vendredi 6 décembre 2019

Des « temps virtuels » au « fini-parti » document CHS CT




La prescription de l'activité des facteurs à La Poste et ses contradictions

C'est un article qui a été élaboré à partir des données de la poste mais aussi en croisant des recherches avec des mots « la poste », « grève », et « courrier ».
C'est en effet à lire afin de se rassurer et de ne pas culpabiliser sur le fait de ne pas y arriver.

Une revue de presse locale sur 2 années de l'été 2015 à l'été 2017 permet de décompter 150 grèves et 40 préavis supplémentaires.

Ces mouvements concernent à hauteur de 70% des réorganisations.

« Depuis le début des années 2000, l'égrènement des « réorganisations » a conduit à la disparition d'environ 2000 centres courriers ( sur 5000), 15000 tournées sur 70 000 et 25 emplois de facteurs. ( La Poste, 2002 ; cours des comptes, 2016a)

« les heures supplémentaires étant conçues comme l'exception. »

un ingénieur du siège : « C'est le principe, on construit une organisation moyenne, par définition tous les jours elle est fausse. Une partie des outils sont les mêmes qu'à l'usine, mais nous on s'en sert pour faire une pré-quantification du temps de travail. »

Les analystes missionnés par la Poste pour étudier la fusion : « La difficulté à trouver suffisamment de personnel pratiquant la fusion de façon conforme constitue un obstacle majeur(...) Dans ces conditions les résultats communiqués doivent être considérés comme des tendances. »
Cependant, au quotidien, les directions des centres courrier ne cherchent pas à contrer la désaffection des facteurs vis-à-vis de ce mode opératoire en tentant de leur imposer. Elles se sontentent, lorsque les nouveaux casiers sont installés, de déduire de la « durée théorique » de la tournée le gain escompté de la fusion. »

« Dans le cas distribution du courrier, les calculs utilisant les temps standards établissent une vérité comptable qui le demeure, puisque ce n'est pas la Poste qui éponge le décalage entre le prescrit et le réel, mais le facteur. »

« Lorsque les facteurs prennent l'initiative de noter quotidiennement leurs horaires effectifs, elles n'y voient qu'un enregistrement partial. »

«Quoique présentée localement comme objective, exhaustive, indiscutable, comme une description plutôt qu'une prescription, cette addition est fabriquée selon des normes qui échappent à tout le monde. »

« Les facteurs croient-ils à cette représentation qui bien souvent les désavoue ? Y croire, alors que l'on met plus de temps pour faire sa tournée que ne le prévoit le calcul, c'est s'accuser soi-même de lenteur, de paresse, de nullité, c'est sombrer dans l'aliénation. Ne pas y croire, c'est rejeter la prescription qui fonde son propre travail, c'est risquer de se laisser gagner par une colère radicale, intenable, ou entrer en lutte – mais il faut trouver des alliés-, ou bien encore déserter – il semble que de plus en plus de facteurs prennent le risque du chomâge . Entre ces deux pôles, nombre de facteurs entretiennent une demi-croyance, oscillant entre le désir de controverse et la tentation de l'abandon. Les « diagnistics » emportent rarement la conviction, mais ils fabriquent de la résignation, le sentiment d'être désarmé face à cet écrit qui, noir sur blanc, étatbli que le facteur « doit » des minutes, voire des dizaines de minutes. »

« La modélisation des tournées au moyen de cadences uniformes fournit un référent boiteux mais commun, la seule balance disponible pour établir ce qu'un ingénieur du siège appelle la « justice organisationnelle ». Mais lorsqu'elle tranche entre les jugements concurrents des facteurs, elle fait plus de déçus que de satisfaits, car tout le monde ou presque se retrouve à « devoir » du temps. Il n'y a pas de modélisation à somme nulle, car il n'y a pas de réorganisation qui aurait l'objectif de rééquilibrer les tournées sans en supprimer. Le langage de la dette habille et rationalise la prescription patronale, tentant de la légitimer ( Morice 1999). C'est au nom de la dette affichée que les facteurs acceptent des dépassements horaires non rémunérés, ou s'infligent une intensification du travail et des stratagèmes qui les rapprochent de la faute professionnelle. Alors que la prescription est définie à la seconde près, le moyen de retrouver, ou croire retrouver de l'autonomie, c'est d'inventer ses raccourcis et ses astuces, d'accélérer, de courir ( au sens propre), de tricher,. Le travail solitaire du facteur permet de renouer avec des plaisirs et des illusions analogues à ceux du travailleur à la tâche ou au rendement. ( Marx 1985 t2 37-41) ; Roy, 2006 ; Haraszti, 1976), sauf qu'ici, au lieu de gagner de l'argent, on gagne du temps. C'est le facteur qui en vient lui-même à se forcer à « dépenser, au moyen d'une tension supérieure, plus d'activité dans le même temps, à resserrer les pores de sa journée, et à condenser ainsi le travail » (Marx 1985, t1,296). »

« D'autre part, le calendrier d'obtention des contrats ne suit pas le rythme des réorganisations, si bien que les « nouveaux services » sont simplement ajoutés à des tournées dont la durée est déjà théoriquement arrêtée. »

« Dans l'exemple, la portion sécable devrait plutôt être évaluée à 40 mn, si bien que ce sont 20 mn qui échappent au calcul de la charge de la tournée. »

« Or, que la durée programmée pour la journée de travail soit de 5h50 ou de 7h, que la part de cette journée mobilisée par la distribution soit de 50% ou 80%, le rallongement de la tournée ( augmentée de dizaines d'usagers dont il faut connaître les noms, adresses et habitudes) n'est pas pris en compte, mais les effets physiques de la fatigue non plus. Implicitement, la Poste épouse une conception mécaniste et même pré-taylorienne du travail, puisqu'elle envisage les facteurs comme des machines constantes. »

« Alors que c'est un des emplois les plus mal rémunérés, y compris par rapport aux autres employés et ouvriers, et qu'il occupe fréquemment six jours sur sept ( et en tout cas la majorité des samedis), la possibilité de disposer de son après midi participait d'un compromis tacite mais décisif pour l'acceptation des facteurs ( cartier 2003). Pour des raisons industrielles – le courrier est acheminé des plates-formes de tri vers les centres de distribution de plus en plus tard – et commerciales- il serait plus facile d'atteindre les clients chez eux l'après midi, - l'entreprise remet en cause ce compromis de façon unilatérale et sans compensation, en grignotant progressivement les après midi des facteurs. Cela passe par des reports de l'horaire de prise de service et l'imposition d'une « pause méridienne » de 45 mn, qui rompt avec le service continu que connaissait jusque là les facteurs et accroit l'amplitude de la journée de travail (Barrois, Devetter, 2017). »

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