(du lat. miserabilus), adj. et subs.
Malheureux digne de
pitié. Nous le sommes tous ; un peu plus ou moins nous avons droit à la pitié
mutuelle et nous n'avons pas à la refuser à d'autres, si nous entendons que nul
n'est misérable uniquement par sa faute. Dans l'antiquité, le misérable était
une victime de la fatalité. Il y en avait parmi les maîtres et parmi les
esclaves. On le pouvait devenir du jour au lendemain aussi bien jadis
qu'aujourd'hui. Selon Pascal, on est d' autant plus misérable que l'on est
tombé de plus haut. Selon Voltaire, tout misérable est digne de pitié : «
Plaignez, n'outragez pas le mortel 'misérable', Qu'un oubli d'un moment a pu
rendre coupable. »
La charité chrétienne
se fait gloire de secourir les misérables. La solidarité sociale, comme nous la
comprenons s'attache à supprimer les causes engendrant les misérables.
Le mot s'applique
fréquemment aux choses : Une vie misérable ; une fin misérable. Au sens figuré
se présente une signification particulière et individuelle, différant avec le sentiment
caché derrière ce mot. Ce qui est misérable pour un individu de conception
bourgeoise, de mentalité quelconque n'a plus la même signification dans la
bouche d'un homme d'idées avancées et libres. Nous ne pouvons pas dire que la
vie et la mort de la plupart des apôtres et des martyrs de la Muse anarchiste
furent misérables, puisque nous estimons qu'ils ont vécu et qu'ils sont morts
en beauté. Mais nous prenons à la lettre le sens que lui donne la bourgeoisie
quand elle qualifie de misérable leur existence, si l'on entend par là qu'ils
n'ont pas profité de leurs idées et de leur apostolat pour vivre bourgeoisement
selon l'expression qui s'attache à ce mot. Il n'y a pas déchéance, mais souvent
grandeur à vivre en misérable ; en n'exploitant personne, en restant digne et
fier, content de peu, mais heureux et riche de ses belles et généreuses idées,
fussent-elles pour longtemps encore chimériques à cause de l'ignorance et de
l'inconscience des misérables inaptes à les comprendre et à les vivre.
Les Misérables. Roman de Victor Hugo,
dont les lignes suivantes, tirées de la Préface,
suffisent à dire toute
la pensée : « Tant qu'il existera, par le fait des lois et des moeurs, une damnation
sociale ... ; tant que les trois problèmes du siècle : la dégradation de
l'homme par le prolétariat, la déchéance de la femme par la faim, l'atrophie de
l'enfant par la nuit, ne seront pas résolus ; tant qu'il y aura ignorance et
misère, les livres de la nature de celui-ci ne seront pas inutiles »...
Avec le poète et nombre
de penseurs, nous croyons que « les misérables ont fait souvent de grandes
choses ». Et, comme Labruyère, nous pensons : « qu'il vaut mieux s'exposer à
l'ingratitude que de manquer aux misérables ». Mais nous déclarons que sont
bien méprisables les misérables qui s'enrichissent du bien des pauvres. Sus aux
profiteurs qui dupent, bernent, pillent les misérables...
G. Y.
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