samedi 28 avril 2018

Journal de la Commune


CITOYENS,

Demain aura lieu l’élection de l’Assemblée communale, demain la population de Paris viendra confirmer de son vote l’expression de sa volonté, si ouvertement manifestée le 18 mars par l’expulsion d’un pouvoir provocateur qui semblait n’avoir d’autre but que d’achever l’oeuvre de ses prédécesseurs et de consommer ainsi par la destruction de la République la ruine du pays.
Par cette révolution sans précédents dans l’histoire et dont la grandeur apparaît chaque jour davantage, Paris a fait un éclatant effort de justice. Il a affirmé l’union indissoluble dans son esprit des idées d’ordre et de liberté, seuls fondements de la République.
A ceux que nos désastres avaient rendus maîtres de nos destinées et qui s’étaient donné pour tâche d’annuler sa vie politique et sociale, Paris a répondu par l’affirmation du droit imprescriptible de toute cité, comme de tout pays, de s’administrer soi-même, de diriger les faits de sa vie intérieure, municipale, laissant au Gouvernement central l’administration général, la direction politique du pays.
Il n’y pas de pays libre là où l’individu et la cité ne sont pas libres, il n’y aurait pas de République en France si ma capitale du pays n’avait pas le droit de s’administrer elle-même.
C’est ce droit qu’on n’oserait contester aux plus modestes bourgades que l’on ne veut pas reconnaître à Paris, parce que l’on craint son amour de la liberté, sa volonté inébranlable de maintenir la République que la révolution communale du 18 mars a affirmée et que vous confirmerez par votre vote de demain.
Né de la revendication de justice qui a produit la révolution du 18 mars ; le Comité central a été installé à l’Hôtel-de-Ville, non comme gouvernement, mais comme la sentinelle du peuple, comme le comité de vigilance et d’organisation, tenu de veiller à ce qu’on n’enlevât pas au peuple par surprise ou intrigue le fruit de sa victoire, chargé
d’organiser la manifestation définitive de la volonté populaire, c’est-à dire l’élection libre d’une Assemblée qui représente, non pas seulement les idées, mais aussi les intérêts de la population parisienne.
Le jour même où l’Assemblée communale sera installée, le jour où les résultats du scrutin seront proclamés, le Comité central déposera ses pouvoirs, et il pourra se retirer, fier d’avoir terminé sa mission. Quant à Paris, il sera vraiment l’arbitre de ses destinées ; il aura trouvé dans son assemblée communale l’organe nécessaire pour représenter ses intérêts et les défendre en face des intérêts des autres parties du pays, et devant le pouvoir national central.
Il pourra résoudre lui-même après quelques enquêtes et débats contradictoires sans immixtion injustes et violentes, où les notions de droit et de justice sont impudemment violées au profit des factions monarchiques, ces questions si complexes et plus délicates encore après la longue épreuve qu’il vient de subir si courageusement pour sauver le pays.
Il pourra enfin décider lui-même qu’elles sont les mesures qui permettront au plus tôt sans froissements et sans secousses d’amener la reprise des affaires et du travail.
Une République ne vit ni de fantaisies administratives coûteuses, ni de spéculations ruineuses, mais de liberté doit établir l’harmonie des intérêts ; et non les sacrifier les uns aux autres. Les questions d’échéances, de loyers, ne peuvent être réglées que par les représentants de la ville, soutenus par leurs concitoyens, toujours appelés, toujours
entendus. Pas plus que tout ce qui regarde les intérêts de la cité, elles ne peuvent être abandonnées au caprices d’un pouvoir qui n’obéit le plus souvent qu’à l’esprit de parti.
Il en est de même de la question du travail seule base de la vie publique, seule assise des affaires honnêtes et loyales ; les citoyens qu’une guerre engagée et soutenue par des gouvernements sans contrôle a arrachés au travail ne peuvent être plongés par une brusque suppression de la solde dans la misère et le chômage.
Il y a une période de transition dont on doit tenir compte, une solution qui doit être cherchée de bonne foi, un devoir de crédit au travail, qui arrachera le travailleur à une misère immédiate et lui permettra d’arriver rapidement à son émancipation définitive.
Ces questions et bien d’autres devront être résolues par votre conseil communal, et pour chacune d’elles il ne pourra se décider que suivant les droits de tous, car il ne se prononcera qu’après les avoir consultés, car, responsable et révocable, il sera sous la surveillance continuelle des citoyens.
Enfin, il aura à traiter des rapports de la cité avec e gouvernement central, de façon à assurer et garantir l’indépendance continuelle des citoyens.
Au vote donc, citoyens de vous comprenne la grandeur du devoir qui lui incombe, de l’acte qu’il va accomplir, et qu’il sache qu’en jetant dans l’urne son bulletin de vote, il fonde à jamais la liberté, la grandeur de Paris, il conserve à la France la République, et fait pour la République ce que naguère, il faisait si vaillamment devant l’ennemi : son devoir.


24 mars 1871.
Les délégués de l’intérieur
ANT. ARNAUD, ED. VAILLANT.

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