Probité,
modestie, pudeur, bienséance, politesse, bienveillance, obligeance.
En ses diverses acceptions, ce mot est un de ceux que l'on a le plus
galvaudé de par le monde et qui couvre un tas d'actes malpropres,
vils, répugnants et quelquefois criminels. Que penser, par exemple,
de cette admirable phrase : l'honnêteté d'un commerçant, d'un
homme d'affaires ou d'un politicien? Qu'en penser, quand on sait que
le commerce n'est qu'un vol légalisé, que les « affaires » ne
sont que des coups d'esbroufe et que, seul, le plus rusé peut
réussir ; quand on sait que la politique n'est qu'une perpétuelle
duperie et que chaque politicien ment, promet, renie, abjure et se
livre à mille palinodies aussi répugnantes les unes que les autres
pour avoir sa part de l'assiette au beurre? Qu'en penser sinon que
cette « honnêteté » n'est qu'une étiquette couvrant la plus vile
marchandise! Que dire de l'honnêteté d'une femme, parce qu'elle n'a
de rapports sexuels qu'avec son mari ou son compagnon ; parce qu'elle
rougit ou baisse les yeux quand on lui parle de questions sexuelles ;
parce qu'elle ne se montre jamais avec d'autre homme que celui avec
lequel elle vit? Que dire de cette honnêteté, quand on sait que la
plupart des femmes qui se montrent en public sous un jour prude,
vertueux et même rigoriste ; sont, dans le privé, assez généreuses
de leur corps? Que dire, sinon que cette honnêteté n'est qu'un
masque destiné à tromper le public! Et puis, en quoi une femme qui
se donne où, quand et avec qui il lui plaît, est-elle moins honnête
que celle qui n'accorde ses faveurs qu'à un seul homme? Ce que les
conventions stupides appellent : honnêteté n'est que la
consécration de préjugés et d'hypocrisies. L'agence de
renseignements privés qui donne au mari des détails précis sur les
actes de sa femme, grâce auxquels il peut tuer ou son rival heureux
ou sa femme ; cette agence de renseignements qui, comme on le voit
souvent, hélas!, depuis la guerre, est responsable de meurtres, est
considérée comme agence honnête parce que ses renseignements sont
vrais ; alors que son honnêteté consiste à donner les moyens à un
jaloux de commettre un crime. Les anarchistes repoussent de tout leur
mépris l'honnêteté bourgeoise. Pour eux, cette honnêteté est un
mot vide de sens qui n'est que basse flagornerie à l'égard des
riches et des puissants et une flatterie à l'adresse des « bons et
dociles serviteurs ». Etre honnête, pour un anarchiste, c'est être
franc, sincère et loyal. L'honnêteté consiste à ne pas se mentir
à soi-même, ni aux autres; à se juger sans indulgence pour ses
défauts, à les combattre et à tout mettre en œuvre pour les
vaincre. L'honnêteté, c'est mettre en accord ses actes avec ses
idées, ses paroles ou ses écrits. C'est revendiquer sa complète
liberté et laisser tous les êtres agir librement. C'est rompre avec
les préjugés et les traditions. C'est savoir se dresser même
contre ses amis, quand ceux-ci s'engagent dans une mauvaise voie.
C'est être bon et fraternel non seulement en paroles, mais en
action. C'est savoir rester indulgent pour les petits travers des
autres parce que tout être a ses défauts et a besoin que les autres
lui soient indulgents. Mais c'est être impitoyablement dressé
contre tout acte vil, mesquin, autoritaire, criminel ou dangereux
soit pour son idée, soit pour les autres. L'honnêteté c'est rester
toujours conséquent avec soi-même, c'est ne rien accomplir de
contraire aux principes et aux idées que l'on professe. L'honnêteté
consiste à démasquer énergiquement les fourbes et les hypocrites
qui, sous ce mot, cachent leurs ignobles desseins. Elle ne peut
régner que dans un milieu et chez des êtres moralement sains.
L'honnêteté sera la règle générale dans une société où le
lucre, le luxe et la domination de l'homme sur l'homme auront cessé
d'exister.
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