Etablissement
où l'on soigne les malades. Le principe fondamental de l'hôpital
était la gratuité ; et ce fut surtout pour la classe pauvre qu'on
créa cet établissement. Le prix coûteux des médicaments et des
visites médicales, l'impossibilité de s'entourer de l'hygiène et
des soins nécessaires à domicile étaient, pour l'ouvrier, une
grande cause de misère et de mortalité. Aussi l'hôpital fut-il
créé, dans lequel quiconque, assez gravement malade, sollicitait
son admission, était soigné gratuitement. A côté du service
hospitalier proprement dit fonctionnait le service des consultations
médicales gratuites. On peut affirmer, sans risquer de démenti, que
le principe de gratuité qui présida à la fondation des hôpitaux a
presque totalement disparu. Très peu de malades ont droit à
l'hospitalisation gratuite. Pour jouir de cette « faveur » il faut
se munir d'un véritable amas de certificats et d'attestations de
toutes sortes prouvant la situation d'indigent. Dans certaines villes
de province le candidat à l'hospitalisation doit verser une caution,
sans quoi il lui faut attendre que la municipalité soit certaine de
son indigence pour qu'il soit soigné. Un individu, dénué de tout
argent, qui serait, alors, en proie à une attaque exigeant des
secours médicaux immédiats, se verrait refuser l'entrée de
l'hôpital, s'il n'est pas muni de ces certificats de pauvreté, et
comme il faut au moins 24 heures à l'administration pour faire son
enquête et son rapport, le malade risque fort d'être passé de vie
à trépas au moment où son admission est accordée. A Paris, des
ouvriers ayant été soignés à l'hôpital, se sont vus réclamer,
sous menace de saisie par huissier, une indemnité de 25 francs par
journée de traitement. Même les simples consultations médicales
ont été taxées à cinq francs, ce qui est un véritable scandale.
Jusqu'en 1906, c'étaient des religieuses qui avaient la charge de
gérer les hôpitaux. Depuis cette époque, date de la loi de
Séparation des Eglises et de l'Etat, la direction en est passée à
l'administration de l'Assistance Publique et, en principe, c'est un
personnel laïque qui remplit les emplois d'infirmiers. Néanmoins il
existe encore beaucoup de villes en province où les religieuses ont
été maintenues en fonction. La plus grande partie du budget étant
consacrée soit aux réparations ou aux indemnités des dommages de
la guerre, soit à l'armée et à la préparation de la prochaine «
dernière », l'Etat pensa tout naturellement à prendre une partie
des dépenses occasionnées par les apprêts bellicistes sur les
crédits des hôpitaux. Au lieu de moderniser ces établissements, de
leur procurer les derniers perfectionnements de la Science, de
transformer en bâtiments hygiéniques les vieilles bâtisses sales
et lépreuses, d'agrandir les hôpitaux qui deviennent insuffisants
pour les besoins de la population, l'Etat refuse impitoyablement tout
nouveau crédit au budget hospitalier. Ce manque continuel de
crédits, l'exiguïté et la vétusté des locaux, les conditions
d'hygiène véritablement révoltantes dans lesquelles travaille le
personnel hospitalier, toutes ces choses font que les malades sont
soignés en dépit du bon sens. Dans certaines villes de province le
service d'ambulance est tout à fait illusoire. C'est ainsi qu'à
Orléans, notamment, en 1928, il est impossible de pouvoir
transporter deux malades à la fois à l'hôpital, une seule voiture
ambulancière existant (et encore, quand elle n'est pas en
réparation!) On récrimine souvent contre le personnel - et c'est à
grand tort. Il faut affirmer qu'un véritable dévouement est
nécessaire aux hommes et aux femmes qui exercent le métier
d'infirmier, pour résister et persister dans leur vocation. Le
personnel n'est pas négligent : il est débordé par l'insuffisance
numérique, par la vétusté du matériel et par la routine qui règne
dans cette administration, comme dans toutes les autres, du reste.
L'organisation actuelle des hôpitaux en France est une honte pour la
société. N'a-t-on pas vu certains établissements manquer, en
période d'épidémie, des médicaments nécessaires! La santé
publique devrait être la première préoccupation de ceux qui ont à
charge d'administrer une collectivité. L'admission dans les hôpitaux
devrait être un droit absolu pour chaque individu malade. Tous les
efforts devraient tendre au maintien de la santé de chacun. Mais il
s'agit bien de cela! Tout l'argent que l'Etat demande et exige des
contribuables, toutes les découvertes de la science sont au service
des institutions meurtrières. Au lieu de conserver la vie aux
individus, on met tout en œuvre pour la leur enlever lors de la
prochaine guerre. Dans une société organisée rationnellement,
l'hôpital devra être un lieu sain, bien aéré, muni de tout le
confort moderne et doté, de tous les perfectionnements de la
Science. Tous les sacrifices nécessaires seront accomplis pour que
chaque membre de la société ait tous les soins que réclame son
état de santé. L'hôpital ne sera plus un bâtiment sale, vieux et
triste, dans lequel on s'imagine être en prison, dans lequel on sent
à chaque pas l'atmosphère de la mort et où l'on n'entre qu'après
de ridicules formalités. Ce sera un lieu agréable, propre, bien
situé, entouré de jardins ou de bois. Ce sera le lieu où l'on
viendra avec confiance se faire soigner, où l'on respirera chaque
jour l'atmosphère de la vie qui se maintient grâce aux soins de
tous, d'où l'on espèrera sortir guéri et non, comme maintenant, en
sujet d'opérations dans l'amphithéâtre. Aujourd'hui, tout est mis
en œuvre pour la mort. Demain, tout sera employé pour préserver la
vie.
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