CITOYENS,
La
cause de nos divisions repose sur un malentendu. En adversaires
loyaux, voulant le dissiper, nous exprimerons encore nos légitimes
griefs.
Le
gouvernement, suspect à la démocratie par sa composition même,
avait néanmoins été accepté par nous, en nous réservant de
veiller à ce qu’il ne trahît pas la République, après avoir
trahi Paris.
Nous
avons fait, sans coup férir, une révolution : c’était un devoir
sacré ; en voici les preuves :
Que
demandions-nous ?
Le
maintien de la République comme gouvernement seul possible et
indiscutable.
Le
droit commun pour Paris, c’est-à-dire un conseil communal élu.
La
suppression de l’armée permanente et le droit pour vous, garde
nationale, d’être seule à assurer l’ordre dans Paris.
Le
droit de nommer tous nos chefs.
Enfin,
la réorganisation de la garde nationale sur des bases qui
donneraient des garanties au peuple.
Comment
le gouvernement a-t-il répondu à cette revendication légitime ? Il
a rétabli l’état de siège tombé en désuétude, et donne le
commandement à Vinoy, qui s’est installé la menace à la bouche.
Il
a porté la main sur la liberté de la presse en supprimant six
journaux. Il a nommé au commandement de la garde nationale un
général impopulaire, qui avait mission de l’assujettir à une
discipline de far et de la réorganiser sur les vieilles bases
anti-démocratiques.
Il
nous a mis la gendarmerie à la préfecture dans la personne du
général Valentin, ex-colonel de gendarmes.
L’Assemblée
même n’a pas craint de souffleter Paris qui venait de prouver son
héroïsme.
Nous
gardions, jusqu’à notre réorganisation, des canons payés par
nous et que nous avions soustraits aux Prussiens. On a tenté de s’en
emparer par des entreprises nocturnes et les armes à la main.
On
ne voulait rien accorder ; il fallait obtenir, et nous nous sommes
levés pacifiquement, mais en masse.
On
nous objecte aujourd’hui que l’Assemblée, saisie de peur, nous
promet, pour un temps (non déterminé), l’élection communale et
celle de nos chefs, et que dès lors, notre résistance au pouvoir
n’a plus à se prolonger.
La
raison est mauvaise. Nous avons été trompés trop de fois pour ne
l’être pas encore ; la main gauche, tout au moins, reprendrait ce
qu’aurait donné la droite, et le peuple, encore une fois évincé,
serait une fois de plus la victime du mensonge et de la trahison.
Voyez,
en effet, ce que le gouvernement fait déjà !
Il
vient de jeter à la Chambre, par la voix de Jules Favre, le plus
épouvantable appel à la guerre civile, à la destruction de Paris
par la province, et déverse sur nous les calomnies les plus
odieuses.
CITOYENS,
Notre
cause est juste, notre cause est la vôtre ; joignez-vous donc à
nous pour son triomphe. Ne prêtez pas l’oreille aux conseils de
quelques hommes soldés qui cherchent à semer la division dans nos
rangs ; et, enfin, si vos convictions sont autres, venez donc
protester par des bulletins blancs, comme c’est le devoir de tout
bon citoyen.
Déserter
les urnes n’est pas prouver qu’on a raison : c’est, au
contraire, user de subterfuge pour s’assimiler, comme voix
d’abstentions, les défaillances des indifférents, des paresseux
ou des citoyens sans foi politique.
Les
hommes honnêtes répudient d’habitude de semblables
compromissions.
Avant
l’accomplissement de l’acte après lequel nous devons
disparaître, nous avons voulu tenter cet appel à la raison et à la
vérité.
Notre
devoir est accompli.
Hôtel-de-Ville,
24 mars 1871.
(Suivent
les signatures.)
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