mercredi 14 août 2019

No Pasaran Anti-Patriarcat numéro spécial

Une domination qui prend une forme sexuelle:

Même si l'acte de prostitution concerne un ou des organes sexuels, il est, plus fondamentalement, un acte de domination qui prend une forme sexuelle. En achetant une disponibilité sexuelle momentanée, des hommes cherchent aussi à assouvir un désir de domination sur un autre être humain. Pour se libérer des contraintes de la séduction virile, pour atténuer leur peur de ne pas être à la hauteur, ils se donnent à peu de frais l'illusion de plaire ou d'être séduits. Souffrant de frustrations , d'un sentiment d'échec, de timidité", ils cherchent une compensation avec le seul pouvoir de leur argent. "Je paie, j'ai le droit": cet argent leur donne aussi la possibilité de matérialiser un fantasme, ou de satisfaire un désir qu'ils ne peuvent exprimer dans d'autres conditions. Ils le font sans souci des conséquences pour l'autre, en toute irresponsabilité.
J'ai eu des entretiens avec beaucoup de ces hommes, et j'ai interrogé des travailleurs sociaux et des psychothérapeutes sur ce sujet très mal connu. Je discerne trois traits communs à la grande majorité des hommes qui paient pour des relations sexuelles. Premièrement, un déficit de l'estime de soi qui remonte à l'enfance et qui se traduit par un mal-être. Ces hommes cherchent à y remédier par la satisfaction d'un désir, qui leur donne l'illusion momentanée d'un pouvoir. On trouve le même manque chez bien des violeurs, ainsi que chez les hommes qui sont violents avec leur compagne ou avec leurs enfants.
D'abord, un goût du risque, par exemple, chez ceux, très nombreux, qui proposent de payer le double du tarif demandé pour une passe sans capote; ou pour les hommes connus qui mettent leur réputation en danger. Cela s'explique aussi par l'attrait de l'inconnu, dans le cadre d'une pratique dont le déroulement immuable est rassurant; sauf pour une minorité d'habitués, ces hommes s'adressent à des personnes qu'ils n'ont pas encore "essayées". D'où la rotation de "chair fraîche" , l'évolution permanente de l'offre et le développement des trafics.
Troisièmement, un clivage dans leur représentation des femmes , entre les femmes bien, sans sexualité , apaisantes et toutes puissantes , que l'on respecte, et les autres, les "salopes" hyperséxuées, fascinantes et excitantes, qu'il est facile de mépriser. Ces hommes mettent de côté, l'épouse, "la mère de mes enfants" , figure maternelle à qui disent-ils, "je ne peux pas , ou je n'ose pas, demander ça"; de l'autre , les professionnelles de "ça", qu'ils paient pour du sexe alors qu'ils voudraient plutôt oublier solitude, souffrance, problèmes de communication, et se rassurer en dominant ces femmes avec qui ils cherchent à la fois à se consoler de leur malheur et à se confirmer leur virilité.
Ce clivage est d'autant plus difficile à dépasser qu'il relève du machisme traditionnel, avec sa distinction entre "la maman" et la "putain", entre les femmes que l'on aime sans les désirer et celles que l'on désire sans les aimer; comme si le respect était incompatible avec le plaisir, comme si la sexualité était dégoûtante..."


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