dimanche 21 novembre 2021

Lignes N° 66: Littérature: quelle est la question?

 Lignes :  collection dirigée par Michel Surya


Pour une écriture impliquée   par Jean-Marie Gleize  


"Le livre de Bernard Noel, la castration mentale s'ouvre sur un chapitre intitulé " la scène primitive", dont il explique que c'est une scène qui le hante depuis très longtemps. Cette scène, il n'y a pas assisté, elle s'est déroulé sous la Commune, dans les derniers jours de mai 1871, au moment où la Commune est vaincue et où va commencer une grande séquence de violence répressive contre les "Communards" de la part des "Versaillais".

"Un troupeau de Communards, que l'on vient d'arrêter et qu'encadrent les Versaillais, passe devant la foule ameutées sur les boulevards, dans les parages de l'Opéra: une foule de bourgeois bien mis qu'accompagnent leurs épouses en tournures et voilettes. Tous ces gens qui ont eu peur, clament leur soulagement haineux et victorieux, mais voici que dans l'excitation générale, quelques-unes des femmes s'avancent vers les prisonniers, et tout à coup arrachent la longue épingle qui retient ensemble chignon et chapeau, puis la manient à bout de bras pour crever les yeux sous les applaudissements."

Scène exemplaire, scène de violence exemplaire, pourquoi? Parce qu'elle met en scène un "meurtre" du regard. Cette violence-là, celle de l'état contre les soulèvements populaires, ne s'est pas tarie, elle continue de s'exercer, ici ou là dans le monde, en particulier dans les pays soumis à des régimes totalitaires. Bernard Noel ajoute cependant qu'aujourd'hui, dans nos démocraties dites libérales, la violence peut s'exercer autrement, de façon beaucoup plus insidieuse: " Les riches ne crèvent plus les yeux des révoltés avec des épingles à chapeau, mais avec des images. Cet aveuglement a l'avantage de n'être ni salissant ni douloureux. Le pouvoir est à nouveau divin puisqu'il peut agir invisiblement."

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