samedi 28 avril 2018

Journal de la Commune


CITOYENS,

La cause de nos divisions repose sur un malentendu. En adversaires loyaux, voulant le dissiper, nous exprimerons encore nos légitimes griefs.
Le gouvernement, suspect à la démocratie par sa composition même, avait néanmoins été accepté par nous, en nous réservant de veiller à ce qu’il ne trahît pas la République, après avoir trahi Paris.
Nous avons fait, sans coup férir, une révolution : c’était un devoir sacré ; en voici les preuves :
Que demandions-nous ?
Le maintien de la République comme gouvernement seul possible et indiscutable.
Le droit commun pour Paris, c’est-à-dire un conseil communal élu.
La suppression de l’armée permanente et le droit pour vous, garde nationale, d’être seule à assurer l’ordre dans Paris.
Le droit de nommer tous nos chefs.
Enfin, la réorganisation de la garde nationale sur des bases qui donneraient des garanties au peuple.
Comment le gouvernement a-t-il répondu à cette revendication légitime ? Il a rétabli l’état de siège tombé en désuétude, et donne le commandement à Vinoy, qui s’est installé la menace à la bouche.
Il a porté la main sur la liberté de la presse en supprimant six journaux. Il a nommé au commandement de la garde nationale un général impopulaire, qui avait mission de l’assujettir à une discipline de far et de la réorganiser sur les vieilles bases anti-démocratiques.
Il nous a mis la gendarmerie à la préfecture dans la personne du général Valentin, ex-colonel de gendarmes.
L’Assemblée même n’a pas craint de souffleter Paris qui venait de prouver son héroïsme.
Nous gardions, jusqu’à notre réorganisation, des canons payés par nous et que nous avions soustraits aux Prussiens. On a tenté de s’en emparer par des entreprises nocturnes et les armes à la main.
On ne voulait rien accorder ; il fallait obtenir, et nous nous sommes levés pacifiquement, mais en masse.
On nous objecte aujourd’hui que l’Assemblée, saisie de peur, nous promet, pour un temps (non déterminé), l’élection communale et celle de nos chefs, et que dès lors, notre résistance au pouvoir n’a plus à se prolonger.
La raison est mauvaise. Nous avons été trompés trop de fois pour ne l’être pas encore ; la main gauche, tout au moins, reprendrait ce qu’aurait donné la droite, et le peuple, encore une fois évincé, serait une fois de plus la victime du mensonge et de la trahison.
Voyez, en effet, ce que le gouvernement fait déjà !
Il vient de jeter à la Chambre, par la voix de Jules Favre, le plus épouvantable appel à la guerre civile, à la destruction de Paris par la province, et déverse sur nous les calomnies les plus odieuses.

CITOYENS,

Notre cause est juste, notre cause est la vôtre ; joignez-vous donc à nous pour son triomphe. Ne prêtez pas l’oreille aux conseils de quelques hommes soldés qui cherchent à semer la division dans nos rangs ; et, enfin, si vos convictions sont autres, venez donc protester par des bulletins blancs, comme c’est le devoir de tout bon citoyen.
Déserter les urnes n’est pas prouver qu’on a raison : c’est, au contraire, user de subterfuge pour s’assimiler, comme voix d’abstentions, les défaillances des indifférents, des paresseux ou des citoyens sans foi politique.
Les hommes honnêtes répudient d’habitude de semblables compromissions.
Avant l’accomplissement de l’acte après lequel nous devons disparaître, nous avons voulu tenter cet appel à la raison et à la vérité.
Notre devoir est accompli.

Hôtel-de-Ville, 24 mars 1871.
(Suivent les signatures.)

Aucun commentaire: