PROCLAMATION
DE BLANQUI
Citoyens,
Le
4 septembre, un groupe d’individus qui, sous l’Empire, s’étaient
créé une popularité facile, s’était emparé du pouvoir. A la
faveur de l’indignation générale, ils s’étaient substitués au
gouvernement pourri qui venait de tomber à Sedan. Ces hommes étaient
pour la plupart les bourreaux de la république de 1848. Cependant, à
la faveur du premier moment de surprise, ils se sacrèrent arbitres
de la destinée de la France. Les vrais républicains, ceux qui sous
tous les gouvernements avaient souffert pour leurs croyances, virent
avec douleur cette usurpation des droits de la nation.
Pourtant,
le temps pressait, l’ennemi approchait ; pour ne pas diviser la
nation, chacun se mit de toutes ses forces à l’oeuvre de salut.
Espérant que l’expérience avait appris quelque chose à ceux qui
avaient été pour ainsi dire les créateurs de l’Empire, les
républicains les plus purs acceptèrent sans murmurer de servir sous
eux, au nom de la République.
Qu’arriva-t-il
? Après avoir distribué à leurs amis toutes les places où ils ne
conservaient pas les bonapartistes, ces hommes ses croisèrent les
bras et crurent avoir sauvé la France. En même temps, l’ennemi
enserrait Paris d’une façon de plus en plus inexorable, et c’était
par de fausses dépêches, par de fallacieuses promesses que le
gouvernement répondait à toutes les demandes d’éclaircissement.
L’ennemi
continuait à élever ses batteries et ses travaux de toute sorte, et
à Paris, 300 000 citoyens restaient sans armes et sans ouvrage, et
bientôt sans pain, sur le pavé de la capitale.
Le
péril était imminent, il fallait le conjurer. Or, au gouvernement
issu d’une surprise, il fallait substituer la Commune, issue du
suffrage universel. De là le mouvement du 31 octobre. Plus honnêtes
que ceux qui ont eu l’audace de se faire appeler le gouvernement
des honnêtes gens, les républicains n’avaient pas ce jour là
l’intention d’usurper le pouvoir. C’est au peuple, réuni
librement devant les urnes électorales, qu’ils en appelaient du
gouvernement incapable, lâche et traître.
Au
gouvernement issu de la surprise et de l’émotion populaire, ils
voulaient substituer le gouvernement issu du
suffrage universel.
Citoyens,
C’est
là notre crime. Et ceux qui n’ont pas craint de livrer Paris à
l’ennemi avec sa garnison intacte, ses forts debout, ses murailles
sans brèche, ont trouvé des hommes pour nous condamner à la peine
capitale.
On
ne meurt pas toujours de pareilles sentences. Souvent on sort de ces
épreuves plus grand et plus pur. Si l’on meurt, l’histoire
impartiale vous met tôt ou tard au-dessus des bourreaux qui, en
atteignant l’homme, n’ont cherché qu’à tuer le principe.
Citoyens,
Les
hommes ne sont rien, les principes seuls sont immortels. Confiant
dans la grandeur et dans la justice de notre cause, nous en appelons
du jugement qui nous frappe au jugement du monde entier et de la
postérité. C’est lui qui, si nous succombons, fera, comme
toujours, un piédestal glorieux aux martyrs de l’échafaud
infamant élevé par le despotisme ou la réaction.
Vive
la République !
Blanqui
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