jeudi 22 août 2019

Cavanna Cavanna

Défense et illustration du con

Nous sommes les cons, les glorieux cons, et nous ne sommes pas contents.
Nous sommes les cons d'airain, les cons inexpugnables, nous sommes le sel de la terre et la clef de voûte du monde, nous sommes les cons aux oreilles rouges, les cons à l'âme sans plis, nous sommes les cons sereins qui ne se posent pas de questions.
Le monde est à nous. Le monde, c'est nous. C'est pour nous qu'on crée. C'est pour nous qu'on se dévoue. C'est nous qu'on dorlotte et c'est nous qu'on égorge, et c'est nous qui dorlotons et c'est nous qui égorgeons.
Nous, les cons.
Alors, il faudrait savoir. Nous avons conquis cette planète. Sans grand mal, d'accord. Les autres ne faisaient pas le poids.
A mille contre un, c'était couru d'avance. Noyés, dilués, dissous, un cheval une alouette, ils ne colorent pas de façon appréciable le jus de con. Nous sommes vainqueurs, nous sommes tout seul.
Nous, les cons.
Pourquoi, alors, pourquoi n'osons-nous pas être ce que nous sommes. Fièrement, la tête haute?
Pourquoi avons -nous honte d'être des cons?
C'est vrai, à la fin. Sans nous, rien ne serait comme c'est. Rien. Nous n'avons peut-être pas tout fait, mais tout est fait pour nous. C'est un résultat, non ? Ce monde porte dans sa chair, au fer rouge, la marque du con. Cette civilisation est oeuvre de con.
Le con est roi, le con est dieu.Hommes d'état et marchands de lessive, journalistes et marchands de bon dieu, tous rampent à hauteur de con. C'est le con qu'il faut séduire, c'est le con qu'il faut baiser, le con qui vote, le con qui paie, le con qui fait des bulles, le con qui meurt pour les alsace-lorraines, le con qui tue pour les vietmans, le con qui pleure, le con qui rit, le con universel et triomphant, le con moral, le con féroce, le coeur au coeur de midinette, le on avare, le con ascète, le con héroïque, le con distingué, le con qui va-au ciel, le con qui se la veut courte et belle, le con fort de ses droits de con, le con cocu, le con cocueur.
Le con.
Nous, les cons, nous n'avons pas inventé la poudre. Nous avons fait mieux: nous avons domestiqué, les non-cons. Eux, ils l'ont inventée, la poudre. Pour nous. Et pas que la poudre!
L'homme est la plus belle conquête du con.
C'est bien pour nous les tolérons, les non-cons. Pour qu'ils inventent des inventions. Nous, on adapte. On fait des trucs marrants avec. Pratiques. La télévision, il ne fallait pas être con pour trouver ça. Un machin incroyable. Vous avez vu ce qu'on en a fait, nous, les cons? Toute cette science pour envoyer Guy Lux à tous les cons de l'hexagone et de la périphérie!
Les non-cons, ca les navre. Mais ils s'emmerdent tellement dans ce monde où tout est à notre niveau, à nous les cons, et rien au leur, qu'ils se plongent à corps perdu dans la science, ou dans un de ces machins qui font mal à la tête, et ils oublient le reste, et tout peut crouler ils s'en foutent, et ils sont heureux, et ils inventent, et ils inventent, et tout ça pour nous, et après ils pleurent quand ils voient ce qu'on en a fait, de leurs idées, les pauvres cons ! Oh, pardon...
Tenez, prenez Einstein. Pour fuir ce monde de cons, il plonge dans ses maths. Il vous sort de là-dedans des trucs inouis que je serais bien incapable de vous expliquer. Mais ce que je peux vous dire, c'est que dans tout ce bric à brac, il y avait un machin qui aurait fait bondir au plafond n'importe quel con: le principe de la bombe atomique. Et papa Einstein a bien pu passer le reste de sa vie à s'arracher ses beaux cheveux de neige, nous, les cons, on avait la bombe. Et vive Hiroshima, mon amour!
Nous, les cons, nous aimons la merde. Et comme nous avons le pouvoir magique de changer tout en merde, nous sommes sûrs d'avoir toujours de quoi nous régaler.
Entre nos pattes, l'amour devient mélo, la science devient gadget, la distinction devient quand-à soi, le bal musette devient folklore, le bon dieu devient adjupète, l'amour de son village devient nationalisme, la belle fille devient starlette, le facteur devient préposé, le coiffeur devient capilluculteur, la cage à lapins devient résidence, Piaf devient Mathieu, d'Artagnan devient Superman, le pissenlit devient espace vert et France dimanche tire à deux millions.
C'est nous qui massacrons dix mille merles pour nous faire du pâté et six millions de juifs pour faire l'histoire. C'est nous qui brûlons les jeanne d'arc et mitraillons les Kennedy pour en faire des saints, après. C'est nous qui déversons nos tinettes dans les rivières et nos pétroliers dans les océans et qui pleurons quand ça nous revient sur la gueule, nous qui rasons les forêts pour en faire des journaux du coeur, qui gavons les oies à la mécanique pour chatouiller nos petites papilles, qui crevons les yeux des serins pour qu'ils chantent mieux, qui éventrons les brebis pour couvrir d'astrakan nos mémères, qui allons en safari tuer l'éléphant pour le standing , qui payons cent millions un Utrillo et qui supprimons les marchandes de quatre saisons parce qu'inesthétiques. Nous qui avons effacé les peaux rouges au colt et au whisky et qui sommes bien contents qu'ils se soient un peu défendus, ça fait de si beaux westerns!.
Les lynchages, c'est nous! Les pogroms, c'est nous ! Le blé dans les locomotives, c'est nous ! Les vaches sacrées, les croisades, la censure, le cimetière des chiens, les fusillés pour l'exemple, l'inquisition, les sciences occultes, les funérailles nationales, le napalm, le club méditerranée, les pyramides, la garde meurt et ne se rend pas, Juliette de mon coeur, les médailles, les ivrognes du samedi, l'apartheid, omo lave plus blanc, la fête des mères, les migs qui remplacent le couscous et la grande peur des chinois, c'est nous, c'est nous!
Nous, les radieux, les éblouissants cons.

L'histoire, c'est nous qui l'avons faite. Ce sont nos trace qu'on relève parmi les silex défonceurs de crânes. Quand l'homme cessa d'être singe, il fut con.

Alors, nous, les cons, nous avons à dire ceci: nous ne voulons plus être ignorés. Nous voulons être reconnus pour cons et honorés comme tels. Tout ce que nous avons fait et faisons, nous le revendiquons hautement et nous voulons que ça se sache.
Nous exigeons un statut du con. Nous exigeons la proclamation solennelle des droits du con. En ce monde où les non-cons n'existent qu'à l'état de minorité infime et entièrement soumise à la souveraineté des cons, le con doit avoir, en renommée comme en fait, la place qui lui revient: la première.
Vivent les cons !


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