils
se rendent compte des ravages que provoquent la désorganisation et
le désordre ; qu'ils s'unissent pour être une force, et ils ne
pourront pas alors être écrasés par les Eglises modernes comme le
furent les gnostiques dans le passé.
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