mercredi 25 avril 2018

Journal de la Commune de Paris


Paris, le 21 Mars 1871.

PARIS EST DANS LE DROIT

Le droit, la souveraineté du peuple sont-ils à Versailles ou à Paris ?
Poser cette question, c’est la résoudre.
L’assemblée, siégeant d’abord à Bordeaux et actuellement à Versailles, a été nommée dans des circonstances particulières et chargée d’une mission déterminée à l’avance, d’une sorte de mandat impératif restreint.
Elue à la veille d’une capitulation, pendant l’occupation du territoire par l’ennemi, les élections de ses membres ont nécessairement et forcément subi la pression de l’étranger et des baïonnettes prussiennes ; une partie au moins des députés, ceux des départements envahis, n’ont pu être nommés librement.
Aujourd’hui que les préliminaires de paix, cédant deux provinces à la Prusse, sont signés, les représentants de l’Alsace et de la Lorraine ne pouvaient plus siéger à l’Assemblée : ils l’ont compris eux-mêmes, c’est pourquoi ils ont donné leur démission.
Un grand nombre d’autres représentants, pour des motifs divers, ont imité cet exemple.
L’Assemblée est donc incomplète, et l’élection d’une partie de ses membres a été entachée et viciée par l’occupation et la pression étrangères.
Cette Assemblée ne représente donc pas d’une manière complète, incontestable, la libre souveraineté populaire.
D’un autre côté, par son vote de défiance et de haine contre Paris, où elle a refusé de venir siéger, l’Assemblée de Bordeaux et de Versailles a méconnu les services rendus par Paris et l’esprit si généreux et si dévoué de sa population. Elle n’est plus digne de siéger dans la capitale.
Par l’esprit profondément réactionnaire dont elle a fait preuve, par son étroitesse de vues, son caractère exclusif et rural, par l’intolérance dont elle s’est rendue coupable envers les plus illustres et les plus dévoués citoyens, cette assemblée provinciale a prouvé qu’elle n’était pas à la hauteur des événements actuels, et qu’elle était incapable de prendre et de faire exécuter les résolutions énergiques indispensables au salut de la patrie.
Il y a qu’une assemblée librement élue, en dehors de toute pression étrangère et de toute influence officielle réactionnaire et siégeant à Paris, à qui la France entière puisse reconnaître le caractère de souveraineté nationale et déléguer le pouvoir législatif ou constituant.
Hors de l’indépendance et de la liberté des élections, et en dehors de Paris, il ne peut exister que des faux-semblants de représentation nationale et d’assemblée souveraine.
Que l’Assemblée actuelle se hâte donc d’achever la triste besogne qui lui a été confiée : celle de résoudre la question de la paix ou de la guerre, et qu’elle disparaisse au plus vite. Elle n’a reçu qu’un mandat limité et ne peut, sans violer la souveraineté du peuple, s’octroyer le droit d’élaborer les lois organiques.
C’est à Paris qu’incombe le devoir de faire respecter la souveraineté du peuple et d’exiger qu’il ne soit point porté atteinte à ses droits.
Paris ne peut se séparer de la province, ni souffrir qu’on la détache de lui.
Paris a été, est encore et doit rester définitivement la capitale de la France, la tête et le cœur de la République démocratique, une et indivisible.
Il a donc le droit incontestable de procéder aux élections d’un conseil communal, de s’administrer lui-même, ainsi que cela convient à toute cité démocratique, et de veiller à la liberté et au repos publics à l’aide de la garde nationale, composée de tous les citoyens élisant directement leurs chefs par le suffrage universel.
Le comité central de la garde nationale, en prenant les mesures nécessaires pour assurer l’établissement du conseil communal de Paris et l’élection de tous les chefs de la garde nationale, a donc pris des mesures très sages, indispensables et de première nécessité.
C’est aux électeurs et aux gardes nationaux qu’il appartient maintenant de soutenir les décisions du gouvernement, et d’assurer par leurs votes, en nommant des républicains convaincus et dévoués, le salut de la France et l’avenir de la République.
Demain ils tiendront leurs destinées dans leurs mains, et nous sommes persuadés à l’avance qu’ils feront bon usage de leurs droits.
Que Paris délivre la France et sauve la République.

Le délégué au JOURNAL OFFICIEL.

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