80 Quel intérêt y trouve-t-il, demandera-t-on? Celui-ci qu'il ne reste l'Etat qu'à ce prix, ne représenterait-il (pour ainsi dire) plus rien des intérêts publics, ne représenterait-il plus que des intérêts privés.
Intérêts privés qu'il est prêt pourtant à défendre avec autant d'autorité qu'il défendait auparavant les intérêts publics. L'autorité est tout ce qui lui reste (police, justice, armée), et la question ne compte plus vraiment de savoir au bénéfice de qui il l'exerce ( à quoi il les emploie).
Cette autorité restreinte et en grande partie factice, les intérêts privés la lui concèdent. Suivant une juste répartition des pouvoirs? Non, suivant une répartition intéressée. Cet intérêt est essentiellement le sien, qui veut que la police ne disparaisse pas, ni la justice ni les armées, à l'abri desquelles sa prospérité se perpétuera ( préjudice que redoutent de tels intérêts: qu'ils doivent eux-mêmes assumer les moyens de police, de justice et d'armée pour être protégés; qu'il arrivera cependant qu'ils assument eux-mêmes, partout où l'état sera défaillant).
81 La sécurité compte d'ailleurs au nombre des trois ministères dont le nouveau gouvernement, de "gauche", a d'emblée déclaré ne pas vouloir réduire les moyens. Pour veiller à celle des citoyens, et parmi eux à celle des plus démunis? Non, on le verra: pour réprimer le moment venu l'éventuelle violence des citoyens les plus démunis contre les intérêts du capital, que la "gauche" ne défendra pas moins que la droite avant elle ( c'est ainsi que cela se passe partout - en Grèce, en Espagne, en Italie, etc., où les mesures du capital dressent contre elles cette violence).
82 Point de vue depuis lequel la sécurité est la même pour la gauche que pour la droite. Où il n'est, pour l'une comme pour l'autre, qu'anecdotiquement question de la délinquance. Mais où il lest toujours de l'ordre public. Distingo subtil? Non, et il est possible d'en juger par les forces d'intervention distinctes que l'une et l'autre appellent. La "gauche" nouvellement élue ne s'n est d'ailleurs pas tout de suite inquiétée qui s'est rallié, par la grâce de l'élection, tout ce qui est à tout instant susceptible de déborder dans la rue ( la rue ne se constituant que rarement contre la gauche, on se demande pourquoi d'ailleurs, sinon par le fait que ce qu'on appelle "la rue" tient encore la gauche pour différente de la droite - on se demande par quelle grâce aussi).
84 Le nouveau ministre de l'intérieur (Valls), qui fait en effet la même chose que l'ancien (Guéant), ne prend pas même la peine de le justifier autrement. Tout au plus précise-t-il que les raisons pour lesquelles il le fait, à la différence de celles de son prédécesseur, sont de "gauche". Quant aux forces de police, elles ont tout loisir de se satisfaire que, quoique les raisons auxquelles elles doivent maintenant obéir aient changé, leurs méthodes puissent rester les mêmes (rafles dès l'aube, bulldozers contre bidonvilles, etc).
Raisons et méthodes contre lesquelles ce n'est certes pas à tort que des associations, elles-mêmes de gauche, avaient protesté, même si c'est à tort qu'elles auront en partie cru que la "gauche" était résolue d'y mettre bientôt fin.
86 Le changement annoncé prévoyait qu'il ne serait admis de procéder à des expulsions de Roms qu'à la condition que des mesures de relogements aient été expressément prévues. La preuve en est que le changement est "en marche" qu'à défaut que les Roms eux-mêmes aient été relogés, comme l'assurance en avait pourtant été donnée, leurs animaux l'ont été.
87 Le démantèlement brutal des camps de Roms marquera les débuts de la nouvelle présidence, de "gauche", de la même façon que la réception du Fouquet's a marqué ceux de la précédente présidence, de droite. Et il n'est pas sûr qu'on ne trouvera pas bientôt les seconds plus compromettants que les premiers.
90 Le nouveau gouvernement, de "gauche", humilie les putains et les Roms; soit ce qui est humiliable, et l'est immémorialement. Et montre au contraire une prévenance de tous les instan ts pour tout ce qui, toujours et partout, humilie: la police, la justice ( ce qu'on a d'abord voulu montrer); l'argent, la "finance" ( ce qu'on a ensuite et aussitôt montré). Pensera-t-on que c'est sans raison ni calcul?
91 Le choix n'est pas anodin en effet qui a consisté et consiste à stigmatiser une frange de population complaisamment représentée comme déterritorialisée (antinationale), improductive, parasite ou déliquante; autrement dit, vivant aux dépens d'une société tout entière rassemblée sous la bannière d'un redressement productif national, censée désormais lui tenir lieu d'identité.
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