vendredi 5 novembre 2021

Services spéciaux. 1955 1957

 "Beaucoup de régiments étaient donc venus pour sauter. Parmi eux, le 3e RPC43 du lieutenant-colonel Marcel Bigeard. Je le connaissais bien. Nous avions été parachutés dans le même maquis de la fédération anarchiste ibérique en 1944."


"Ainsi le ministre résidant Robert Lacoste avait-il confié ses pouvoirs de police à Massu et à sa 10e division parachutiste, avec la mission d’« extirper le terrorisme du Grand Alger »."


"Comme on ne pouvait éradiquer le terrorisme urbain par les voies policières et judiciaires ordinaires, on demandait aux parachutistes de se substituer tant aux policiers qu’aux juges. S’ils objectaient que ce n’est pas là un métier de soldat, on leur répondrait que, les rebelles ayant décidé de taire la guerre en ville par la terreur, les militaires ne faisaient que remplir leur mission en les combattant. Le terroriste urbain et te fellagha du djebel n’étaient qu’un seul et même adversaire. Je devinais ce raisonnement mais pour rien au monde je n’aurais voulu tremper à nouveau làdedans, car, à l’évidence, nous allions devoir nous salir les mains."


"Massu veut que vous le rejoigniez, me dit Mayer d’un air penaud. C’est Godard qui vient de me le dire. —Mais pourquoi moi, bordel de Dieu ? —À cause de Philippeville. Massu a été épaté par le travail que vous avez fait là-bas. —Vous auriez mieux fait de ne rien lui dire. Vous m’avez mis dans la merde. Godard se défile et il me joue le pire des tours. —Si je n’avais rien dit à Massu pour Philippeville, il l’aurait su quand même. Et puis arrêtez de m’engueuler ! Les ordres viennent peut-être de plus haut. D’ailleurs, cette mission, ce n’est peut-être pas si mal… —Pas si mal? Vous voulez rire? Vous savez ce qu’on va me demander ? On va me demander de faire tout le sale boulot. Philippeville en pire ! Je ne suis pas né pour nettoyer la Casbah."


"Mais son style de militaire caricatural n’était pas du tout le mien. Aussi quatre officiers du service 2949 qui étaient prêtés au bataillon et qui regrettaient l’esprit que j’avais insufflé à Bagheera50–unmélange subtil d’anarchie et de rigueur, de bohème et d’ascèse –avaientils claqué la porte à l’arrivée de ce nouveau chef qui ne comprenait pas, par exemple, qu’un ancien des services spéciaux de Sa Majesté ait gardé la coquetterie de se mettre au garde-à-vous à l’anglaise, poings serrés, ni qu’un autre débarque dans la citadelle de Vauban en pétaradant sur une Harley Davidson, drapé dans un sarong laotien, avec une jolie passagère derrière lui. Moi, je tolérais ce grain de folie. Il se peut même que je l’aie encouragé. Voilà sans doute pourquoi on m’a toujours considéré comme un original. Pour les plus bornés, je n’étais qu’un intellectuel, c’est-à-dire un pédéraste, un communiste et un antimilitariste. Je n’ai pas pu dire non à Massu. Ou j’acceptais ou je quittais l’armée. Quitter l’armée,, c’était quitter les services spéciaux ; c’était renoncer a un idéal, c était trahir. Alors, je suis monté dans ma Jeep et, a contrecœur, je suis parti pour Alger."




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