n. f. (latin minoritas)
« La minorité, dans une
assemblée, est le petit nombre en opposition avec la majorité. » (Larousse.)
(Voir majorité.)
Longtemps, il a été
admis que la masse devait obéissance absolue à une minorité qui constituait
l'élite. (Chefs temporels : roi ; chefs religieux : prêtres.) La raison était
indiscutablement du côté de cette minorité (raison de droit divin, ou raison du
plus fort).
Puis, l'échelle des
valeurs a changé. À la suite de révolutions et d'évolutions, il a paru tout
naturel et très raisonnable que ce soit la minorité qui s'incline devant la
majorité : Le Tiers État n'est rien. Que doit il être ? Tout... Le
suffrage universel est venu. Les serfs ont été baptisés citoyens. Raison a été
donnée – en théorie – au plus grand nombre (voir ce mot).
Dans l'un, comme dans
l'autre cas, l'individu – qui est la minorité réduite à sa plus simple
expression – est toujours victime, tantôt du bon plaisir des « élites », tantôt
de la loi du nombre. Ni ici, ni là, il n'y a place tranquille au soleil, ni
pour un Diogène, ni pour un Galilée, ferments du monde. Obéissez au nom de Dieu
et du Roi, ou au nom du peuple souverain, mais obéissez !
En fait, la majorité,
qui est la foule veule et bête, ne sait rien, ne veut rien, n'impose rien :
elle suit, tout simplement. Et malgré les apparences, ce sont les minorités qui
font tout. La source des religions, des partis, des sectes, de tout groupement
humain est dans une poignée d'individus, souvent en un seul. Et chacun sait
comment on crucifie tout novateur qui, nécessairement, bouscule les saintes idoles,
chacun sait aussi comment on fabrique l'opinion publique et comment on la triture
(voir, exemple entre mille, l'histoire de « l'ennemi héréditaire », en France).
Dans l'exercice du
pouvoir, ce sont des minorités incontestables qui s'imposent dans les régimes
de dictature déclarée ; ce sont des minorités voilées dans les régimes
démocratiques. (Voir : La Douleur universelle, de Sébastien Faure : le
suffrage, dit universel, aboutissant, en définitive, par le jeu échelonné des «
majorités », à la dictature d'une infime minorité.)
Dans la lutte contre ce
même pouvoir, ce sont des minorités également qui finissent par imposer à la
masse amorphe et malléable leurs idées d'abord jugées dangereusement
subversives. En définitive, c'est le martyr qui a raison.
Les groupements « lutte
de classe » n'échappent pas à cette loi. Ils sont « menés » par une minorité
agissante. La masse a peut-être, dans ces groupements, l'air de savoir ce
qu'elle veut ; au fond, elle s'imprègne de l'idée des animateurs, et elle agit.
L'humanité apparaît
donc comme un vaste champ d'expériences où des forces incalculables
sommeillent, à l'état latent. Vienne un ferment, un de ces impondérables qui,
par sa volonté opiniâtre, traduit les sentiments obscurs de la masse, ou
réussit, en lui voilant adroitement le mensonge, à lui persuader qu'elle doit
se dresser, et cette masse entre en effervescence. Alors, on crie : Dieu le
veut ! ou bien : C'est la volonté nationale ! ou encore : Vive la Révolution !
À ce moment, c'est simplement une minorité qui a fini par imposer son point de
vue. Ces constatations ont ceci de réconfortant, c'est que le moindre des
efforts n'est jamais perdu, qu'il n'est pas permis de désespérer et qu'au
contraire on doit penser que toute idée juste finit par s'imposer un jour tant
est grande la force de la vérité et tant est puissant le rôle des minorités qui
la propagent.
– Ch. BOUSSINOT.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire