mardi 1 novembre 2022

Les singes de leur idéal Par Michel Surya

Livre écrit après l'élection de François Hollande. 


2   Longue séquence surritualisée: campagnes,débats, scrutins, résultats, etc. Faites pour que tout le monde soit justifié de parler de politique et de démocratie - que nul ne doute davantage de l'une que de l'autre.

La politique? En entretenir l'illusion. Qu'on ne sache pas que le sort en a été une fois pour toutes réglé ( par les marchés). Dire: l'hypercapitalisme a eu raison de toute politique, ce serait dire en effet qu'il n 'y a de politique encore, si tant est qu'il puisse encore y en avoir, qu'en tant qu'anti-hypercapitaliste ( mais dans un sens ou l'autre, c'est n'en rien dire).

La démocratie? La dire "apaisée". Ne la dire qu'apaisée, avec une satisfaction les uns des autres, pour se dire à soi-même et montrer à tous la maturité enfin atteinte de ces processus - pour n'avoir pas à confesser leur extinction.


4     La passation des pouvoirs, ou la "continuité de l'état", selon les éléments de langage que les élites - politiques et médiatiques - ont en partage. Eloquent partage, grâce auquel nous devions par avance de savoir que cette continuité serait assurée, à quelque changement qu'on l'ait su exposée. Les médias n'ont d'ailleurs pas attendu les résultats des élections pour témoigner au nouveau pouvoir annoncé un attachement au moins égal à celui qu'ils avaient d'abord montré à l'ancien. On peut d'ailleurs en faire l'hypothèse: ce sont les élites médiatiques qui ont maintenant en charge cette continuité sans laquelle les apparences de la politique ne pourraient pas sauvées.

Il y a dix ans, on aurait dit d'elles: pour ne pas rester plus longtemps sans maitre; il faut dire aujourd'hui: pour que quelque pouvoir que ce soit sache quels il a (1).

(1) La violence dont les médias ont fait preuve depuis l'été contre le nouveau pouvoir le confirme a contrario, qui s'emploie à lui rappeler que ce sont eux qui l'ont porté à la tête de l'etat, et qu'ils disposent du moyen de ne pas l'y maintenir. [note à postériori oct. 2012]


7   Il peut donc arriver que le grand coit électoral accouche une fois ou l'autre en France ( tous les cinq ans tout au plus) de l'"alternance" (liesse, larmes, etc) dans laquelle les congratulations des vainqueurs se plaisent à voir la validité du changement, quand on n'y doit tout au plus voir que la variété de l'assujettissement ( la diversité de ses formes possibles).


24   Autrement dit, c'est cette inégalité essentielle qui va en produire une plus grande encore. Qui va produire le désir d'une inégalité plus grande encore, mais cette fois revendiquée. Où la liberté trouvera à se satisfaire. Et la jouissance aussi ( on sait laquelle). Nul ne doutant que la liberté est en effet possible, mais tous doutant que l'égalité le soit, on se mettra à opposer à l'égalité en son principe des égalités encore, mais restreintes, de plus en plus restreintes: raciales, nationales, régionales, etc. Donc violentes. L'assujetissement régionaliste, nationaliste, racialiste: tout ce qu'il restera du principe d'égalité après que celui de la liberté en aura réduit les possibilités prétendument illimitées."


43  Parce que ces possibilités ne manquent pas davantage, en effet. Nul ne l'a statistiquement encore établi, mais il n'en semble pas moins qu'il n'y a, tout compte fait, jamais eu autant d'argent. Des etats ont beau en manquer, qu'on prétend en quasi-faillite, parlant d'eux comme on parle d'entreprises, mais pour :

a/ qu'on ne s'avise pas que ce sont les entreprises qui disposent maintenant de l'argent dont manquent les états;

b   que c'est sur le modèle de l'entreprise qu'il faut que les états soient organisés et gé&rés pour qu'ils n'en manquent pas.

C'était peu de chose, selon toute apparence, tout au plus une extention supplémentaire du domaine de la lutte entrepreunariale. Or tout s'en est trouvé changé.

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