Le
coin du provocateur
Par
Luc Daurat
« Le jour où les chefs du socialisme auront
compris que l'homme du peuple est plus préoccupé de son honneur, de
sa femme et de sa soupe que des subtilités politiques, un pas énorme
sera fait vers la révolution.
Il faudrait savoir à la fin que le prolétariat cherche
moins dans le socialisme la joie pure du philosophe que la
satisfaction du guerrier. Le peuple fait du socialisme une affaire
personnelle et quotidienne. Cette conception est connue mais peu
répandue dans les milieux du socialisme car elle aurait l'immense
inconvénient d'en chasser les gens de lettres et les crapules qui
se nourrissent de la colère du prolétariat. Vulgarisée, elle
éviterait pourtant au peuple dégoûté des diplomates de la sociale
de se précipiter périodiquement vers les reitres de la réaction
militaire.
Les chefs du socialisme entendent le fatalisme
révolutionnaire comme un hommage permanent qui est du à leur haute
compréhension des problèmes. Ils baillent encore de surprise que
le prolétariat moderne, las de sécréter des Louis Blanc, des Noske
ou des Dormoy se soit précipité dans les bras des Napoléon, des
Boulanger, et des Hitler. Pas une fois ils ne songent à mettre en
doute leur compréhension de l'homme ni leur rôle du messie du
prolétariat.
Il est interdit de dire que pour le peuple , les
Napoléon, les Hitler sont une réaction nécessaire aux canailleries
jacobines, social-démocrates et bolchevistes. Pourtant, si l'on ne
veut pas admettre cela, on ne comprendra jamais rien à l'accession
au pouvoir des autocrates . On pourrait disserter savamment sur
l'imbécilité légendaire des chefs de la réaction militaire. On
pourra se gausser de leur philosophie naive et de leur syntaxe
barbare. Mais on pourra faire aussi ses malles et jouer élégamment
les papes de la sociale dans des émigrations successives.
Si l'on jugeait les prolétaires de 1937 d'après les
comportements de ceux qui se donnent pour leurs chefs, le monde
serait un ramassis de sophistes et de canailles dont l'unique
préoccupation consisterait à trouver le discours qui trompe le
lieux son prochain. Or le monde n'est pas cela. Le monde ouvrier est
cet assemblage d'hommes qui dorment , boivent, mangent et aiment avec
parfois d'étranges lucidités qui n'ont aucun rapport avec le
charme des discours et l'élégance des systèmes. Il y a entre le
peuple et ses chefs l'immense fossé qui sépare ceux qui vivent la
vie de ceux qui font profession d'en parler.
Si les chefs du socialisme allemand n'avaient pas été
des canailles, il faudrait admettre que les masses allemandes ne sont
qu'un troupeau de brutes soules n'ayant ni conscience humaine ni
dignité personnelle. De tels hommes n'étant pas un exception dans
le monde parler du socialisme en comptant sur de tels éléments
serait une bouffonerie ridicule. Il faut expliquer les masses
casquées et bottées du national-socialisme comme une réaction
naturelle aux sociaux démocrates de boudoir et aux adjudants
imbéciles de Moscou. Il faut admettre l'excès comme contre-poids à
l'excès ou autrement il faut douter des hommes et rejeter tout
système qui qui postule l'amour du vrai et l'effort humain, c'est à
dire en bloc le socialisme.
On peut expliquer le fascisme comme une duperie
criminelle. Mais alors il faut faire vite fait son mea culpa. Et ce
n'est pas avec une grande fierté que nous, militants socialistes,
pouvont faire au peuple le bilan des réalisations de ceux qui se
réclament de lui. C'est sans grande fierté que nous voyons comment
la tolérance et la dignité s'expriment chez les communistes à
Moscou. C'est sans grande fierté que nous voyons comment le courage
et le respect du prochain se manifestent chez les socialistes
français. C'est sans grande fierté que nous voyons l'honneteté et
la fermeté des chefs anarchistes éclater dans la Barcelone du 3
mai. Et nous avons quelque malaise à dénoncer les crimes de
l'adversaire quand nous comptons chez nous tant d'anciens et de
futurs assassins d'ouvriers.
Les canailleries des hommes s'effacent sur le plan de
l'histoire. Mais elles se gravent profondèment sur le pla n de la
vie quotidienne et l'on ne peut avoir une conscience de vainqueur
lorsqu'on prononce du bout des dents le nom de ceux qu'on doit subir
pour ses chefs. Pour jouer son rôle efficace, la présence du chef
ne doit pas s'inscrire en haut dans l'histoire maisd dans l'intimité
personnelle entre la femme et la soupe, entre les objets qu'on aime.
On n'admet ni une crapule, ni un prince, ni un flic, à son foyer. On
attend ici le compagnon d'arme dans le chef et dans le socialisme ,
le plan muri ensemble avant de donner l'assaut à l'adversaire.
Entre l'avocat et le soldat, on ne peut blâmer de
choisir le soldat. Et cela en quelque circonstance pour qui que ce
soit est une chose qu'il est nécessaire de comprendre.
La différence est telle entre le soldat de l'octobre
russe et du juillet espagnol et le flic social de Rome et de Berlin
qu'on ne peut risquer la confusion. Le militant soldat est l'opposé
du muscadin militaire , on n'en dirait pas autant des diplomates du
socialisme ouvrier.
A en juger par le pape et les évêques la morale du
christ serait une morale de bandits . A en juger d'après les chefs
ouvriers le socialisme serait une philosophie d'histrions. Je me
refuse autant à postuler que Blum, Thorez, ou Staline sont autant
fils du socialisme que les papes et les évêques sont fils de
Jéssu-Christ.
Il serait curieux d'étudier comment une morale et une
philosophie humaines ont donné naissance à cette lignée de
maquignons conformistes qui constituent les élgises chrétiennes et
les églises socialistes. Il règne dans les unes et les autres ,
devant une réalité inavouable, une apparence de benoiterie pour
l'édification des fidèles. On a raillé suffisamment les punaises
de sacristies catholiques pour qu'il soit permis de toucher un mot
des punaises qui ne manquent pas dans les sacristies socialistes. On
voit très bien la brutale franchise postulé par le terme de
révolutionnaire cohabitant avec le papelard qui est de règle dans
les organisations ouvrières . Chaque doctrine y a son pape ,
chaque nation ses évêques, et chaque région son troupeau de petits
abbés et de frères car le mot y est. Les renacleurs sont vendus à
Hitler comme on fut voué à Satan. La vérité y est proscrite ,
l'obéissance et le respect de rigueur . On excommunie avec quelque
facilité. La pénitence s'appelle la discipline. En vérité les
punaises du socialisme n'ont rien à envier aux punaises des
sacristies.
Les ouvriers qui ne pénètrent pas dans les partis et
qui ont la morae dure et juste de l'utilité quotidienne ne peuvent
s'imaginer la bassesse. Qui règne dans les clans d'initiés. Les
ouvriers ne croient pas qu'on puisse faire une révolution sur des
demi vérités et que la préparation à l'acte révolutionnaire soit
un continuel rampement devant des hommes qui ont reçu le plus clair
de leur autorité de la fréquentation des bourgeois.
La révolutions socialiste est l'acte le plus formidable
de bonne foi. Elle est préparée par des hommes pour qui l'action
est un chantage continuel et qui s'arrogent délibéremment le droit
au mensonge.
On comprend que de tels hommes doivent se trouver
impuissants devant des évènements révolutionnaires et que le
peuple ne peut mmanquer de s'en apercevoir.
Dans les révolutions victorieuses , les hommes dressés
à la morale des classes se perdent ni les habitudes d'adoration ni
les habitudes de mensonges qui caractérisent les religions. Au
contraire ces habitudes se renforcent et et s'affrontent dans les
fonctions diverses de la jouissance du pouvoir. Le socialisme qui a
ses Loyolas a aussi ses inquisiteurs de la foi, c'est à dire de la
doctrine. Staline poursuit en Trotsky le théoricien de la révolution
permanente commes les jésuites traquaient les jansénites sur la
grâce et le pouvoir prochain.
Si nous voulons conserver quelque chose du socialisme,
il faut différencier nettement ceux qui le représentent comme des
diplomates représentant une nation et ceux qui font le socialisme
comme les laboureurs font font le sol de leur pays. C'est avec le
travail patient du militant qu'on cultive et fertilise le socialisme
mais c'est avec le mépris et l'injure qu'on traite les chefs d'un
socialisme avisé. On n'améliore pas des hommes méprisables et on
redresse pas une bouche qui a pris l'habitude du mensonge. Il faut en
prendre son parti.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire