vendredi 24 juin 2022

MISÈRE encyclopedie anarchiste de Sébastien Faure

 (du lat. f. miseria), n. f.

 

Ce mot prête souvent à confusion pour qui n'est pas habitué à l'ironie de certains mots

français et à leurs multiples sens.

Le Dictionnaire Larousse donne, sur celui-ci , les indications suivantes : « État digne de pitié ; 1° par le malheur : LA MISÈRE de Napoléon à Sainte-Hélène ; 2° par la pauvreté : LA MISÈRE porte au désespoir (Pascal). - C'est une MISÈRE que d'avoir affaire aux gens de lois. - Que de MISÈRES l'on imprime. - La richesse a ses MISÈRES. - Poétiquement : La vile Oisiveté est fille de MISÈRE (A. de Musset). - La MISÈRE de l'homme se conclut de sa grandeur (Pascal). – La terre où les hommes sont livrés à toutes sortes de maux, est souvent appelée: Vallée de MISÈRES. »

MISÈRE et compagnie, est un terme populaire qui dit bien que la misère engendre la misère. Reprendre le collier de MISÈRE veut dire qu'après un repos, un congé, un répit, il faut retourner au travail forcé.

Crier MISÈRE n'est pas une solution au mal. C'est souvent un moyen hypocrite d'apitoyer ou de tromper les gens. Par des dehors misérables, un égoïste, un avare, un peureux cachent leurs biens assez souvent mal acquis, peut-être par des profits inavouables, une exploitation honteuse de leurs semblables. Ils craignent les envieux et les curieux.

Enfin, il y a encore la misère physiologique qui découle souvent de la MISÈRE elle-même, par l'hérédité, le surmenage, le manque d'hygiène. C'est la MISÈRE sociale qui s'affiche ainsi par ses victimes.

La vie large, naturelle, saine peut, seule, apporter remède à cette misère-là... Pourtant, bien qu'on parle beaucoup des bienfaits que verserait une existence moins douloureuse et délivrée de la privation, ce sont toujours les parasites sociaux qui profitent, jusqu'à crever de pléthore, des richesses acquises et accumulées par le travail de la multitude. Ce sont ceux qui ne travaillent pas et qu'aucun labeur utile ne lasse qui, chaque année, vont à la mer, à la montagne. Ils ont besoin de vacances, de repos, sans doute pour réparer les fatigues de ceux qui les entretiennent... Et la misère continue.

La misère, elle est le résultat de l' esclavage, sous la forme du salaire... Elle ne peut disparaître qu'avec la suppression du patronat et du salariat. Tant que le travailleur n'aura pas su s'éduquer, s'organiser et, par l'union des exploités, se dresser pour supprimer l'exploitation, la misère subsistera, se perpétuera, s'aggravera. Ce n'est pas avec des malheureux prostrés par le travail et l'ignorance qu'on peut espérer transformer le monde et rendre socialement bon ce qui trouble aujourd'hui la vie et les rapports humains. Ce n'est pas rêver, en mystique, à la perfection des hommes que de vouloir d'abord supprimer les causes de leur misère. Il n'y a dans nos projets rien de chimérique. Ce que nous voulons, avec ardeur, c'est instituer sur le monde prétendu civilisé, une organisation nouvelle du travail. Et nous trouvons tout naturel que les travailleurs soient les artisans essentiels de cette organisation.

Il n'y aura plus de MISÈRE quand les producteurs auront compris la nécessité de produire pour eux, de régler leur production sur leur consommation et celle des êtres qui, dans la société, ont un motif ou une excuse raisonnable de ne point collaborer à la production. Si, comme l'a écrit Musset, qui ne l'entendait pas ainsi : La vile Oisiveté est fille de Misère..., nous aurons fait disparaître la fille en n'entretenant plus la mère.

 

- G Y.

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