n m. (tiré du latin
minutiare) Le menuisier travaille le bois en planches pour en faire des
boiseries, des huisseries et des meubles. Menuisé a signifié : rendre menu,
petit, menus travaux. Ce mot fut appliqué avec raison par les orfèvres qui
étaient de deux catégories : les grossiers et les menuisiers. Dès la plus haute
antiquité les métiers du bois se confondaient dans celui du charpentier. Des
écrits et des gravures anciens nous révèlent qu'avec le bois, certains
façonnaient et ornementaient des petits ouvrages, c'étaient des menuisiers sans
en avoir la dénomination. (Afin de ne pas nous répéter, pour les détails nous
renvoyons le lecteur aux mots : Bois, Charpentier, Ébéniste.) Si l'on peut y
ajouter foi, pour certains points matériels, l'Ancien Testament nous apprend
que le temple de Salomon, décoré à l'intérieur par des Juifs et des Phéniciens,
était orné de lambris en bois de cèdre et planchéié de sapin ; les portes de
l'oracle étaient en olivier et celles de l'entrée du temple en sapin. En
Égypte, une peinture découverte à Thèbes montre que l'on y façonnait des portes
à deux vantaux à panneaux. Les nombreuses pièces trouvées dans les monuments
ensevelis : sièges, tabourets, stèle, se rapportent aux travaux de menuiserie
des égyptiens. Les Indiens sont les premiers à découper le bois pour
l'ornementation des édifices ; ce n'est que 300 ans avant J. C. que dans cet
immense pays on commença les constructions en pierre, jusque-là tout était
édifié en bois. 550 ans avant J. C., on prétend que les collèges d'ouvriers du
bois ont eu une existence régulière sous Servius Tullius et que sa constitution
demeura en vigueur jusqu'à 241 ans avant J. C. Sous Jules César (101 à 44 avant
J.-C.) les outils étaient : la scie à main, le marteau, le ciseau, le maillet ;
d'après Pline : l'herminette inventée par Dédale, la hachette, la rape, le
rabot, le bouvet, la vrille. Lucrèce dit que la colle de taureau (colle forte)
s'employait pour coller le bois. Vitruve (29 ans avant J.-C.) rapporte que les
Romains employaient le quercus (chêne) le sapinea (sapin) pour les lambris et
les travaux des temples païens. L'ouvrier qui faisait les portes, fenêtres,
volets se nommait : intestinarius (aménagement intérieur). En Palestine
israélite, il y a 1900 ans, à l'époque de J.-C., les meubles se composaient de
lits et chaises, les portes en bois de pin tournaient sur des gonds et se
fermaient au moyen de verrous en bois. Le professeur apportait à l'école sa
chaise qu'il avait lui-même façonnée. En 90, Plutarque cite que les
charpentiers (tignarii) forment une centurie. Ce qui prouve que le métier était
organisé. Les centuries de métiers étaient les plébéiens qui avaient des devoirs
qui leur étaient imposés par les patriciens, dirigeants et usuriers de ce
temps. Dans les collèges romains les artisans travaillent pour le compte des
associations publiques réglementées par les empereurs. Rome était
essentiellement militaire, les faveurs n'étaient octroyées qu'aux métiers
utiles à la guerre. L'esprit romain voyait un abaissement dans les autres
travaux manuels disant que c'était la prostitution de la dignité d'homme libre.
Cet esprit de caste entraîna à la paresse et les époques qui suivirent furent
en dégénérescence pour les travaux du bois et pour l'art en général. Malgré
cela, l'intelligence dominant dans les collèges d'artisans romains, ils eurent
une grande influence sur la Gaule conquise ; en Allemagne, les pré-guildes
religieuses qui en sortirent agirent sur les métiers et les impulsèrent. Chez
les Gallo-Romains, les portes d'entrée s'ouvraient du dedans au dehors ; il en
était de même chez les Grecs. Les guerres et les invasions successives de la
Gaule font disparaître les corporations romaines ; le commerce et l'industrie
dédaignés par les grands et les classes nobles sont aussi la cause qu'à
l'époque franque, au commencement du roman et du moyen-âge il n'est que peu
question du travail du bois. Du IIIème au Vème siècle, le travail servile et
monastique imprégné de mysticisme arrête l'évolution des premiers chrétiens. Un
pupitre de Sainte-Radegonde à Poitiers est du VIème siècle. Guizot dit que
jusqu'au Xème siècle tout était livré au hasard de la force. Ce fut la faillite
de la civilisation romaine. Au Xème siècle disparaît l'ouvrier et le paysan,
qui appartenait au seigneur et qui était vendu comme le mobilier ; d'esclave il
devient serf. Les corporations se rénovèrent un peu au XIème siècle ; le
travail est brut, il a perdu son fini et ses assemblages raisonnés, les joints
sont doublés par des ais (couvre-joints) assujettis par des pointes. Au XIIIème
siècle, les croisées sont surtout des volets qu'avec les coffres et les bahuts
façonne le hucher ; on commence à revêtir les murs de boiseries en chêne.
Consultant les faits par les constructions, ponts, cathédrales, châteaux-forts,
on voit qu'avec l'affranchissement des communes au XIIème siècle, diverses
associations se formèrent dans les villes ; même au IXème siècle, on note des
confréries et guildes. Nous voyons que les boiseries de la cathédrale de Noyon
sont de 1190, celles de Notre-Dame de Paris et de Chartres sont de 1196, celles
de Ivenack en Mecklembourg sont de l'époque romane ; à Salzbourg, en Allemagne,
existe un siège pliant de style roman datant de 1238. Les corporations étaient
des petites républiques, dont les chefs étaient élus par les maîtres et les
ouvriers. Aucune preuve de l'existence du compagnonnage n'apparaît avant les
XIIIème et XIVème siècles Au XIIème siècle on mentionne qu'à Strasbourg, la
fédération des francs[1]maçons
englobait les métiers du bâtiment : charpentiers, huchers, etc. Les règlements
des divers corps de métiers existaient bien avant Saint Louis (XIIème siècle),
mais n'étaient point officiellement adoptés. Le serf n'étant devenu que depuis
peu l'artisan travaillant pour lui-même. Étienne Boileau, prévôt sous Louis IX,
rédigea le livre des métiers ; ses statuts servirent de modèle aux règlements
des métiers qui furent établis dans toute la France. Ils mentionnent que les
apprentis doivent être nés d'un loyal mariage. Le livre des métiers, en
instituant les Corporations, stipule le classement en apprentis, valets,
maîtres : ceux qui s'instruisent, ceux qui servent, ceux qui commandent.
L'huissier ne peut travailler la nuit ; à Paris, le travail commence et finit
au son de la cloche de la paroisse, du lever du soleil au crépuscule. Il est
noté que les charpentiers font les gros travaux : fermes, poutres, ponts, etc.
; les huchers : les huches, bancs, tables ; les huissiers : les portes et
fenêtres ; les cochetiers : les navires et les voitures. Le lien à la
Corporation n'est encore que conditionnel, mais les statuts et les ordonnances
le rendent efficace, rétrécissant la liberté des ouvriers en les attachant aux
maîtrises et aux confréries. Le métier est une propriété du monarque, qui
l'accorde à titre de récompense. Dans les provinces, ce droit dépend du
Seigneur ou de l'Évêque. En réalité l'ouvrier indépendant est inconnu. En 1290,
Jehan de Montigny, prévôt de Paris, fit adopter aux vingt-neuf maîtres huchers
de la ville de nouveaux statuts qui les détachaient des charpentiers ; les
huchers et huissiers sont confondus et peuvent confectionner les escrins
(bières et cercueils). Les jurés exigent des compétences professionnelles pour
exercer le métier. Défense était faite d'embaucher l'ouvrier d'un confrère sans
qu'il soit libéré de tout engagement ; l'ouvrier est engagé à l'année. Dans les
villes le pouvoir est exercé par les métiers où domine l'influence de la
bourgeoisie marchande ; cette dernière est quelquefois en lutte contre
l'aristocratie de la ville, questions d'intérêt dans lesquelles les compagnons
et apprentis n'avaient rien à gagner. Au milieu du XIIIème siècle, les
menuisiers travaillaient le merrain (chêne ou châtaignier scié sur quartier)
tandis que les charpentiers employaient le bois à l'avenant et sur dosses. Le
rabot, en partie disparu depuis les Romains, réapparaît au XIVème siècle ;
jusqu'ici, les bois étaient aplanis à la hache, herminette et au racloir. Jean
Bacin, en 1361, fait trois chéières pour la reine, qui lui sont payées 110
sous. Au moyen-âge, les portes et fenêtres étaient sans cadres et sans
assemblages. Ce n'est que sous Charles V que les menuisiers installent la
bibliothèque du roi dans la tour du Louvre et se signalent par des assemblages
dans les huisseries, les lambris, les sièges, les pupitres. En 1370, la hiérarchie
est sévère dans les corps d'états. Confréries et Compagnonnage naissant en font
une chose à eux ; il en fut de même par les guildes en Allemagne. Sous Charles
VI, en 1371, H. Aubriot, prévôt de Paris, délivre des statuts aux menuisiers.
Ceux-ci n'en sont pas enthousiasmés, beaucoup ne veulent pas les accepter, mais
le Parlement les confirme et les impose en 1382. Tous les gens du métier
doivent faire partie de la Confrérie religieuse (surtout alimentée par les
amendes). Les menuisiers adoptèrent Sainte Anne comme patronne. Après une
requête auprès d'Aubriot, ceux qui font les bancs, bahuts, coffres, tables,
portes et fenêtres sont détachés des charpentiers pour former la communauté des
huchiers (huchers). En 1382 ils prennent le nom de menuisiers. C'est alors que
le chef-d'œuvre est imposé à l'apprenti pour devenir Compagnon et au Compagnon
pour passer Maître. Avec la Renaissance, vers 1400, le Compagnonnage entre en
puissance et s'impose pendant quatre siècles pour exercer le métier. Le
Compagnonnage se sent fort, il s'impose pour travailler. Son engagement terminé
avec le Maître (patron), le compagnon est libre d'aller chez un autre.
L'apprenti ne peut sortir de sa tutelle, les maîtres sont autorisés à les
battre. Les maîtres fournissent tout l'outillage, l'ouvrier fournit ses bras et
son initiative. En France, en Angleterre, en Allemagne, en Lombardie, le chêne
était presque seul en usage pour les meubles et les boiseries. Le noyer fut
employé pour les lits (moins couramment), dressoirs, fauteuils, bancs, coffres.
La sculpture devint distincte de la menuiserie ; dans le gothique fleuri, elle
donna naissance à la profession des imagiers qui travaillaient également la
pierre et le bois. Les ouvrages des XIVème et XVème siècles sont déjà des
chefs-d'œuvre de menuiserie, impulsés en sciences et en art du dessin gothique,
dans lequel vient s'allier celui de la Renaissance, tels la chapelle de Blois,
de Saint-Ouen de Rouen, les caisses d'horloges à Beauvais et à Reims. Jehan de
Liège, au XIVème siècle, fait les portes de la cathédrale de Dijon. La
généralisation de l'art et des principes du travail prend un caractère
international surtout à la fin du gothique. Les ouvriers commencent à voyager.
Au commencement du XVème siècle (1405), les menuisiers exécutèrent le coffre du
premier coche qui transporta pour leur mariage Isabeau de Bavière et Charles
VI. La bannière était promenée les jours de fêtes et dans les cérémonies. Les
armoiries de la bannière sont un blason d'azur portant une varlope d'or, un
ciseau à manche d'or et un maillet d'or. En 1471, Louis XI délivre aux huchers
de nouveaux statuts. C'est en 1486 que menuisier est appliqué sans autre
épithète. Le musée de Cluny possède du XVème siècle le bois d'une des premières
varlopes. La menuiserie se perfectionne dans la Renaissance par
l'embellissement des châteaux, des hôtels particuliers, des églises ; les beaux
meubles massifs sortent des mains du menuisier. Vers 1550 quelques compagnons
menuisiers veulent se rendre indépendants, ils se réfugient dans le faubourg
Saint-Antoine et y travaillent en association avec les charpentiers. Sous
Charles IX, le taux des salaires est établi chaque année, il est de dix sous
tournois par jour en 1560. En 1580, les statuts sont révisés. En 1640,
l'ouvrier hucher entrant chez un nouveau maître doit payer quatre sous à la
caisse de la Confrérie et à la bannière du métier. Sous Louis XIII, les portes
cochères sont des pièces architecturales avec assemblages et embrèvements. Sous
Louis XIV, d'autres nouveaux statuts sont promulgués aux menuisiers concernant
surtout les maîtres ; nul ne peut l'être s'il n'est Français ou naturalisé ;
ordonne que le fils du patron doit produire un chef-d'œuvre ; de même
l'apprenti après six ans d'apprentissage. Nul ne peut travailler s'il n'est
reçu compagnon ou maître. L'entrée à Paris d'un compagnon est fixée à cinq sous
pour la communauté. Le menuisier ne doit exécuter que portes, fenêtres,
lambris, stalles, pupitres d'autels, etc. Dès 1650, les nouveaux maîtres
doivent être catholiques, apostoliques romains. En 1660, la Confrérie est
étroitement liée à la Corporation. On ne travaille ni les dimanches et jours de
fêtes, ni les samedis et veilles de fêtes après vêpres, ni la nuit. Les valets
(compagnons) se louent à la semaine, au mois ou à l'année ; l'embauche se
pratique au carrefour de la rue Saint-Antoine, carrefour des chars ; ils
prêtent serment d'obéissance au patron et aux règlements. La révocation de
l'édit de Nantes, en 1685, fait retirer la Maîtrise aux protestants, qui
s'exilent en Angleterre, en Allemagne, en Hollande avec toute leur science
qu'ils y développent. Pour payer les frais énormes des guerres, les prix des maîtrises
sont majorés en 1704. Les caisses corporatives s'appauvrissent en créant une
irritation générale des ouvriers, ce qui a comme résultat pour les menuisiers
l'interdiction sous aucun prétexte de se réunir. En 1744, sous Louis XV est
ordonnée la Communauté des Maîtres Menuisiers et Ébénistes. La Confrérie de
Sainte-Anne est consacrée aux menuisiers dans l'église des Carmes des
Billettes, qui est ensuite abandonnée pour Sainte[1]Marguerite. Tous les membres de la
corporation sont tenus d'assister aux offices. Le Maître ne peut avoir qu'un
atelier. Par la force du Compagnonnage et de la religion, dont dépend la
corporation des menuisiers, le XVIIIème siècle arrête quelque peu l'évolution
scientifique et l'esprit d'indépendance des ouvriers. Ce n'est qu'en janvier
1776 que le ministre Turgot supprime les Corporations et accorde à l'ouvrier la
liberté de travailler pour son compte sans brevet ni redevances. Naturellement
les maîtres s'insurgent et sentent leurs privilèges compromis. En août, Turgot
est destitué et les jurandes et les maîtrises sont rétablies. Néanmoins, la
vieille institution a reçu du plomb dans l'aile, on la sent décliner un peu
chaque jour par la volonté d'émancipation que manifestent les menuisiers et
d'autres corps de métiers. La fameuse nuit du 4 août 1789 condamne de nouveau
les maîtrises et la loi du 7 juin 1791 confirme que les corporations sont
définitivement abolies et supprime les communautés d'arts et manufactures. De
1789 à 1814, on relate qu'en technique la menuiserie est en décadence. Si la
Révolution a suscité les idées de liberté, les longues et ruineuses guerres de
l'Empire les ont complètement anéanties. Quoique n'étant plus que toléré, le
compagnonnage influence les menuisiers et les tient en les facilitant pour
voyager et loger chez les mères ; c'est lui qui portera mollement jusqu'au
milieu du XIXème siècle le drapeau des revendications corporatives. Un esprit
nouveau est né avec la Révolution de 1848, les nouvelles sociétés, l'esprit
d'association et de corporation. L'ouvrier de plus en plus matérialiste,
rejette le mysticisme spiritualiste. Le compagnonnage se modifie, de nombreux
compagnons s'en détachent : les uns forment le Club des Compagnons du Devoir,
d'autres les Compagnons Indépendants. En 1849 dans toutes les villes de France
une scission se produit chez les menuisiers entre les aspirants, qui veulent
être traités à égalité, et les compagnons. Perdiguier, compagnon du Devoir de
liberté, ouvrier menuisier, dit Avignonnais-la-Vertu, est élu député de Paris
par 117.292 voix ; il écrivit quelques livres très sensés et essaya d'unir tous
les compagnons qui se querellaient. Un malaise régnait, un esprit nouveau se
manifestait, les croyances s'évanouissaient. En 1853, c'est à Bordeaux que l'on
se dispute ; en 1857, à Marseille, les rixes sont violentes entre Compagnons et
Aspirants. Dans le travail, le progrès mécanique se manifeste, à l'Exposition
de 1850 par la scie mécanique verticale, par la machine à mortaiser, à raboter.
Les machines ne sont encore l'apanage que de quelques gros entrepreneurs, parce
qu'elles coûtent cher ; l'ouvrier y voit un mal, il la combat, craignant le
chômage. En 1866, les machines se généralisent, la scie à ruban est inventée et
figure à l'Exposition de 1867. Après 1878, les menuisiers sont en partie libérés
des Sectes compagnonniques ; ils fondent la Chambre Syndicale des ouvriers
menuisiers, d'abord socialiste ; puis, quelques années plus tard, sans se
déclarer anarchiste et sous l'influence de divers ouvriers très studieux, tels
que Montant le Savoyard, orateur plein d'arguments et de verve, de Franchet de
Blois, de Jamim le dessinateur, de tortelier, etc., le syndicat fait de la
propagande révolutionnaire socialiste et anarchiste, qui en fait la corporation
la plus avancée de France. En 1888 c'est la manifestation contre la misère et
le chômage que les menuisiers organisent à l'esplanade des Invalides avec
Louise Michel et Pouget, qui sont condamnés à cinq et huit ans de prison. Jamin
avec l'aide du Syndicat, fait paraître La Varlope en 1835, journal corporatif
anarchiste. Des cours de dessin sont ouverts par le Syndicat, l'un, rue Miollis
avec Cardeillac, l'autre, rue Charlot avec Jamin, lesquels sont à la fois des
cours techniques et sociologiques. Rétrospectivement, l'outillage fut d'abord
rudimentaire, un seul fer était dans les rabots. Longtemps après, probablement
à la Renaissance, on mit un simple contre-fer qui empêchait les éclats de bois.
Ce n'est qu'au commencement du XIXème siècle que quelques menuisiers font
ajuster des vis au contre-fer, qui s'appliquent de différentes manières en
Allemagne, en France, en Angleterre, ce qui permettait de raboter plus
finement. Depuis 1880, l'outillage fut d'abord en fer et en acier, fabriqué en
Angleterre, puis en Amérique, fut introduit en Allemagne et en France ; il
permit de travailler avec plus de précision et moins de dépenses physiques ; ce
sont les rabots droits et cintrés à volonté, les scies à mains, grandes et
petites, qui remplacent peu à peu les encombrantes scies à refendre, à débiter
et à araser. La routine des vieux menuisiers a été dure à surmonter dans
l'outillage. Elle existe encore un peu aujourd'hui. Les mèches cylindriques à
couteaux et à vis remplacent celles dîtes à cuiller, à queue de cochon et
anglaises. Les progrès du machinisme qui se généralise dans le débit des bois,
le sciage, le rabotage, moulurage, assemblage et, à présent le ponçage, firent
naître la spécialisation, qui nécessita des traceurs, des monteurs, des
finisseurs et des poseurs ou pailleux. Dans les ateliers modernes le taylorisme
commence, les ouvriers sont groupés en spécialistes : scieurs attachés à la
scie circulaire ou à ruban, d'autres à la raboteuse, à la toupie ou à la
ponceuse, etc. Ce sont, après les monteurs de portes, fenêtres, etc. les
affleureurs et chevilleurs ; puis, les ferreurs et les poseurs. Le métier dans
le progrès de la machiné s'est subdivisé en menuisiers en bâtiment, menuisiers
en meubles, menuisiers en sièges, menuisiers en voitures, ébénistes en pianos,
menuisiers de théâtres, layetiers, tabletiers, etc. Dans tout ceci l'ouvrier
menuisier acquiert de la vitesse mécanique au détriment des connaissances
techniques générales, qu'il abandonne et perd un peu chaque jour. S'il y a
avantage pour la rapide production, qui profite surtout au patronat, il y a
déchéance morale pour l'ouvrier. Tous les progrès ne profitent qu'au
capitalisme, qui y trouve une source immédiate de profits vite réalisés, alors
que le menuisier, s'il a moins de mal que jadis, n'en a pas plus de repos ni de
bonheur intellectuel, il est modernisé de l'ancien esclave, serf, valet, en
ouvrier dépendant du Maître, du Capital et de l'État, qui le pressure d'impôts.
Tous ces progrès pourraient être une source de bonheur pour tous par le
rendement intensif en n'occupant l'ouvrier qu'une heure ou deux chaque jour
dans les travaux du taylorisme abrutissant. L'ouvrier, le reste du temps,
pourrait se consacrer à d'autres travaux manuels ou intellectuels non moins
utiles. Mais nous sommes en période de mercantilisme, d'exploitation de l'homme
par l'homme, de capitalisme soutenu par l'État. Toutes choses a détruire par la
Révolution pour établir la Liberté et le bonheur pour tous. –
L. GUERINEAU
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire