"Au service de sa propagande, il met une parole singulièrement éloquente et pénétrante. Le voici à la tribune d'une de ces réunions publiques dans lesquelles, durant trente ans, il prodiguera son activité, sa puissance oratoire, sa santé. La voix est stridente, âpre, rude, agressive. La première impression éprouvée est plutôt désagréable. La silhouette penchée, la physionomie anguleuse, les longues mains crispées sur la tribune, que d'un geste continuel elles labourent, il démontre; car sa manière est essentiellement démonstrative. Il s'attache à démontrer la nécessité et la possibilité du collectivisme. La voix, d'abord un peu faible, progressivement s'élève, monte à des registres toujours plus hauts, plus dominateurs, pénètre de plus en plus, stride de plus en plus, vrille, déchire. Les images, les ironies, les mots à l'emporte-pièce se pressent; le public est saisi, impressionné, empoigné, haletant; il suit l'orateur dans sa dialectique implacable et nerveuse. Les travailleurs qui viennent à peine de quitter leur dur labeur et s'empressent à la conférence, le tisseur qui sort de l'usine, le mineur qui remonte à peine des entrailles du sous-sol, sont pris par cette parole fervente, fiévreuse, brûlante; ils la boivent. Et quand, après avoir analysé l'évolution économique, décrit les maux, les iniquités, les tourments de la société capitaliste, Jules Guesde entreprend, avec une sorte de lyrisme, le tableau de la société collectiviste de demain, quand il ouvre des perspectives sur l'avenir, quand, avec aux yeux l'éclair de la joie de l'illuminé, il salue, dans un cri d'espérance, l'avènement de l'ordre social nouveau où il fera bon vivre, l'effet produit est vraiment émouvant. De tous les orateurs du socialisme français, Guesde est incontestablement celui dont la parole laisse, après son passage, les traces les plus profondes, le souvenir le plus persistant".
Jules Guesde décide de fonder un journal appelé: "L'égalité" avec Gabriel Deville, Victor Marouck, Emile Massard, Gerbier.
Sa déclaration inaugurale:
"L'égalité ne sera pas seulement républicaine en politique, athée en religion; elle sera avant tout socialiste.
Il ne parait pas à ses fondateurs qu'on doive en être éternellement quitte avec les revendications sociales en se proclamant vaguement partisan de mesures indéterminées de nature à améliorer le sort des classes laborieuses. Ils pensent que le temps est venu d'étudier les solutions et que plusieurs d'entre elles sont déjà trouvées.
Notre prétention n'est pas de régenter pontificalement les cerveaux, de mettre des systèmes préconçus à la place des données scientifiques et des aspirations populaires.
Nous croyons avec l'école collectiviste, à laquelle se rattachent aujourd'hui presque tous les esprits sérieux du prolétariat des deux mondes, que l'évolution naturelle et scientifique de l'humanité conduit invinciblement à l'appropriation collective du sol et des instruments de travail.
C'est en partant de cette donnée que nous étudierons l'ensemble des phénomènes sociaux".
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