La prescription de l'activité
des facteurs à La Poste et ses contradictions
C'est un article qui a été élaboré à partir des
données de la poste mais aussi en croisant des recherches avec des
mots « la poste », « grève », et
« courrier ».
C'est en effet à lire afin de se rassurer et de ne
pas culpabiliser sur le fait de ne pas y arriver.
Une revue de presse locale sur 2 années de l'été 2015
à l'été 2017 permet de décompter 150 grèves et 40 préavis
supplémentaires.
Ces mouvements concernent à hauteur de 70% des
réorganisations.
« Depuis le début des années 2000, l'égrènement
des « réorganisations » a conduit à la disparition
d'environ 2000 centres courriers ( sur 5000), 15000 tournées sur 70
000 et 25 emplois de facteurs. ( La Poste, 2002 ; cours des
comptes, 2016a)
« les heures supplémentaires étant conçues
comme l'exception. »
un ingénieur du siège : « C'est le
principe, on construit une organisation moyenne, par définition tous
les jours elle est fausse. Une partie des outils sont les mêmes qu'à
l'usine, mais nous on s'en sert pour faire une pré-quantification du
temps de travail. »
Les analystes missionnés par la Poste pour étudier la
fusion : « La difficulté à trouver suffisamment de
personnel pratiquant la fusion de façon conforme constitue un
obstacle majeur(...) Dans ces conditions les résultats communiqués
doivent être considérés comme des tendances. »
Cependant, au quotidien, les directions des centres
courrier ne cherchent pas à contrer la désaffection des facteurs
vis-à-vis de ce mode opératoire en tentant de leur imposer. Elles
se sontentent, lorsque les nouveaux casiers sont installés, de
déduire de la « durée théorique » de la tournée le
gain escompté de la fusion. »
« Dans le cas distribution du courrier, les
calculs utilisant les temps standards établissent une vérité
comptable qui le demeure, puisque ce n'est pas la Poste qui éponge
le décalage entre le prescrit et le réel, mais le facteur. »
« Lorsque les facteurs prennent l'initiative de
noter quotidiennement leurs horaires effectifs, elles n'y voient
qu'un enregistrement partial. »
«Quoique présentée localement comme objective,
exhaustive, indiscutable, comme une description plutôt qu'une
prescription, cette addition est fabriquée selon des normes qui
échappent à tout le monde. »
« Les facteurs croient-ils à cette représentation
qui bien souvent les désavoue ? Y croire, alors que l'on met
plus de temps pour faire sa tournée que ne le prévoit le calcul,
c'est s'accuser soi-même de lenteur, de paresse, de nullité, c'est
sombrer dans l'aliénation. Ne pas y croire, c'est rejeter la
prescription qui fonde son propre travail, c'est risquer de se
laisser gagner par une colère radicale, intenable, ou entrer en
lutte – mais il faut trouver des alliés-, ou bien encore déserter
– il semble que de plus en plus de facteurs prennent le risque du
chomâge . Entre ces deux pôles, nombre de facteurs entretiennent
une demi-croyance, oscillant entre le désir de controverse et la
tentation de l'abandon. Les « diagnistics » emportent
rarement la conviction, mais ils fabriquent de la résignation, le
sentiment d'être désarmé face à cet écrit qui, noir sur blanc,
étatbli que le facteur « doit » des minutes, voire des
dizaines de minutes. »
« La modélisation des tournées au moyen de
cadences uniformes fournit un référent boiteux mais commun, la
seule balance disponible pour établir ce qu'un ingénieur du siège
appelle la « justice organisationnelle ». Mais
lorsqu'elle tranche entre les jugements concurrents des facteurs,
elle fait plus de déçus que de satisfaits, car tout le monde ou
presque se retrouve à « devoir » du temps. Il n'y a pas
de modélisation à somme nulle, car il n'y a pas de réorganisation
qui aurait l'objectif de rééquilibrer les tournées sans en
supprimer. Le langage de la dette habille et rationalise la
prescription patronale, tentant de la légitimer ( Morice 1999).
C'est au nom de la dette affichée que les facteurs acceptent des
dépassements horaires non rémunérés, ou s'infligent une
intensification du travail et des stratagèmes qui les rapprochent de
la faute professionnelle. Alors que la prescription est définie à
la seconde près, le moyen de retrouver, ou croire retrouver de
l'autonomie, c'est d'inventer ses raccourcis et ses astuces,
d'accélérer, de courir ( au sens propre), de tricher,. Le travail
solitaire du facteur permet de renouer avec des plaisirs et des
illusions analogues à ceux du travailleur à la tâche ou au
rendement. ( Marx 1985 t2 37-41) ; Roy, 2006 ; Haraszti,
1976), sauf qu'ici, au lieu de gagner de l'argent, on gagne du temps.
C'est le facteur qui en vient lui-même à se forcer à « dépenser,
au moyen d'une tension supérieure, plus d'activité dans le même
temps, à resserrer les pores de sa journée, et à condenser ainsi
le travail » (Marx 1985, t1,296). »
« D'autre part, le calendrier d'obtention des
contrats ne suit pas le rythme des réorganisations, si bien que les
« nouveaux services » sont simplement ajoutés à des
tournées dont la durée est déjà théoriquement arrêtée. »
« Dans l'exemple, la portion sécable devrait
plutôt être évaluée à 40 mn, si bien que ce sont 20 mn qui
échappent au calcul de la charge de la tournée. »
« Or, que la durée programmée pour la journée
de travail soit de 5h50 ou de 7h, que la part de cette journée
mobilisée par la distribution soit de 50% ou 80%, le rallongement de
la tournée ( augmentée de dizaines d'usagers dont il faut connaître
les noms, adresses et habitudes) n'est pas pris en compte, mais les
effets physiques de la fatigue non plus. Implicitement, la Poste
épouse une conception mécaniste et même pré-taylorienne du
travail, puisqu'elle envisage les facteurs comme des machines
constantes. »
« Alors que c'est un des emplois les plus mal
rémunérés, y compris par rapport aux autres employés et ouvriers,
et qu'il occupe fréquemment six jours sur sept ( et en tout cas la
majorité des samedis), la possibilité de disposer de son après
midi participait d'un compromis tacite mais décisif pour
l'acceptation des facteurs ( cartier 2003). Pour des raisons
industrielles – le courrier est acheminé des plates-formes de tri
vers les centres de distribution de plus en plus tard – et
commerciales- il serait plus facile d'atteindre les clients chez eux
l'après midi, - l'entreprise remet en cause ce compromis de façon
unilatérale et sans compensation, en grignotant progressivement les
après midi des facteurs. Cela passe par des reports de l'horaire de
prise de service et l'imposition d'une « pause méridienne »
de 45 mn, qui rompt avec le service continu que connaissait jusque là
les facteurs et accroit l'amplitude de la journée de travail
(Barrois, Devetter, 2017). »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire