dimanche 22 avril 2018

Journal Officiel de la Commune


PROCLAMATION DE BLANQUI


Citoyens,
Le 4 septembre, un groupe d’individus qui, sous l’Empire, s’étaient créé une popularité facile, s’était emparé du pouvoir. A la faveur de l’indignation générale, ils s’étaient substitués au gouvernement pourri qui venait de tomber à Sedan. Ces hommes étaient pour la plupart les bourreaux de la république de 1848. Cependant, à la faveur du premier moment de surprise, ils se sacrèrent arbitres de la destinée de la France. Les vrais républicains, ceux qui sous tous les gouvernements avaient souffert pour leurs croyances, virent avec douleur cette usurpation des droits de la nation.
Pourtant, le temps pressait, l’ennemi approchait ; pour ne pas diviser la nation, chacun se mit de toutes ses forces à l’oeuvre de salut. Espérant que l’expérience avait appris quelque chose à ceux qui avaient été pour ainsi dire les créateurs de l’Empire, les républicains les plus purs acceptèrent sans murmurer de servir sous eux, au nom de la République.
Qu’arriva-t-il ? Après avoir distribué à leurs amis toutes les places où ils ne conservaient pas les bonapartistes, ces hommes ses croisèrent les bras et crurent avoir sauvé la France. En même temps, l’ennemi enserrait Paris d’une façon de plus en plus inexorable, et c’était par de fausses dépêches, par de fallacieuses promesses que le gouvernement répondait à toutes les demandes d’éclaircissement.
L’ennemi continuait à élever ses batteries et ses travaux de toute sorte, et à Paris, 300 000 citoyens restaient sans armes et sans ouvrage, et bientôt sans pain, sur le pavé de la capitale.
Le péril était imminent, il fallait le conjurer. Or, au gouvernement issu d’une surprise, il fallait substituer la Commune, issue du suffrage universel. De là le mouvement du 31 octobre. Plus honnêtes que ceux qui ont eu l’audace de se faire appeler le gouvernement des honnêtes gens, les républicains n’avaient pas ce jour là l’intention d’usurper le pouvoir. C’est au peuple, réuni librement devant les urnes électorales, qu’ils en appelaient du gouvernement incapable, lâche et traître.

Au gouvernement issu de la surprise et de l’émotion populaire, ils voulaient substituer le gouvernement issu du suffrage universel.

Citoyens,
C’est là notre crime. Et ceux qui n’ont pas craint de livrer Paris à l’ennemi avec sa garnison intacte, ses forts debout, ses murailles sans brèche, ont trouvé des hommes pour nous condamner à la peine capitale.
On ne meurt pas toujours de pareilles sentences. Souvent on sort de ces épreuves plus grand et plus pur. Si l’on meurt, l’histoire impartiale vous met tôt ou tard au-dessus des bourreaux qui, en atteignant l’homme, n’ont cherché qu’à tuer le principe.

Citoyens,
Les hommes ne sont rien, les principes seuls sont immortels. Confiant dans la grandeur et dans la justice de notre cause, nous en appelons du jugement qui nous frappe au jugement du monde entier et de la postérité. C’est lui qui, si nous succombons, fera, comme toujours, un piédestal glorieux aux martyrs de l’échafaud infamant élevé par le despotisme ou la réaction.

Vive la République !

Blanqui

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