n. m. Mécène fut un favori
d'Auguste qui encouragea les artistes et les poètes, en particulier Virgile,
Horace et Properce. Son nom est devenu, par la suite, synonyme de protecteur
des lettrés, des savants et des artistes ; il s'applique couramment aujourd'hui
en guise d'adjectif ou de nom commun. De même le préfet « Poubelle » fut
immortalisé grâce aux boîtes à ordures dont il fut l'inventeur et Barrême grâce
au livre des Comptes Faits qu'il publia au XVIIème siècle. Les rois et les
papes se donnèrent souvent des allures de mécènes ; ainsi Léon X, françois Ier,
Louis XIV. C'était une adroite façon de domestiquer les intellectuels, et de
faire servir à leur glorification personnelle les talents des peintres,
sculpteurs, architectes et écrivains. Corneille ayant paru trop indépendant à
Richelieu fut congédié par lui, comme n'ayant pas l'esprit de suite. Louis XIV
s'opposa longtemps à l'élection de La Fontaine à l'Académie, parce qu'il était
l'auteur de Contes jugés immoraux par ce souverain, dont les bonnes fortunes
furent innombrables. Plier l'échine, se montrer docile, célébrer le maître,
telles étaient les conditions primordiales pour rester bien en cour et se voir
servir une maigre pension. Naturellement toute velléité révolutionnaire, toute
critique du régime établi devaient être rigoureusement bannies. On arrivait
ainsi aux platitudes d'un Bossuet, que-l'on a loué surtout parce qu'il
représente l'ordre, la tradition, le catholicisme dans notre littérature.
Malheur au candidat qui s'aviserait, aujourd'hui encore, de dire ce qu'il pense
de cette baudruche, gonflée outre mesure par les critiques universitaires ! Si
les rois ont disparu, la corruption continue de sévir comme autrefois. « Chez
nous l'Académie, corruptrice officielle, joue un rôle prépondérant dans l'achat
des consciences ; citadelle du traditionalisme le plus borné, elle met au
service de la réaction, ses immenses richesses et son influence. À ses yeux,
l'art n'est admissible qu'à la remorque de la Finance ou de l'Église ; la
franchise est une tare qu'elle ne pardonne. Pourquoi ce protestant, cet
israélite, ce libre-penseur saluent-ils si bas nos puissants prélats, pourquoi
une telle déférence à l'égard des plus sots préjugés ? Travail d'approche,
prélude d'une candidature ; l'échine doit être souple lorsqu'on fut rouge et
mécréant. D'où ces transformations savantes qui vous blanchissent un écrivain,
ces conversions lentes ou brusques qui camouflent en partisan de l'ordre un
ancien champion de la république. » (Le Règne de l'Envie). Si, durant quelques
années, l'Académie Goncourt put paraître un peu moins réactionnaire que son
aînée l'Académie Française, il appert qu'elle aussi est en voie de se convertir
et de prendre ses directives dans les sacristies. Comme, d'ailleurs, l'immense
majorité de tous les organes soi-disant littéraires, ouverts seulement aux
adorateurs du veau d'or et aux serfs de notre « saint-père » du Vatican. Elles
foisonnent, ces ignobles feuilles parisiennes : Nouvelles Littéraires, Candide,
Gringoire, etc., qui se croiraient déshonorées de citer les organes ou les
litres d'avant-garde. Et le chantage des éditeurs qui ne publient que les
écrits bien comme il faut ! À notre époque, autant, plus même qu'autrefois, il
faut se résoudre à n'être qu'un valet de plume si l'on veut avoir sa place
marquée au râtelier officiel. Quant aux écrivains, aux savants, aux artistes
qui restent en dehors des cénacles et des partis, qui se refusent à encenser
personne, ils savent que de mécènes ils n'en rencontrent jamais. Aujourd'hui
surtout où la bourgeoisie s'est tournée en bloc vers l'Église, maudissant les
libres esprits qu'elle regrette d'avoir applaudis autrefois. Et tous ceux qui,
à un titre quelconque, sont mêlés au mouvement d'avant-garde, tous ceux qui
s'efforcent de faire vivre une publication propre ou de propager une ligue, un
mouvement, savent au prix de quelles difficultés effroyables ils parviennent à
boucler leur budget, quand ils y parviennent. Mais consentez seulement à être
spirite ou théosophe, à garder la croyance en Dieu tout en rejetant les dogmes,
à admettre un christianisme édulcoré, et des dames riches, de généreux
bienfaiteurs se rencontreront pour remplir votre escarcelle vide. Demandez
plutôt à Krishnamurti, le nouveau messie inventé par Annie Besant ! L'athée,
lui, ne peut attendre que persécution des bien-nantis, même lorsqu'ils se
disent anticléricaux.
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