samedi 13 novembre 2021

Journal de Franz Kafka

 "Je n'ai plus assez de force pour faire une phrase. Si encore il s'agissait de mots, s'il suffisait de jeter un mot sur le papier et qu'on pût s'en détourner, dans la calme certitude d'avoir entièrement empli ce mot avec soi-même.

J'ai perdu une partie de l'après-midi à dormir; tout le temps que je fus éveillé, je restai étendu sur le canapé, songeant à plusieurs aventures amoureuses de ma jeunesse m'arrêtant avec irritation sur une occasion manquée ( un jour, je gardai le lit par suite d'un léger refroidissement et ma gouvernante me lut "La sonate à Kreutzer" tout en s'entendant à jouir de mon excitation); j'imaginai ensuite mon dîner végétarien, me trouvai satisfait de ma digestion et me pris à craindre que ma vue ne fût pas suffisante pour toute ma vie."


"Comme par suite d'un enchantement ( car les obstacles ne venaient pas des circonstances extérieures ou intérieures qui sont en ce moment plus agréables qu'elles ne l'ont été depuis un an), j'ai été empêché d'écrire tout au long de ce jour de loisir (c'est un dimanche). En guise de consolation, j'ai eu quelques lumières nouvelles sur la créature de malheur que je suis."


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