Subst. : Personne qui mène :
Le meneur de la danse. Celui qui mène, qui conduit une femme par la main dans
certaines cérémonies. Meneuse de nourrices, femme qui recrute des nourrices
dans certains villages pour les conduire à Paris ou dans les grandes villes.
Meneur d'ours, celui qui mène un ours dans les rues et qui gagne sa vie à lui
faire faire des tours. Meneur de gens de guerre, se disait, dans l'ancienne
hiérarchie militaire, des commissaires de guerres. Meneuse de table, ouvrière
qui forme des jeux avec les cartes après qu'on les a coupées. Meneur de
ciseaux, ouvrier cartier qui découpe des cartes. Au fig. et famil. Se dit de
celui ,qui prend un ascendant sur les autres et les assujettit à sa volonté :
les meneurs d'un parti. C'est plus particulièrement dans ce sens que le mot est
employé, et le plus souvent par la classe bourgeoise qui se rend compte de
l'influence de certains individus dans tous les mouvements de masses. Aussi
quand la grande presse parle des meneurs révolutionnaires, elle y ajoute un
sens péjoratif afin de disqualifier les militants susceptibles d'amener au
succès un mouvement de revendication. Elle emploie ce terme également afin de
cacher au prolétariat son véritable degré d'évolution. Elle lui dit : « bien
sûr, tu réclames, tu protestes, tu te révoltes, mais tu n'en es pas moins un
pauvre troupeau absolument incapable de te guider toi-même ; il te faut un
chef, un meneur !... » Aujourd'hui encore, même quand il n'y a pas de meneur,
même quand le mouvement est spontané, le peuple en vient néanmoins à croire
qu'en effet, si tel et tel camarade n'étaient pas là, agissant comme chefs,
comme meneurs, il eût été incapable d'action. Cette conviction entrée en lui, si
on arrête « les meneurs », si on les emprisonne, l'ouvrier perd confiance en sa
propre capacité, se décourage et cesse la lutte. Les partis politiques dits de
gauche, et même les syndicats à tendances politiques, ont aussi besoin du
meneur. Cet être hybride et sans conviction profonde, prêt à toutes les
besognes, aux meilleures et aux pires, à la fois chef et valet, se hisse, à la
force d'un coup de gueule, aux bonnes places pour manœuvrer le prolétariat dans
un but personnel ou pour le service d'un parti. Le meneur est l'affirmation
permanente de l'inconscience du peuple, de sa faiblesse et de son abandon.
Autre chose est, par contre, le militant qui agit vigoureusement et
intelligemment (seul ou dans le sein d'un mouvement quelconque) n'étant rien,
ne voulant rien être qu'un homme libre qui sait ce qu'il veut, le veut bien, et
essaie d'entraîner ses compagnons et non de se substituer à eux, de les
mener... Le premier suppose un troupeau. Le second affirme des individus. ‒
A. LAPEYRE
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