samedi 12 novembre 2022

"Hétérotopie" : tribulations d'un concept entre Venise, Berlin et Los Angeles Par Daniel Defert

 "Ces unités spatio-temporelles, ces espaces-temps ont en commun d'être des lieux où je suis et ne suis pas, comme le miroir ou le cimetière; ou bien où je suis un autre comme en la maison close, au village de vacances ou à la fête, carnavalisation de l'existence ordinaire. Ils ritualisent des clivages, des seuils, des déviations et les localisent.

Toutes les normes humaines ne sont pas universalisables: celles de la disciplinarisation du travail et celles de la transfiguration par la fête ne peuvent se dérouler dans la linéarité d'un même espace ou d'un même temps: il faut une forte ritualisation des ruptures, des seuils, des crises. Mais ces contre-espaces sont interpénétrés par tous les autres espaces qu'ils contestent: le miroir où je ne suis pas reflète le contexte où je suis, le cimetière est planifié comme la ville, il y a réverbération des espaces les uns sur les autres et pourtant discontinuités et ruptures. Il y a enfin comme un éternel retour de ces rituels spatio-temporels et sinon universalisation des mêmes formes, du moins une universalité de leur existence. Ils sont pris dans une synchronie et une diachronie spécifiques qui font d'eux un système signifiant parmi les systèmes de l'architecture. Ils reflètent pas la structure sociale ni celle de la production, ne sont pas un système socio-historique ni une idéologie mais des ruptures de la vie ordinaire, des imaginaires, des représentations polyphoniques de la vie, de la mort, de l'amour, d'Eros et Thanatos".

Aucun commentaire: