Le jeune enfant ne se soucie
pas de communiquer exactement sa pensée et de décrire objectivement les faits.
Il distingue mal les produits de son imagination et les réalités et comble
inconsciemment les lacunes de sa mémoire par de la fabulation. Les causes de
ses erreurs sont nombreuses, il y a : 1° Les perceptions erronées, les erreurs
des sens, qui sont d'autant plus fréquentes que l'individu est plus jeune ;
2° L'imagination, moins vive que chez l'adulte
mais moins bien contrôlée par l'esprit critique ;
3° La suggestibilité, «
Montrons-nous circonspects, écrit Jonckheere, en posant des questions, car leur
forme peut influencer la réponse et provoquer des erreurs de fait ». Quelqu'un
vient de passer ; nous pouvons demander, par exemple : Comment la personne qui
vient de passer était-elle coiffée ? La personne qui vient de passer était-elle
coiffée ? La personne qui vient de passer était-elle coiffée d'un chapeau ou
d'une casquette ? La personne qui est passée tout à l'heure n'avait-elle point
un chapeau sur la tête ? Les premières de ces questions n'impliquent aucune
suggestion mais il n'en est pas de même de la troisième et surtout de la
quatrième.
4° Le manque de développement
intellectuel ne permet pas le travail de l'autocritique. Le jeune enfant admet
sans difficulté des données contraires.
5° L'affectivité est liée plus
étroitement à tous les processus psychiques de l'enfant. *** Le jeune enfant ne
ment pas et ne dissimule pas. Quand découvre-t-il le mensonge et commence-t-il
à dissimuler ? La plupart des psychologues admettent que ce n'est que vers sept
ans. À vrai dire il nous semble que des enfants plus jeunes altèrent sciemment
la vérité, mais ils le font plutôt par jeu que dans l'intention de tromper.
Comment l'enfant devient-il capable de mentir ? Peut-être, parce qu'il
s'aperçoit qu'il avait commis une erreur et en avait tiré profit. Peut-être
parce qu'il a surpris quelques mensonges de ses parents ou d'autres adultes.
Peut-être parce que le mensonge lui apparaît comme un moyen de parvenir à ses
fins. Pourquoi l'enfant ment-il ? Des enquêtes ont été faites à ce sujet ;
elles sont loin d'être parfaitement concordantes ; cependant, il semble bien
que la crainte soit l'une des principales causes du mensonge enfantin. Mentir
est pour l'enfant un moyen de défense. Parfois aussi l'enfant ment par
étourderie, par intérêt, par paresse, etc. II est aussi des mensonges qui ne
s'expliquent que par des causes d'ordre pathologique ; on a observé des enfants
qui obéissent à une impulsion presque irrésistible, qui s'accusent de délits ou
de crimes qu'ils n'ont pas commis. *** De même que la fièvre est le plus
souvent la conséquence et non la cause de la maladie, le mensonge nous apparaît
comme un résultat. Si nous voulons corriger des enfants menteurs ou, mieux,
éviter que nos enfants ne deviennent menteurs, il faut nous en prendre aux
causes réelles du mensonge. Tout d'abord lorsque de jeunes enfants disent le
contraire de la vérité, il convient de ne pas considérer leurs erreurs comme
des mensonges. Il ne faut alors ni leur attribuer l'épithète de menteur, ni les
punir mais s'efforcer d'attirer leur attention sur l'erreur commise et éveiller
peu à peu leur esprit critique. Deuxième conseil : il ne faut pas donner aux
enfants l'exemple du mensonge, ni surtout leur ordonner de commettre des
mensonges. Combien de parents, par exemple, ont dit à leur fils ou à leur fille
: « Va dire que je ne suis pas là. » Puis se sont indignés ensuite d'un
mensonge du bambin. Troisième conseil : il faut avec les enfants pratiquer la
politique de la confiance et paraître croire qu'ils sont incapables de dénaturer
volontairement la vérité. Profitons de leur suggestibilité, feignons de croire
qu'il y a erreur ou faiblesse passagère mais non mensonge. Ce conseil est
d'autant plus important qu'il y a bien souvent malentendu ; de là un quatrième
conseil : efforçons-nous de comprendre les enfants et de nous faire comprendre
d'eux. Une anecdote toute récente viendra illustrer ce conseil. Nous avions
donné à de jeunes enfants le problème suivant : « Il y avait 184 morceaux de
sucre dans un sucrier mais la maman a pris 86 de ces morceaux. Combien y a-t-il
encore de morceaux dans le sucrier ? » Un bambin, après quelques autres, nous
présenta bientôt son travail. La réponse était exacte, mais, chose singulière,
l'enfant dans sa soustraction, avait placé le plus grand nombre au-dessous. – «
Tu as copié ? » – « Non, monsieur ». Avait-il copié et était-il un menteur ?
Ceci paraissait probable et pourtant quelque doute subsistait dans notre
esprit. « Comment as-tu donc fait ? » Question facile à poser pour nous, mais à
laquelle il était difficile au bambin de répondre car les jeunes enfants
n'expriment pas toujours facilement leurs idées, si bien qu'enfants et adultes
se comprennent souvent fort mal. Cependant, en y mettant du temps, nous finîmes
par comprendre ceci : dès la lecture du problème l'enfant avait été frappe par
le rapprochement des nombres 84 et 86 et voici, par suite, comment il avait
raisonné intuitivement (car il ne s'agit pas là d'un véritable raisonnement
logique) : en retirant 84 morceaux des 184 il en restera 100 mais il faut que
nous en retirions encore 2 morceaux (86-84). On devine le reste l'enfant
intuitivement et mentalement avait trouvé la réponse sans avoir fait nul calcul
écrit, cette réponse était pour lui l'essentiel il avait ensuite placé au petit
bonheur les trois nombres 184, 86 et 98. Si nous nous étions fiés aux
apparences, nous aurions accusé cet enfant d'un mensonge qu'il n'avait pas
commis, nous aurions alors paru à ses yeux comme une personne incapable de
distinguer un mensonge d'une vérité et à laquelle on peut mentir sans danger.
Cinquième conseil : Évitons de poser aux enfants des questions qui peuvent les
suggestionner par leur forme ou par leur ton. Ne les intimidons pas. Sixième
conseil : Le mensonge étant presque toujours le résultat d'une faute antérieure
(paresse, vol, gourmandise, .etc.) corrigeons l'enfant des défauts qui peuvent
le conduire au mensonge. Dernier conseil : N'inspirons pas la crainte – cause
principale du mensonge – et développons chez lui le sentiment du courage tout
en lui faisant comprendre qu'il doit avouer ses fautes. –
E. DELAUNAY
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