Coda
Bernard Noël a écrit, dans "l'outrage aux mots", une phrase toute entière politique et révolutionnaire -assez politique et révolutionnaire pour ne trouver aujourd'hui encore, quarante ans après, personne d'accord -faite pour scandaliser ( qui scandaliserait en effet pour peu qu'on la reproduisit où il faut- dans la presse, proprement dit): " je crois que la généralisation de la torture est liée au culte de l'information." De quoi parlait-il parlant ainsi? de la parole, justement; de ce que celle-ci pouvait dire; de ce qu'elle disait dès lors que c'était au prix qu'on l'avait extorquée que de la parole existait encore. Il ne disait en somme que ceci: qu'il suffisait qu'on extorquât quelque parole que ce fût pour que ce fût tout parole qui eût perdu son sens. Il le disait certes dans le contexte de la guerre d'Algérie; et, parce qu'il ne faut abuser d'aucun langage (insistante leçon reçue de lui), il y a lieu de ne lui rien faire dire d'autre.
Rien d'autre? Il est pourtant possible de faire dire ceci: le culte de l'information sous lequel nous vivons, auquel nous sacrifions comme ce à quoi nous prétendrions que la démocratie se démontre, est né, naît et naîtra à jamais de la possibilité ultime qu'on torture.
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