CITOYENS,
Demain
aura lieu l’élection de l’Assemblée communale, demain la
population de Paris viendra confirmer de son vote l’expression de
sa volonté, si ouvertement manifestée le 18 mars par l’expulsion
d’un pouvoir provocateur qui semblait n’avoir d’autre but que
d’achever l’oeuvre de ses prédécesseurs et de consommer ainsi
par la destruction de la République la ruine du pays.
Par
cette révolution sans précédents dans l’histoire et dont la
grandeur apparaît chaque jour davantage, Paris a fait un éclatant
effort de justice. Il a affirmé l’union indissoluble dans son
esprit des idées d’ordre et de liberté, seuls fondements de la
République.
A
ceux que nos désastres avaient rendus maîtres de nos destinées et
qui s’étaient donné pour tâche d’annuler sa vie politique et
sociale, Paris a répondu par l’affirmation du droit
imprescriptible de toute cité, comme de tout pays, de s’administrer
soi-même, de diriger les faits de sa vie intérieure, municipale,
laissant au Gouvernement central l’administration général, la
direction politique du pays.
Il
n’y pas de pays libre là où l’individu et la cité ne sont pas
libres, il n’y aurait pas de République en France si ma capitale
du pays n’avait pas le droit de s’administrer elle-même.
C’est
ce droit qu’on n’oserait contester aux plus modestes bourgades
que l’on ne veut pas reconnaître à Paris, parce que l’on craint
son amour de la liberté, sa volonté inébranlable de maintenir la
République que la révolution communale du 18 mars a affirmée et
que vous confirmerez par votre vote de demain.
Né
de la revendication de justice qui a produit la révolution du 18
mars ; le Comité central a été installé à l’Hôtel-de-Ville,
non comme gouvernement, mais comme la sentinelle du peuple, comme le
comité de vigilance et d’organisation, tenu de veiller à ce qu’on
n’enlevât pas au peuple par surprise ou intrigue le fruit de sa
victoire, chargé
d’organiser
la manifestation définitive de la volonté populaire, c’est-à
dire l’élection libre d’une Assemblée qui représente, non pas
seulement les idées, mais aussi les intérêts de la population
parisienne.
Le
jour même où l’Assemblée communale sera installée, le jour où
les résultats du scrutin seront proclamés, le Comité central
déposera ses pouvoirs, et il pourra se retirer, fier d’avoir
terminé sa mission. Quant à Paris, il sera vraiment l’arbitre de
ses destinées ; il aura trouvé dans son assemblée communale
l’organe nécessaire pour représenter ses intérêts et les
défendre en face des intérêts des autres parties du pays, et
devant le pouvoir national central.
Il
pourra résoudre lui-même après quelques enquêtes et débats
contradictoires sans immixtion injustes et violentes, où les notions
de droit et de justice sont impudemment violées au profit des
factions monarchiques, ces questions si complexes et plus délicates
encore après la longue épreuve qu’il vient de subir si
courageusement pour sauver le pays.
Il
pourra enfin décider lui-même qu’elles sont les mesures qui
permettront au plus tôt sans froissements et sans secousses d’amener
la reprise des affaires et du travail.
Une
République ne vit ni de fantaisies administratives coûteuses, ni de
spéculations ruineuses, mais de liberté doit établir l’harmonie
des intérêts ; et non les sacrifier les uns aux autres. Les
questions d’échéances, de loyers, ne peuvent être réglées que
par les représentants de la ville, soutenus par leurs concitoyens,
toujours appelés, toujours
entendus.
Pas plus que tout ce qui regarde les intérêts de la cité, elles ne
peuvent être abandonnées au caprices d’un pouvoir qui n’obéit
le plus souvent qu’à l’esprit de parti.
Il
en est de même de la question du travail seule base de la vie
publique, seule assise des affaires honnêtes et loyales ; les
citoyens qu’une guerre engagée et soutenue par des gouvernements
sans contrôle a arrachés au travail ne peuvent être plongés par
une brusque suppression de la solde dans la misère et le chômage.
Il
y a une période de transition dont on doit tenir compte, une
solution qui doit être cherchée de bonne foi, un devoir de crédit
au travail, qui arrachera le travailleur à une misère immédiate et
lui permettra d’arriver rapidement à son émancipation définitive.
Ces
questions et bien d’autres devront être résolues par votre
conseil communal, et pour chacune d’elles il ne pourra se décider
que suivant les droits de tous, car il ne se prononcera qu’après
les avoir consultés, car, responsable et révocable, il sera sous la
surveillance continuelle des citoyens.
Enfin,
il aura à traiter des rapports de la cité avec e gouvernement
central, de façon à assurer et garantir l’indépendance
continuelle des citoyens.
Au
vote donc, citoyens de vous comprenne la grandeur du devoir qui lui
incombe, de l’acte qu’il va accomplir, et qu’il sache qu’en
jetant dans l’urne son bulletin de vote, il fonde à jamais la
liberté, la grandeur de Paris, il conserve à la France la
République, et fait pour la République ce que naguère, il faisait
si vaillamment devant l’ennemi : son devoir.
24
mars 1871.
Les
délégués de l’intérieur
ANT.
ARNAUD, ED. VAILLANT.
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