Suivant l'interprétation
qu'on donne à ce mot, mort indique, soit l'action accomplie, c'est-à-dire le
fait de mourir, soit un état spécifique : celui qui succède à cette action...
Au masculin, il désigne la personne qui a cessé de vivre. Du point de vue religieux,
la mort est le commencement d'une autre vie, du point de vue philosophique
c'est le saut dans l'inconnu, l'exil éternel selon Horace, le néant suivant
Sénèque, une nuit sans rêve et sans conscience pour le biologiste.
Dès que l'être humain nous a
quittés, son corps se refroidit et ce dans un temps proportionnel à la nature
de la maladie ou à la température dans laquelle il vient de mourir.
Généralement, 8 ou 10 heures après la mort, un cadavre est froid, mais ce
froid, constaté au toucher, n'est qu'apparent ; le thermomètre, lui, continue à
marquer une certaine température durant au moins 24 heures.
Durant quelques heures il
semble qu'une certaine vitalité subsiste chez le mort, des expériences
physiologiques ont démontré que, sous l'influence d'un courant électrique, les
muscles du mort pouvaient se contracter et exécuter des mouvements divers.
Selon le docteur
Caltier-Boissière, il y aurait cinq signes immédiats et sept signes tardifs qui
permettraient de savoir si nous nous trouvons en présence d'une mort réelle.
Dans la première catégorie, il place : 1° l'abolition de l'intelligence ; 2°
l'absence de la sensibilité ; 3° l'abolition de la respiration ; 4° l'absence
des battements du cœur ; 5° l'insensibilité de la cornée. Pour la seconde
catégorie, il y a : 1° le relâchement des sphincters de la vessie et de l'anus
; 2° la rigidité ; 3° le refroidissement ; 4° les taches rouge-bleuâtre ; 5°
l'aspect spécial de la face ; 6° l'absence de contraction musculaire ; 7° la
putréfaction. (Voir signes de la mort).
Qu'est-ce que la mort ? La
mort est la cessation de coordination entre les cellules d'un organisme.
Est-ce un phénomène
extraordinaire ? Marc-Aurèle, dans le Manuel du Stoïcien écrivait : « Si on la
considère en elle seule, si, par abstraction de la pensée, on la sépare des
images dont nous la revêtons, on verra que la mort n'est rien qu'une opération
de la nature. Or, quiconque a peur d'une opération de la nature est un faible
enfant. Il y a plus : non seulement c'est là une opération de la nature, mais
c'est une opération utile à la nature... Mirabeau nous a donné une définition
aussi juste que consolatrice : « J'ai souvent pensé que la mort était la plus
belle invention de la nature ; mais c'est quand elle frappe nous et non pas les
nôtres... » Frédéric Nietzsche, dans La Volonté de Puissance s'exprimait ainsi
: « La défection, la décomposition, le déchet n'ont rien qui soit condamnable en
soi ; ils ne sont que la conséquence nécessaire de la vie, de l'augmentation
vitale. Le phénomène de décadence est aussi nécessaire que l'épanouissement et
le progrès de la vie ; nous ne possédons pas le moyen de supprimer ce
phénomène. Bien au contraire, la raison exige de lui laisser ses droits ».
Aussi multiples qu'elles
soient, les causes de la mort peuvent cependant être classées en mort naturelle
et mort accidentelle. Tantôt subite, tel est le cas des morts survenues par
accidents, tantôt longue et pénible en cas de maladie. La mort s'insinue dans
la vie s'en empare, se confond avec elle au point de pouvoir donner à la mort
la seule vraie signification qu'elle doit avoir : la mort c'est la vie.
Mais, il n'est pas si facile
de mourir, et, je ne sais si une autre pensée a inspiré à l'être humain autant
de crainte. Le jour où l'être s'est mis à réfléchir sur cette idée, si
naturelle pourtant, faisant d'un être animé, pensant, respirant, se mouvant, en
un mot vivant à ses côtés une vie commune, un objet inerte, ce jour fut, pour
lui, un jour malheureux, car il ne sut pas comprendre ce phénomène quelque peu
troublant. La crainte est la grande pourvoyeuse des déifications. En présence
d'une vie finie, l'être humain ne trouva d'autre consolation que l'espérance.
Il imagina une croyance en un prolongement de l'existence. Il se refusa à
admettre la disparition définitive, et se persuada qu'il reverrait ceux qui
venaient de le quitter. Ainsi prit naissance cette foi en la vie future avec
l'immortalité de l'âme et les chimères de l'enfer, du purgatoire et du paradis.
Ces idées, l'être finit par les tenir pour certaines, et ce sont là les
préjugés dont nous retrouvons les traces dans toutes les religions et plus
particulièrement dans la religion catholique romaine.
Pour le croyant, la mort
devient donc la séparation du périssable avec l'immortel, de l'âme avec le
corps. Une destinée commence quand l'autre prend fin ; voici la vie éternelle
et notre parution devant la divinité... Quel sera son jugement ? Prions en attendant,
allumons des cierges, portons de l'argent en offrande aux saints pour qu'il
nous soit beaucoup pardonné, car nous avons peut-être péché. Telles sont les
grandes préoccupations des croyants à l'approche de la mort.
Ceci témoigne de la crainte
qu'éprouvent ces personnes avant de comparaître en face de leur « Dieu
croyantes semblaient avoir de la mort une véritable frayeur. Cependant,
n'est-elle pas, pour eux, la fin des maux d'ici-bas, la vie présente n'étant
qu'un court passage, une infime portion de la vie éternelle. Mais il est vrai
qu'un jugement les attend au terme du séjour terrestre. Paradis, enfer ; la
crainte d'entrer dans celui-ci pour n'avoir pas mérité l'autre n'est pas pour
les réconforter.
Dans ce cas, de deux choses
l'une : ou elles ont « mal agi » durant leur court séjour sur cette terre tout
en voulant se montrer bons chrétiens, c'est l'hypocrisie ; ou elles n'ont pas
confiance en leur Dieu, juste et miséricordieux.
« Si j'avais la force de tenir une plume, je
voudrais m'en servir pour exprimer combien il est facile et agréable de mourir
», disait William Hunter... Qu'il est doux de mourir quand, vieilli, fatigué,
usé par les luttes de la vie, l'on s'éteint en songeant au bonheur que l'on a
pu semer dans son existence. La mort apparaît alors comme un repos bien mérité,
un repos demandé ; car de même que, le soir, après la journée bien remplie,
l'on éprouve le besoin de dormir, il est un âge où l'on peut sentir le besoin
de se reposer pour toujours... » D'ailleurs, puisque la vie continue après
nous, sachons faire place à des vies nouvelles, plus ardentes, plus
enthousiastes, capables d'apporter par leur travail plus de bien-être et plus
de bonheur à l'humanité. Savoir mourir quand l'heure nous y invite, c'est
l'idéal vers lequel nous devons nous élever.
En effet, savoir mourir,
c'est comprendre la vie. Ainsi que Platon, MarcAurèle, Epictète, c'est se
rendre compte du but final de la vie comme le génial musicien Mozart le faisait
en écrivant à son frère, le 4 avril 1787 : « Je me suis, depuis quelques années
tellement familiarisé avec cette vraie, cette meilleure amie de l'homme, que
son image, non seulement n'a plus rien d'effrayant pour moi, mais est même, au
contraire, très calmante et très consolante... et pourtant aucun de ceux qui me
connaissent ne pourra dire que je sois chagrin ou triste ».
Savoir mourir, c'est se
rapprocher de ce qu'écrivait Tolstoï. « Je pense de plus en plus à la mort et
toujours avec un nouveau plaisir : tout s'apaise », C'est la concevoir comme
Léonard de Vinci : « Si la mort n'était pas, il n'y aurait, au monde, rien de
plus misérable que l'homme ». Nous n'avons, il est vrai ni la force de
caractère d'un Socrate, ni la puissance de raisonnement d'un Epictète ; nous ne
pouvons envisager la mort comme Mozart, ou l'attendre comme Tolstoï, ou bien
encore l'apprécier comme Léonard de Vinci, mais nous devons nous en faire une
idée assez nette pour ne pas être effrayés à son approche.
Mais pourquoi devons-nous
mourir ? me direz-vous. Parce que la mort est une forme nouvelle de la vie, de
la marche de celle-ci elle est la conséquence naturelle et logique ; et c'est
une transformation, en somme, nécessaire à l'équilibre des forces de la
matière. Notre vie n'est-elle pas faite de la mort d'une foule d'êtres et tout
le mouvement de la nature n'est-il pas basé sur la lutte continuelle qui se
traduit si cruellement par cette pensée : Tout ne vit que par la mort. Comme
l'a très bien dit Hosphile : « L'Univers se détruit lui-même pour se survivre,
la vie crée la mort pour rester la vie et revivre sans fin... »
Mais les religions jusqu'à
ce jour n'ont cessé d'enseigner aux peuples qu'au ciel seulement règnent
l'égalité, la justice, la fraternité, en un mot la vraie vie, harmonieuse et
droite. Et ce baume et ces promesses n'ont fait qu'abuser les faux « vivants »,
illusionnés par la perspective d'un bonheur éternel. Bonne aubaine pour les
puissants !
Consolés par ce mirage, les
esclaves ont accepté la détresse de leur sort, regardé même comme une épreuve
bienfaisante les souffrances de cette « vallée de misères », antichambre de la
béatitude éternelle... Alfred de Vigny disait, avec raison : « La religion du
Christ est une religion de désespoir, puisqu'il désespère de la vie et n'espère
qu'en l'éternité ».
La science a amené les
individus à méditer sur leur sort, en précisant le sens et la portée de la vie.
Elle les a préparés à lutter pour l'amélioration de leur condition présente et
c'est là un résultat heureux des recherches persévérantes de la pensée humaine.
« Le seul effort qui compte (dit Payot dans La Conquête du Bonheur) est de
coopérer avec les grandes forces spirituelles qui donnent à l'Univers sa
signification, et quand on s'élève à cette conception de la vie, on sent qu'on
ne peut pas plus cesser d'être que n'ont cessé d'être Pythagore, Socrate, Platon,
Aristote et tous les grands esprits qui continuent à vivre dans toute
intelligence qui s'ouvre à la vérité. Pythagore est penché sur tout enfant qui
cherche combien il y a de décimètres cubes dans un mètre cube. La seule mort
éternelle, c'est de n'avoir pas fait sa tâche... » Avec Lebrun Pindare, disons
: « Je ne meurs pas, je sors du temps » ; avec G. Adolphe ; « À d'autres le
monde ! »...
Dans l'état actuel de nos
connaissances, la mort nous apparaît comme un phénomène plus fort que nos
volontés, mais dont la vie même tire encore profit. Si inéluctable, d'ailleurs,
qu'il nous semble aujourd'hui, cela n'implique pas que nous ne pouvons chercher
à en reculer l'échéance, à assurer toujours plus, sur la mort, le triomphe de
la vie. Nous nous devons seulement d'envisager la défaite avec sérénité. Quand
notre rythme vital s'interrompt, que l'individu épuisé ou inapte s'efface
devant de nouveaux arrivants, il importe de donner à la retraite toute sa
valeur, de la rendre claire, généreuse et digne. La mort regardée en face, bien
située et comprise, cesse d'être un objet de crainte et d'horreur. D'en
pénétrer la signification et de reconnaître qu'elle s'accompagne aussi de
bienfaits, cela ne peut que nous rendre meilleurs.
– Hem DAY
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