C'est
l'ensemble des principes qui constituent une doctrine, une
philosophie, une forme économique, un état social ayant un but
déterminé, et les moyens que cet idéal permet d'employer pour
l'atteindre. Idéal bourgeois ou idéal capitaliste. C'est celui
d'une poignée de forbans, qui, par la force ou par la ruse, par le
vol et l'assassinat, érigés par eux à la hauteur d'un droit, sont
parvenus à accaparer, et détiennent dans leurs mains, tous les
biens de la terre, toutes les richesses du sol et du sous-sol, tous
les revenus du travail tant agricole qu'industriel, tous les moyens
de transport, de production et d'échange, tous les bienfaits des
découvertes scientifiques qui ont permis la création du machinisme
moderne, lequel permet de quintupler, et plus, le rendement, tout en
diminuant dans une proportion énorme le prix de revient des
produits, et qui n'a jamais servi dans leurs mains à augmenter les
loisirs ni le bien-être des travailleurs ; ne laissant au reste du
genre humain, à ces innombrables foules de travailleurs de toute
catégorie, que le droit d'être les esclaves de cette classe dite
privilégiée, de travailler et de produire tout à son profit afin
de la faire vivre dans l'oisiveté, l'opulence et le luxe le plus
effréné, et pour eux-mêmes, en échange de ce labeur pénible et
sans fin, d'avoir à endurer toutes les souffrances d'une vie
misérable, remplie de privations de toutes sortes. Et cette classe
bourgeoise, capitaliste, dite classe privilégiée, a la prétention
et l'insolence d'affirmer que cette différence de situation des
êtres humains sur cette terre est conforme à la Nature et n'est que
l'expression des lois de celle-ci ; et elle fait prêcher et
enseigner par des imposteurs qu'on appelle les prêtres de toutes les
religions, que c'est par la volonté de Dieu qu'il y a ici-bas des
riches et des pauvres. On ne saurait pousser plus loin le cynisme, et
ceci nous montre clairement que les moyens que cet idéal bourgeois
permet d'employer pour atteindre son but infernal : l'asservissement
de l’humanité, sont tous bons, quels qu'ils soient ; ainsi, on a
tenu les classes prolétariennes dans l'ignorance la plus crasse,
sachant bien que l'ignorant ne saurait défendre et faire valoir
normalement ses droits. Puis ce sont les superstitions religieuses :
par les religions et l'enseignement des prêtres, on est parvenu à
faire croire aux foules ignorantes, à l'existence, pour l'être
humain, d'une vie d'outre-tombe, d'une vie paradisiaque, dans
laquelle ils seraient d'autant plus heureux qu'ils auraient plus
souffert ici-bas ; que la résignation (voir ce mot) est la vertu
suprême pour gagner le ciel, et une infinité d'autres
calembredaines analogues, capables d'endormir leurs esclaves et les
empêcher, par la revendication légitime et énergique de leurs
droits, de venir troubler la digestion de leurs maîtres. Et lorsque
tous ces moyens employés pour maintenir docilement dans leurs
chaînes cette humanité de travailleurs ne suffisent pas, que des
cris de révolte se font entendre, que des soulèvements se
produisent, que l'insurrection vient effrayer ces bourgeois
jouisseurs, ceux-ci n'hésitent pas à employer la fusillade contre
les foules en révolte, et à enfermer dans leurs prisons et leurs
bagnes les propagandistes qui les avaient soulevées. Car, ne
l'ignorez pas, la bourgeoisie capitaliste prétend avoir droit de vie
et de mort sur le reste du genre humain, et elle l'exerce, ce
prétendu droit, sans restrictions ni réserves. La cupidité
bourgeoise est insatiable, et si les capitalistes du monde entier
s'entendent parfaitement pour l'exploitation du prolétariat, ils
cessent d'être d'accord lorsque leur cupidité les pousse à vouloir
s'emparer des biens qu'ils convoitent et qui sont détenus par leurs
voisins ; ils n'hésitent pas alors à se déclarer des guerres
sanglantes dans lesquelles ils font massacrer par millions les fils
des prolétaires, témoin la guerre atroce 1914-19l8. Cette mentalité
de la bourgeoisie est inférieure à celle des fauves, car si les
fauves dévorent leur proie, du moins ils n'attaquent pas leur propre
espèce. Quelle plume serait assez éloquente pour décrire toutes
les horreurs, toutes les monstruosités dont cette classe dite
privilégiée se rend coupable envers le reste de ses semblables? Son
orgueil est incommensurable ; son hypocrisie, sa lâcheté et sa
cupidité dépassent toutes les bornes et ses crimes sont
innombrables ; voyez plutôt cette poignée d'individus (ils ne sont
qu'une poignée relativement au reste des masses humaines) qui
détiennent dans leurs mains toutes les richesses mondiales ; ils
vivent souvent dans l'oisiveté, étalent insolemment un luxe effréné
sous le nez des prolétaires. Leur table est chargée des mets les
plus recherchés, des vins les plus exquis, des desserts les plus
rares, des liqueurs les plus délicieuses, en un mot de tout ce qui
pourrait flatter le palais d'un Lucullus. Leurs vêtements sont
tissés des étoffes les plus précieuses, perles et diamants
attestent l'insolence de leur richesse. Ils habitent des demeures
somptueuses. D'opulentes limousines les emportent dans leurs
promenades récréatives. Ils passent la saison d'hiver dans les
stations favorisées par le climat, où tous les plaisirs les
attendent ; quand vient la belle saison, ils vont respirer l'air de
la campagne dans leurs riches villas, et en été, ils partent en
villégiature aux villes d'eaux ou sur les plages maritimes où ils
dépensent en agréments de toute sorte l'argent que leur procure le
travail des prolétaires. Ils jouissent du paradis sur la terre, de
tout ce que peut souhaiter un Sybarite. En face de cette vie de
délices se dresse le spectre de la géhenne prolétarienne, qui
enclot toute l'humanité des travailleurs sans espoir d'en sortir
jamais, attachés qu'ils sont à un travail pénible et sans fin et
réduits aux privations. La nourriture la plus grossière est pour
eux, et heureux encore lorsqu'ils en ont à satiété. Souvent mal
vêtus, ils habitent les taudis, leur vie tout entière est une vie
de forçats, de damnés. Tel est le désolant spectacle que nous
présente le monde depuis les temps les plus reculés : d'un côté
une infime minorité de jouisseurs effrénés, planant au pinacle des
honneurs, du bien-être et de tous les plaisirs, mais dont le cœur
est inaccessible à tout sentiment de pitié à la vue de
l'incommensurable misère du reste du genre humain crucifié sur le
calvaire de toutes les douleurs humaines. Cette mentalité de la
bourgeoisie, qui fait de l'être humain besogneux une épave dans
l'humanité, n'est qu'un effet, une résultante, dont la cause
efficiente est dans les institutions sociales ; la société
capitaliste, en effet, a pour base le principe de la propriété
individuelle ou personnelle ; et c'est précisément dans ce fait,
pour l'individu, de pouvoir accumuler dans ses mains les richesses,
que réside l'irrésistible tentation qui fait choir l'être humain
dans les bas-fonds de la plus avilissante dégradation. Il faut
considérer, en effet, que si le cerveau de l'être humain a été
doué par la nature d'intelligence et de raison, facultés qui,
développées et cultivées avec soin, élèvent sa mentalité jusque
dans les hautes sphères où planent les êtres qui constituent
l'humanité supérieure, il n'en est pas moins vrai que ses sens,
favorisés par les facilités de la richesse, étendent leurs
jouissances jusqu'à la passion que, bientôt, l'homme ne peut plus
vaincre. Le principe de la propriété individuelle ou personnelle
est, en outre, le plus antisocial qu'il soit possible de concevoir,
puisqu'il met en opposition les intérêts personnels de chacun avec
celui de tous ses semblables. Une telle société ne saurait produire
que : la spoliation, le vol et l'assassinat continus. Pour rendre
durable une telle société où la majorité des individus sont
lésés, il a fallu l'asseoir sur une autre base, sur un autre
principe, autant ou plus nocif encore que le principe de la propriété
individuelle, c'est le principe D'AUTORITÉ. Désormais cette société
devient le règne de la force, c'est le seul « droit » qui reste,
tous les autres sont méconnus ; désormais, les individus atteints
dans leurs droits personnels, ne pourront plus s'enfuir de la société
; ils seront réduits au silence par la force armée qui asservit,
pille et assassine toutes les nations du monde, constitue le renfort
ingénieux et puissant de l'organisation spoliatrice d'aujourd'hui.
Tous les êtres humains aspirent au bien-être et au bonheur, et tous
ont également droit à ce bonheur et à ce bien-être, et commet un
crime horrible, monstrueux, celui qui se crée un bien-être, un
bonheur, aux dépens de ses semblables, celui dont le bonheur et le
bien-être sont faits du malheur, des privations et de la souffrance
des autres. La réalisation de l'Idéal bourgeois ou capitaliste est
la perpétration permanente, continuelle, journalière d'un crime
monstrueux envers l'humanité des travailleurs. Tel est l'Idéal
bourgeois ou capitaliste.
L'Idéal
anarchiste. - C'est l'antipode de l'Idéal bourgeois ou capitaliste ;
autant ce dernier n'est parvenu qu'à assurer le bien-être d'un
petit nombre de privilégiés au détriment de tout le genre humain,
autant l'idéal anarchiste procurera le bien-être et le bonheur à
tous, sans distinction d'individus, ce sera l'avènement du bonheur
universel. L'être humain qui vivrait isolé, loin de ses semblables,
n'ayant aucune communication avec eux, serait essentiellement
malheureux, parce que seul, isolé et privé de tous les secours de
l'entraide, il lui serait impossible de satisfaire ses besoins. C'est
pour obvier à ce grave inconvénient de l'isolement que les hommes,
en vue de l'amélioration du sort commun, ont établi entre eux des
sociétés. Pour atteindre à la plus grande somme de bien-être et
de bonheur, l'homme est obligé de vivre en société avec ses
semblables. Mais les sociétés passées et celles qui existent
actuellement sur la terre, ont été et sont loin d'apporter aux
hommes bien-être et bonheur. Organisées par une coterie d'aigrefins
fourbes et crapuleux, elles sont constituées en vue de donner
satisfaction à quelques-uns seulement, réservant la misère, les
privations et la souffrance au plus grand nombre. Dans la société
antique il y avait les maîtres et les esclaves ; ceux-ci étaient
malmenés et frappés par leurs maîtres, et la Bible elle-même
rapporte qu'un maître qui a frappé son esclave n'est pas
répréhensible si celui-ci ne meurt pas dans les trois jours ; au
Moyen-âge la société était composée des nobles seigneurs d'un
côté, et d'autre part des serfs qui, attachés à la glèbe,
étaient vendus avec la terre elle-même. Ceux-ci étaient plus
malheureux encore que les esclaves, qu'il fallait acheter au marché
pour une somme d'argent, et que la cupidité des maîtres empêchait
de laisser mourir inutilement. Les serfs connaissaient la famine
toute leur vie ; ils mangeaient des rayes à défaut de pain, en
Limousin des châtaignes, et ils broutaient l'herbe quand ils
n'avaient pas autre chose à se mettre sous la dent ; pendant ce
temps, les nobles seigneurs faisaient ripaille dans leurs châteaux
et faisaient danser les catins dorées dans les salons du Roi-Soleil.
Actuellement, c'est la société capitaliste, composée d'une poignée
de bourgeois qui détiennent dans leurs mains toutes les richesses
mondiales, et des innombrables légions de parias, de prolétaires
qui ne possèdent rien ou peu de chose, quoique produisant tout par
leur travail et dont les bénéfices sont accaparés en vue de ses
fins par la classe régnante. Aucune de ces associations n'a donc
réalisé le but pour lequel l' homme s'est senti obligé de vivre
dans la société de ses semblables pour être plus heureux ; au
contraire, les masses humaines ont été bien plus malheureuses
d'être obligées de vivre dans ces sociétés, que si elles eussent
vécu dans l'isolement individuel ; et de plus, toutes ces sociétés
basées sur de mauvais principes, les principes les plus antisociaux
(propriété, autorité), ont exalté et développé dans le cœur
des individus tous les mauvais penchants, tous les vices, toutes les
passions qui déshonorent l'humanité et font un monstre de l'être
humain. La société à laquelle aspire l'homme en vue d'augmenter
son bonheur, n'a jamais encore été réalisée et ne le sera que
lorsque l'humanité, parvenue enfin à l'usage de la raison et
jouissant de tout son bon sens, aura le courage et la sagesse de
chasser tous ceux qui se disent ses maîtres : bourgeois,
gouvernants, parasites malfaisants qui la grugent et la martyrisent,
et en prenant possession d'elle-même et du globe sur lequel elle
vit, sans dieux ni maîtres, instaurera le règne du bon sens, de la
raison et de la justice, et alors naîtra cette société parfaite
basée sur la solidarité, l'équité, la raison et la fraternité
universelle, la bonté, les sentiments d'humanité, c'est-à-dire sur
tous les principes scientifiques qui constituent la vraie science
sociologique, et qu'on appelle l'idéal libertaire ou anarchiste.
S'appuyant constamment sur les données acquises de la science,
l'idéal anarchiste correspond à la plus puissante et la plus
rationnelle organisation de la production tant agricole
qu'industrielle, qui est indispensable pour pourvoir à tous les
besoins matériels de l'humanité. Dans cet état social, le travail
étant exécuté en commun, par tous les valides sans exception, et
avec la machine dans la mesure du possible, on obtient le maximum de
rendement avec le minimum d'effort personnel, ce qui donne le maximum
de bien-être pour les travailleurs, bien-être qui ira toujours
croissant, grâce au progrès scientifique constant. Cette société
future, cette société libertaire évoluera, grâce à la volonté
de tous ses membres, vers un perfectionnement indéfini. Comme toute
société, elle implique des obligations pour tous ses sociétaires ;
mais ces obligations, ses devoirs sont très doux à remplir,
puisqu'ils consistent à faire à ses semblables tout le bien dont on
est capable, pour en recevoir en échange, du bien, de bons offices ;
à les aimer et à vivre fraternellement avec eux. Dans cette
société, tous les membres jouissent de toute cette liberté qui n'a
de limite que la liberté d'autrui, de nos semblables, qui doit être
aussi sacrée pour chacun de nous que la nôtre propre. Dans cet état
social, émanation de l'idéal anarchiste, l'être humain, sans
distinction de personnes, vit intégralement sa vie matérielle,
réalise toutes ses possibilités intellectuelles et morales. Ici,
plus de parasites qui consomment sans rien produire, tous les valides
à la besogne. Les infirmes, les enfants et les vieillards vivront
des produits du travail de la collectivité. Le travail y est
collectif, comme nous l'avons déjà dit, pour obtenir un plus grand
rendement avec moins d'effort, mais la consommation y est familiale,
chacun vit tranquillement chez soi. Chaque unité sociale, ou groupe
social, commune ou soviet, peu importe le nom, tant agricole
qu'industriel, doit comprendre un assez grand nombre d'habitants pour
que les travaux de tout genre puissent être exécutés en temps
opportun et convenable. Nous n'avons pas besoin de dire que le
principe nocif de la propriété individuelle n'est pas admis dans
cette société, la propriété y est collective, tout appartient à
tous, par conséquent les intérêts personnels de chacun se
confondent avec ceux de tous ses semblables ; il n'y a plus aussi ni
or ni argent, ni aucune espèce de monnaie ; tout cela a été
remplacé par l'échange direct des produits, d'un groupe communal à
l'autre, ou entre groupes agricoles et industriels, ou entre les
diverses contrées qui composent la grande république universelle
anarchiste. Toute société humaine digne de ce nom a pour obligation
stricte d'assurer le développement intégral de toutes les facultés
des individus qui la composent. La société anarchiste, plus que
toute autre, s'acquittera entièrement de cette obligation, et les
individus qui composeront cette société ne seront pas, comme le
furent leurs vieux ancêtres, une population vouée à l'ignorance.
Dans cette société future, l'instruction, la science, ne seront
plus l'apanage d'une classe privilégiée ; l'Ecole sera ouverte à
tous les enfants du peuple, et tous pourront acquérir, en raison de
leurs facultés, toutes les connaissances scientifiques,
philosophiques, mathématiques, littéraires, etc., etc., l'Ecole à
tous les degrés d'enseignement sera pour tous. A dix-huit ans, ceux
qui voudront apprendre une carrière dite libérale, médecin,
pharmacien, vétérinaire, ingénieur, architecte,
ingénieur-agronome, etc., etc., entreront dans les écoles spéciales
préparatoires à ces professions. Les heureuses populations de ces
temps-là seront suffisamment instruites pour vivre leur vie du
cerveau, pour goûter à toutes les délices de la vie
intellectuelle. Les heureux composants de cette société y vivront
également sans entraves leur vie sexuelle, assurée par liberté
intégrale dont eux-mêmes et tout leur entourage peuvent user. Le
mariage, cette monstrueuse institution de la société capitaliste,
sera aboli. Dans cette société, où les intérêts pécuniaires
seront inconnus, les âmes sœurs se rechercheront et lorsqu'elles se
rencontreront, elles organiseront entre elles la vie commune. C'est
là la constitution rationnelle de la famille anarchiste. C'est ici
le lieu de parler du crime passionnel ; il serait étonnant que parmi
cette population instruite, consciente par conséquent, et jouissant
de la plus entière liberté, il se trouvât des individus, assez
irrespectueux de la liberté d'autrui pour user de violences à
l'égard de leurs semblables. S'il s'en trouvait, les individus qui
s'en rendraient coupables, seraient soignés, rééduqués dans des
établissements appropriés, non plus enfermés dans les prisons où
l'être achève de se dégrader. Nous voici arrivés au moment de
nous entretenir des sentiments affectifs de nos heureux sociétaires.
Ces sentiments sont inconnus à nos bourgeois. Les institutions de la
société capitaliste permettant le cumul des richesses personnelles,
font naître en eux une cupidité et un égoïsme féroces qui les
empêchent d'aimer autre chose que leur personne. Il n'en est pas de
même des composants de notre société libertaire ; les sentiments
affectifs occupent une place très large dans leur vie. Dans cette
société, où ne comptent plus les intérêts pécuniaires, les
unions des partenaires sexuels ne seront pas dictées par l'intérêt,
mais seulement par leur attachement réciproque, par la similitude
des pensées, des sentiments, des principes, etc., etc. D'un autre
côté, l'attachement des parents pour leurs enfants sera aussi sans
bornes, car dans cette société instruite de tout ce qu'elle doit
savoir, il ne naîtra pas, ou que très peu, d'indésirables ; tous
les enfants qui viendront au monde seront les enfants de l'amour,
qui, de leur côté, auront pour les auteurs de leurs jours, la plus
tendre, la plus vive affection, motivée par tous les bons soins dont
ils seront constamment entourés. Et tous les rapports des hommes
entre eux, dans cette société, seront empreints de la plus grande
cordialité parce qu'ils seront basés sur les principes de la plus
étroite solidarité. Chacun s'empressera de faire pour son prochain
tout ce qu'il pourra pour lui être agréable et utile, et toutes les
relations humaines seront empreintes de la plus franche cordialité,
ce qui augmentera dans une très large mesure le bonheur de tous.
Dans cet état social, les cœurs sensibles et généreux ne seront
jamais affligés par le triste spectacle de la misère et des
privations, parce que l'organisation rationnelle et scientifique de
la production permettra l'aisance pour tous ; alors les découvertes
de plus en plus merveilleuses des savants ne seront plus employées à
la destruction de l'humanité, comme cela a lieu dans la société
capitaliste actuelle, mais exclusivement à augmenter son bien-être
et son bonheur ; ils n'y seront jamais affligés non plus par le
hideux spectacle de la souffrance infligée, même à nos animaux
domestiques, qui seront partout et toujours humainement traités, et
ces sentiments d'humanité doivent même s'étendre à tous les êtres
sensibles, quels qu'ils soient, qui sont capables de souffrir. Cet
idéal anarchiste est la seule philosophie qui soit capable d'élever
véritablement la mentalité humaine et permettre à l'être, doué
par la nature d'intelligence et de raison, de réaliser le rôle
qu'il doit jouer en ce monde. Tel est l'idéal anarchiste ; sa
réalisation permettra, seule, la libération intégrale de
l'humanité. L'anarchie, c'est le soleil intellectuel dont les doux
rayons éclaireront et réchaufferont le cœur des générations
futures ; c'est le phare étincelant, à la lumière duquel
l'humanité suivra la voie de sa libération intégrale. Dans son
discours de Monflanquin (Lot-et-Garonne), M. Leygues, député et
plusieurs fois ministre, disait à ses concitoyens assemblés autour
de lui : « L'ennemi le plus dangereux pour les sociétés
démocratiques, c'est l'Anarchie ». M. Leygues avait parfaitement
raison ; toutes ces sociétés démocratiques, à formes plus ou
moins diverses ; société capitaliste, républicaine ou monarchiste,
suivant les nations, société soviétique, dite à tort communiste,
société socialiste, toutes étatistes, toutes puissances de
malfaisance sociale, sont appelées à disparaître et à laisser la
place à la société anarchiste qui mettra fin à tous les
privilèges, à l'exploitation de l'homme par l'homme, à toutes les
coercitions autoritaires ; et qui sera le règne de la justice et de
la raison et assurera à tous les êtres humains bien-être, bonheur
et liberté. Tel est l'idéal anarchiste.
- P. NAUGE
(paysan anarchiste)
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