"La Nouvelle-Orléans, quelques jours après après le passage de l'ouragan Katrina. Dans cette atmosphère d'apocalypse, une vie, ça et là, se réorganise. Devant l'inaction des pouvoirs publics, plus occupés à nettoyer les quartiers touristiques du "carré français" et à en protéger les magasins qu'à venir en aide aux habitants pauvres de la ville, des formes oubliées renaissent. Malgré les tentatives parfois musclées de faire évacuer la zone, malgré les parties de "chasse au nègre" ouvertes pour l'occasion par des milices suprématistes, beaucoup n'ont pas voulu abandonner le terrain. Pour ceux-là, qui ont refusé d'être déportés comme "réfugiés environnementaux" aux quatre coins du pays et pour ceux qui, d'un peu partout, ont décidé de les rejoindre par solidarité à l'appel d'un ancien Black Panther, ressurgit l'évidence de l'auto-organisation. En l'espace de quelques semaines est mise sur pied la Common Ground Clinic. Ce véritable hôpital de campagne dispense dès les premiers jours des soins gratuits et toujours plus performants grâce à l'afflux incessant de volontaires. Depuis un an maintenant, la clinique est à la base d'une réisistance quotidienne à l'opération de table rase menée par les bulldozers du gouvernement en vue de livrer toute cette partie de la ville en pâture aux promoteurs. Cuisines populaires, ravitaillement, médecine de rue, réquisitions sauvages, construction d'habitats d'urgence: tout un savoir pratique accumulé par les uns et les autres au fil de la vie a trouvé là l'espace de se déployer. Loin des uniformes et des sirènes.
Qui a connu la joie démunie de ces quartiers de la Nouvelle-Orléans avant la catastrophe, la défiance vis-à-vis de l'Etat qui y régnait déjà et la pratique massive de la débrouille qui y avait cours ne sera pas étonné que tout cela y ait été possible. Qui, à l'opposé, se trouve pris dans le quotidien anémié et atomisé de nos déserts résidentiels pourra douter qu'il s'y trouve une telle détermination. Renouer avec ces gestes enfouis sous des années de vie normalisée est pourtant la seule voie praticable pour ne pas sombrer avec ce monde. Et que vienne un temps dont on s'éprenne."
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