n. f. (du latin maturitas, de
maturus, mûr) La nature ne connaît pas l'immobilité ; tout change, tout varie,
tout se transforme dans l'univers. Et dans le domaine de la vie et de la
pensée, la maturité caractérise l'état de complet et d'harmonieux développement
de l'être. Après l'enfance, l'homme passe par l'adolescence, puis arrive à
l'âge mùr, époque du complet épanouissement de ses forces physiques et
mentales. C'est en général à ce moment qu'il donne la mesure de sa valeur et
produit des oeuvres durables, s'il en doit produire. Les exercices scolaires et
les travaux de jeunesse peuvent fournir tout au plus des indications. Ajoutons
que les cerveaux les plus précoces sont loin d'être toujours ceux qui
aboutissent aux résultats les meilleurs, de même que les premiers fruits n'ont
généralement pas la saveur de ceux qui mûrissent tardivement. Or, dans
l'Université, tous les avantages sont pour les esprits précoces ; concours
d'entrée pour les grandes écoles, examens divers ne sont accessibles qu'aux
jeunes, aux très jeunes même. Et comme la législation moderne se refuse à
reconnaître le mérite de l'homme dépourvu de parchemins, il en résulte que les
esprits profonds, n'obtiennent pas d'ordinaire les places auxquelles ils
auraient droit et que les hauts postes sont occupés par des médiocres,
dépourvus de tout pouvoir créateur et jaloux des talents supérieurs. Il est
vrai qu'aux grands dignitaires de l'enseignement, l'autorité demande moins de
sélectionner les meilleures intelligences que d'écarter les esprits frondeurs,
jugés dangereux par l'ordre social. On conçoit que la campagne menée par La
Fraternité Universitaire, pour que l'on juge les hommes à l'oeuvre, d'après
leurs travaux effectifs plutôt que d'après leurs diplômes scolaires, n'ait pu
plaire aux gouvernements. C'est que les fils de la bourgeoisie, supérieurs non
par la puissance cérébrale, mais par les droits légaux qui sanctionnent les
longues années d'étude consacrées à la conquête d'un parchemin, se verraient
souvent rejetés au second rang. Ils cesseraient d'avoir le monopole des postes
de commandement ; ce qu'on veut éviter à tout prix. Les races et les peuples
ont, comme les individus, une enfance, une jeunesse, un âge mûr, et, disons-le,
une vieillesse et une mort. Clameurs et discours patriotiques ne purent
empêcher l'inévitable en Grèce et à Rome, ils n'y réussiront pas davantage à
notre époque. La géologie démontre, de son côté, que les espèces animales
disparaissent après un temps plus ou moins long, cédant la place à des
organismes nouveaux. Notre espèce a-t-elle atteint sa maturité ? Non
assurément, elle sort à peine de l'enfance. L'humanité grandie ne connaîtra
plus les injustices de l'ordre économique, les chaînes d'une légalité faite par
les exploiteurs, les brutalités de la guerre, la division entre maîtres et
esclaves. Avec leurs chapelets, leurs médailles, leurs prêtres, les Européens ne
sont pas aussi éloignés qu'ils le pensent de la mentalité nègre ; ils n'ont pas
le droit de rire des fétiches et des sorciers africains. Et le citoyen
conscient. qui court aux urnes a souvent une âme plus servile que celle de
l'habitant du Dahomey. Arrivée à son plein développement l'humanité rejettera
tous les dieux et secouera toutes les chaînes.
L. B
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