(du latin: miraculum ; de mirari, admirer)
Si l'on s'en tient à la
signification étymologique du mot, qui paraît la plus rationnelle et la seule
digne d'être retenue, un miracle est un fait extraordinaire, en contradiction
apparente avec ce que l'on observe habituellement, et qui, en raison de son extrême
rareté, et de ce que l'on ne s'explique point ses causes, provoque l'étonnement,
l' admiration, voire l'épouvante, parmi les ignorants et les fanatiques, toujours
plus disposés à découvrir, en ceci, la marque d'une intervention divine qu'un
phénomène dû à des circonstances encore mal définies.
À toute époque, les
humains ont été portés à croire que la nature était limitée à ce qu'ils en
observaient quotidiennement, ou à peu près, et à juger, par conséquent, comme
d'ordre surnaturel, ce qui était pour eux à la fois incompréhensible et, sinon
nouveau, du moins peu commun. Terrifiés par le fracas du tonnerre, et
l'éblouissante clarté de la foudre, les Anciens ont fait de cette dernière le
moyen d'expression de divinités diverses. Il s'agissait de la manifestation grandiose
d'une force qui, de nos jours, sert à faire marcher les tramways. Aux premiers
sauvages qui les virent se servir des armes à feu, pour semer autour d'eux la
mort, les hommes de race blanche apparurent comme des magiciens, ayant soumis à
leur volonté des puissances invisibles. Lorsque, dans des régions demeurées
très superstitieuses, comme la Bretagne, se montrèrent sur les routes les premiers
automobilistes, les paysans firent des signes de croix sur leur passage, parce
que n'ayant jamais vu de voitures traînées autrement que par un âne, des boeufs,
ou un cheval, ils ne s'expliquaient point qu'elles pussent avancer, sinon par un
artifice du Malin. Lorsque, il y a quelque vingt-cinq ans, eut lieu une éclipse
de Soleil, qui devait être particulièrement visible en Tunisie, quantité de
savants se rendirent à Sfax, pour y observer à loisir un phénomène dont ils
avaient méticuleusement prévu l'heure d'apparition, et qui, par conséquent –
quelles que fussent leurs croyances religieuses, ou leur incroyance – pour être
moins fréquent
qu'un simple lever de
Lune, n'offrait à leurs yeux avertis rien de plus mystérieux.
Cependant la foule des
indigènes illettrés, qui ne se rendait point compte de ce qui se passait,
voyant en plein jour le Soleil, source de toute vie, progressivement disparaître
derrière une grande ombre qui semblait devoir l'absorber en totalité, se livra
à toutes sortes de manifestations ridicules, traduisant à la fois sa crainte de
ne plus revoir la lumière, et son espérance de fléchir par ses supplications
Allah le Dieu unique, souverain maître des destinées.
La croyance au
surnaturel en présence de ce qui est, à la fois, anormal et inexpliqué, est une
loi psychologique qui souffre peu d'exceptions, et qui a été, et est encore,
très largement exploitée par le clergé de toutes les religions, notamment de la
religion catholique qui, non contente d'attribuer au Dieu de la Bible le
prodige de la création universelle, et ceux qui sont narrés dans les Écritures,
prétend encore, grâce à la Vierge Marie, et à quelques saints spécialisés dans
cet office, détenir le monopole des interventions miraculeuses en faveur des
malades, ou des personnes en péril, soit par des médailles, des reliques, ou
des objets bénits, soit par le pèlerinage en certains lieux réputés propices,
tels la grotte de Lourdes. Les prodiges décrits dans les Écritures, comme le
passage de la Mer Rouge à pied sec par les Hébreux, la chute de la manne dans
le désert, ou le voyage du prophète Jonas qui, sans dommage, demeura, dit-on,
trois jours dans le ventre d'un poisson de belle taille, sont d'une
invraisemblance grossière. Il s'agit, de toute évidence, sinon de récits dus
entièrement à l'imagination de leurs auteurs, du moins d'enseignements
symboliques, ou de faits amplifiés et déformés par la légende, tels que l'on en
trouve dans les annales de tous les peuples, aux époques primitives, caractérisées
à la fois par l'ignorance et par la crédulité. Depuis qu'il existe des méthodes
de recherche positives, et que les classes populaires reçoivent quelque instruction,
il n'est pas de pays civilisé dans lequel on puisse prétendre avoir enregistré,
de façon récente, quoi que ce soit d'approchant. Il n'est pas illogique d'expliquer,
par de simples coïncidences, les événements heureux qui surviennent contre
notre attente, lorsque tant de satisfactions légitimes demeurent refusées aux croyants,
malgré leurs prières ardentes et leurs persistants désirs. Quant aux guérisons
dont Lourdes et des lieux semblables seraient de nos jours le théâtre, en admettant
qu'elles ne soient pas toutes dues à des phénomènes d'autosuggestion, en admettant
même – ce sur quoi nous faisons toutes réserves – qu'il en soit d'inexplicables
par l'auto-suggestion, ceci ne serait pas de nature à nous faire accepter comme
valable l'hypothèse d'une intervention céleste, sous prétexte que les connaissances
scientifiques actuelles ne pourraient fournir d'explication immédiate, contrôlable,
à l'égard de ces faits mystérieux. Ce n'est pas en un temps où la science expérimentale,
par la découverte d'énergies jusque-là insoupçonnées, permet à l'homme des
merveilles, comme celles de la télégraphie et de la téléphonie sans fil, qui
jadis eussent été désignées comme d'essence surhumaine, qu'il pourrait devenir admissible
de retomber dans de vieux errements, source d'innombrables superstitions, à la
première annonce de quelques étrangetés, ou sur la référence de quelques
observations de prime abord déconcertantes. Si pouvaient être reconnus véridiques
les documents du Bureau des Constatations Médicales de Lourdes, ne serait-il
pas, malgré cela, contradictoire et absurde d'attribuer, à un Être de suprême bonté,
ces quelques bien faits, tout en supposant, d'autre part, cette personne assez cruelle
pour obliger des milliers de malades à supporter les fatigues d'un long et douloureux
voyage, dans l'espérance d'une guérison que la plupart n'obtiennent pas ? Ne
demeurerait-il pas plus absurde encore d'attribuer ces faits à une divinité Toute-Puissante,
alors qu'il est avéré que l'on ne guérit pas tout à Lourdes, et que jamais un
amputé n'a vu se reconstituer au sortir de la piscine, son membre absent ?
Si, pour les croyants,
un miracle est le résultat d'une intervention divine en contradiction avec les
lois de la nature, pour les rationalistes, il ne saurait être question, dans ce
domaine, jusqu'à nouvel ordre, que de faits rares, mal interprétés, ou encore
insuffisamment mis en lumière, lorsqu'il ne s'agit pas, plus simplement de récits
légendaires ou d'histoires inventées de toutes pièces, dans un but intéressé.
– Jean MARESTAN
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