Paris,
le 21 Mars 1871.
PARIS
EST DANS LE DROIT
Le
droit, la souveraineté du peuple sont-ils à Versailles ou à Paris
?
Poser
cette question, c’est la résoudre.
L’assemblée,
siégeant d’abord à Bordeaux et actuellement à Versailles, a été
nommée dans des circonstances particulières et chargée d’une
mission déterminée à l’avance, d’une sorte de mandat impératif
restreint.
Elue
à la veille d’une capitulation, pendant l’occupation du
territoire par l’ennemi, les élections de ses membres ont
nécessairement et forcément subi la pression de l’étranger et
des baïonnettes prussiennes ; une partie au moins des députés,
ceux des départements envahis, n’ont pu être nommés librement.
Aujourd’hui
que les préliminaires de paix, cédant deux provinces à la Prusse,
sont signés, les représentants de l’Alsace et de la Lorraine ne
pouvaient plus siéger à l’Assemblée : ils l’ont compris
eux-mêmes, c’est pourquoi ils ont donné leur démission.
Un
grand nombre d’autres représentants, pour des motifs divers, ont
imité cet exemple.
L’Assemblée
est donc incomplète, et l’élection d’une partie de ses membres
a été entachée et viciée par l’occupation et la pression
étrangères.
Cette
Assemblée ne représente donc pas d’une manière complète,
incontestable, la libre souveraineté populaire.
D’un
autre côté, par son vote de défiance et de haine contre Paris, où
elle a refusé de venir siéger, l’Assemblée de Bordeaux et de
Versailles a méconnu les services rendus par Paris et l’esprit si
généreux et si dévoué de sa population. Elle n’est plus digne
de siéger dans la capitale.
Par
l’esprit profondément réactionnaire dont elle a fait preuve, par
son étroitesse de vues, son caractère exclusif et rural, par
l’intolérance dont elle s’est rendue coupable envers les plus
illustres et les plus dévoués citoyens, cette assemblée
provinciale a prouvé qu’elle n’était pas à la hauteur des
événements actuels, et qu’elle était incapable de prendre et de
faire exécuter les résolutions énergiques indispensables au salut
de la patrie.
Il
y a qu’une assemblée librement élue, en dehors de toute pression
étrangère et de toute influence officielle réactionnaire et
siégeant à Paris, à qui la France entière puisse reconnaître le
caractère de souveraineté nationale et déléguer le pouvoir
législatif ou constituant.
Hors
de l’indépendance et de la liberté des élections, et en dehors
de Paris, il ne peut exister que des faux-semblants de représentation
nationale et d’assemblée souveraine.
Que
l’Assemblée actuelle se hâte donc d’achever la triste besogne
qui lui a été confiée : celle de résoudre la question de la paix
ou de la guerre, et qu’elle disparaisse au plus vite. Elle n’a
reçu qu’un mandat limité et ne peut, sans violer la souveraineté
du peuple, s’octroyer le droit d’élaborer les lois organiques.
C’est
à Paris qu’incombe le devoir de faire respecter la souveraineté
du peuple et d’exiger qu’il ne soit point porté atteinte à ses
droits.
Paris
ne peut se séparer de la province, ni souffrir qu’on la détache
de lui.
Paris
a été, est encore et doit rester définitivement la capitale de la
France, la tête et le cœur de la République démocratique, une et
indivisible.
Il
a donc le droit incontestable de procéder aux élections d’un
conseil communal, de s’administrer lui-même, ainsi que cela
convient à toute cité démocratique, et de veiller à la liberté
et au repos publics à l’aide de la garde nationale, composée de
tous les citoyens élisant directement leurs chefs par le suffrage
universel.
Le
comité central de la garde nationale, en prenant les mesures
nécessaires pour assurer l’établissement du conseil communal de
Paris et l’élection de tous les chefs de la garde nationale, a
donc pris des mesures très sages, indispensables et de première
nécessité.
C’est
aux électeurs et aux gardes nationaux qu’il appartient maintenant
de soutenir les décisions du gouvernement, et d’assurer par leurs
votes, en nommant des républicains convaincus et dévoués, le salut
de la France et l’avenir de la République.
Demain
ils tiendront leurs destinées dans leurs mains, et nous sommes
persuadés à l’avance qu’ils feront bon usage de leurs droits.
Que
Paris délivre la France et sauve la République.
Le
délégué au JOURNAL OFFICIEL.
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