mercredi 15 juin 2022

Pensées de Michel Surya

 Surya écrit ceci de Bataille qui vaudra pour Surya lui-même : « Bataille est aussi peu “philosophe” que possible et en ceci que sa biographie intéresse au tout premier chef sa pensée : il n’a jamais rien pensé qu’il ne voulût vivre, et rien imaginé dont il ne voulût, sur lui-même, seul, ou avec quelques autres, faire l’expérience. »


"Olivet (Fourbis, 1996) dès lors claque comme le couvercle d’un tombeau, celui aussi bien des parents détestés que du fils monstrueux, survivant lui aussi à deux frères morts avant lui : « ce qui n’est pas mort est à peu près devenu fou s’est au moins délabré dans un malheur semblable la vieille est morte sans s’être guérie de la honte que lui avaient été ces monstres sortis de son ventre ni consolée de l’horreur qu’ils n’en soient sortis que pour rentrer si tôt dans la terre je mourrai sans que ce soit atténué le dégoût que naître d’une vieille qui connut cette honte et cette horreur m’humiliât enfant m’humilie encore m’humiliera mourant ni sans sournoisement préférer encore cette humiliation à toute autre naissance ». Une seule phrase, asphyxiante pour en finir ? En réalité pas tout à fait : Le Mort-Né suivi de Eux y reviendront en 2016 (Al Dante)."

"L’autre série fait la part belle à la littérature où Surya s’y montre un grand, très grand, critique. Sous le terme générique de « Matériologies » ce sont aussi cinq livres qui vont s’enchaîner. Pierre Guyotat, Bernard Noël s’y retrouvent auprès des Antelme, Artaud, Bataille, Kafka, Sade, Debord, etc. Qui veut écrire, qui veut lire, ne saurait se passer de ces livres-là, éclairant et roboratifs, excitant aussi car écrits dans une proximité de pensée qui les rend sensibles ou qui rend sensible la manière philosophique de les penser : « Sade (…) est aussi celui qui enseigne aux hommes (avant que Zarathoustra l’enseignât, un peu comme lui) que le pouvoir est ce qu’il y a lieu d’abandonner à la faiblesse (…). Sade n’épuise les possibilités du pouvoir, de tout pouvoir, du corps sur lui-même, du corps sur les corps, des corps sur la nature, que pour qu’apparaisse évident qu’il n’y a pas de pouvoir dont la mort ne contraigne de faire l’abandon. (…) Le corps est lui-même un dieu entré dans la mort. » (L’Imprécation littéraire, Matériologies I, Farrago 1999)."




Aucun commentaire: