mercredi 24 novembre 2021

Bête et méchant. Par François Cavanna

 "Rien à faire, il fallut en passer par là. Les camemberts furent tricolores, les quarts de brie furent tricolores, et les carrés de l’est, et les Pontl’Évêque… Le client a toujours raison, et s’il se casse la gueule c’est toi qui as tort. Je n’avais pas le culot d’envoyer se faire mettre le birbe, j’avais besoin de son fric, ô que j’en avais donc besoin, de toute façon la publicité est un métier de pute, quand on fait la pute on n’est pas regardante sur la fraîcheur des slips de la clientèle."

". J’aimais autrefois les grands magasins, les prisunics, tous ces bazars anonymes, ma sauvagerie s’y trouvait à l’aise, tu fouilles, tu prends, tu te ravises, jamais une gueule humaine à affronter, pas de vendeur au sourire gluant pour te forcer la main… Voilà qu’ils ont inventé d’y coller un « fond sonore », c’est comme ça que ça s’appelle, rock, disco, cucaracha, adagiodalbinoni avec crème chantilly… Coupé toutes les vingt secondes par l’annonce de la réclame –pardon : de la vente promotionnelle –du jour beuglée par une arracheuse de betteraves qui se prend pour l’hôtesse de l’air d’un charter de mongoliens. Paraît que ça stimule l’impulsion d’achat. De toute façon, si les margoulins le font, c’est que ça rend, faites-leur confiance. Oui, ben, moi, ça me la coupe, l’impulsion. Net. Je fuis à toutes pompes. Monsieur le psychiatre, s’il vous plaît, suis-je anormal ou bien sont-ce les autres qui ont de la purée froide à la place de la cervelle et des spaghettis trop cuits à la place des nerfs ? Non, ne mele dites pas, mon autosatisfaction m’a déjà donné la réponse."



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