Société
fermée, très répandue dans diverses contrées du monde. Les
origines de la franc-maçonnerie sont plutôt vagues. Certains
prétendent la faire remonter à l'époque du roi juif Salomon et la
rattachent à Hiram, architecte du Temple de Jérusalem. Aucun
document sérieux ou fait historique n'appuie cette thèse et ne
permet de donner une telle paternité à la franc-maçonnerie.
D'autres font sortir la franc-maçonnerie des mystères de l'Egypte
et de la Grèce, mais cette légende est également sans fondement.
Si certaines sectes franc-maçonniques présentent quelques analogies
avec d'anciens ordres égyptiens, c'est, dit Salomon Reinach, que «
la franc-maçonnerie a été compliquée et pervertie, au XVIIIème
siècle, par toutes sortes de simagrées et d'impostures. On créa
des grades supérieurs, ceux des Templiers, des Rose-Croix et de la
maçonnerie égyptienne, avec la folle prétention de faire remonter
ces ordres aux chevaliers du Temple, aux Rose-Croix du moyen-âge et
à l'enseignement mystique (les prêtres égyptiens. L'ordre
égyptien, ou copte, fut fondé par le chevalier Joseph Balsamo
(1795), se disant comte de Cagliostro. Le spiritisme, la recherche de
la pierre philosophale et mille autres chimères vinrent s'ajouter au
déisme maçonnique et à ses principes de philanthropie tolérante »
(S. Reinach, Histoire générale des Religions, p. 572). Nous
pensons, avec Salomon Reinach, que l'origine égyptienne de la
franc-maçonnerie est une pure légende, et il nous paraît plus
sérieux et plus logique de faire remonter l'existence de cette
institution aux environs du VIIIème siècle, époque à laquelle
naquit une confrérie de maçons, dont les membres voyagèrent à
travers l'Europe et construisirent des basiliques gothiques. En
France, on retrouve trace de francsmaçons, voyageant de ville en
ville et constitués en une confrérie dont le centre était à
Strasbourg. Cette confrérie n'était cependant qu'une association
corporative et disparut rapidement. Les associations de maçons
furent beaucoup plus puissantes en Angleterre qu'en France et
subsistèrent assez longtemps, et « le grand incendie de Londres
(1666), qui obligea de reconstruire la ville, en accrut l'activité.
Après l'achèvement de Saint-Paul (1717), les quatre derniers
groupes de maçons formèrent, à Londres, une Grande loge, destinée,
non plus à l'exercice d'un métier, mais à l'amélioration de la
condition matérielle et morale des hommes, A côté et audessus des
temples de pierre, il s'agissait de construire le temple spirituel de
l'humanité. Dès la fin du XVIème siècle, des hommes qui n'étaient
pas maçons avaient été admis dans ces conventicules, modifiant
ainsi le caractère primitif de l'institution » (S. Reinach,
Histoire générale des Religions, p. 570). Si l'on s'en rapporte à
ce qui précède, le rôle social et politique de la francmaçonnerie
ne s'exerça qu'à dater du XVIIème siècle. Au début,
l'organisation franc-maçonnique était secrète, et cela se conçoit,
car elle était une menace contre les institutions établies. La
première loge maçonnique française fut fondée en 1725 par
quelques nobles anglais résidant à Paris. Louis XV prononça sans
succès l'interdiction contre cette association nouvelle et, malgré
les entraves et les embûches qui furent dressées sur sa route, la
franc-maçonnerie prit son essor. Par la suite, malgré l'adhésion
de rois et de princes à la maçonnerie, l'Eglise se prononça contre
cette institution. En 1737 une loge fut fondée à Hambourg,
admettant en son sein le prince héritier de Prusse et, plus tard,
Frédéric-le-Grand. Lorsque ce dernier devint roi, il fonda la
première loge maçonnique de Berlin et en fut nommé grand maitre.
Jusqu'à Frédéric III, tous les rois de Prusse présidèrent cette
loge. Le pouvoir catholique persista cependant dans son attitude. «
Le catholicisme ne pouvait naturellement pas admettre une société à
tendances religieuses où l'on prétendait se passer de lui ; le pape
condamna la maçonnerie dès 1738. Un édit du cardinal secrétaire
d'Etat, du 14 janvier 1739, prononça la peine de mort, non seulement
contre les francs-maçons, mais contre ceux qui essaieraient de se
faire recevoir dans l'ordre ou qui lui loueraient un local » (Lea,
Inquisition of Spain, édition anglaise, tome IV, p. 299). La papauté
n'a cessé de renouveler ces prohibitions. Léon XIII le fit avec une
solennité particulière dans son encyclique du 20 avril 1884. Si
l'on considère que toutes les grandes idées se développent dans la
douleur et la souffrance, que la persécution s'exerce toujours
contre les précurseurs, on arrive à expliquer le caractère secret
des organisations maçonniques des premiers jours, dans les pays
catholiques. L'interdit prononcé par l'Eglise contre cette
institution d'esprit humanitaire fut un facteur de son développement
; l'organisation maçonnique s'étendit avec rapidité et ne tarda
pas à exercer une puissante influence politique, surtout dans les
pays où la franc-maçonnerie se libéra de toute emprise religieuse,
quelle qu'elle soit. Organisée tout d'abord internationalement et
unifiée, la franc-maçonnerie se divisa en 1877, lorsque l'élément
français déclara que la croyance en Dieu n'était pas nécessaire
pour acquérir la qualité de maçon. Le Grand Orient de France,
fondé en 1772, abandonna alors ce que l'on appelle le Rite anglais
et s'orienta de façon différente. En 1801, un nouveau Rite fut
fondé : le Rite écossais. Ce sont ces deux rites qui prédominent
en France, et le Rite anglais domine surtout en Allemagne du Nord et
en Angleterre. En France, et surtout depuis 1870, la franc-maçonnerie
a joué un rôle politique considérable et s'est surtout livrée à
une puissante campagne contre le cléricalisme et l'Eglise. On ne
peut nier qu'elle fut à cette époque un facteur d'évolution
sociale ; mais, comme un grand nombre d'organisations sociales, elle
a été corrompue par la politique. Quels sont les buts de la
franc-maçonnerie? Et son action politique et sociale
l'oriente-t-elle vers ces buts? Nous ne saurions mieux faire que de
reproduire un texte officiel de la franc-maçonnerie (Rite du Grand
Orient) que n'étant qu'un résumé, nous renseigne sur les
aspirations des frères maçons : «... L'Ordre des francs-maçons
est composé d'hommes libres et de bonnes mœurs, réunis pour la
recherche de la vérité et du bien absolus et répandus sur toute la
surface du globe. Quelle que soit la loge dans laquelle ils ont été
initiés, tous les maçons sont frères et contractent entre eux les
mêmes obligations de solidarité qu'envers les membres de leur loge.
Ils sont assurés, tant qu'Ils savent en rester dignes, de rencontrer
appui et protection auprès de tous les maçons de l'un et de l'autre
hémisphère. La franc-maçonnerie, institution essentiellement
philosophique, philanthropique et progressive, a pour objet la
recherche de la vérité, l'étude de la morale universelle, des
sciences et des arts, et l'exercice de la bienfaisance. Elle a pour
principe la liberté de conscience et la solidarité humaine. Elle ne
se contente pas de ce principe négatif de la morale ordinaire : «
Ne fais pas à autrui ce que tu ne veux pas qu'on te fasse » ; mais,
plus affirmative et plus énergique, elle dit à tous : « Fais pour
autrui ce que tu veux qu'on fasse pour toi ». Elle regarde la
liberté de soi-même comme un droit propre à chacun et n'exclut
personne pour ses croyances philosophiques ; mais elle est nettement
anticléricale ; elle a pris et maintient pour devise : LIBERTE,
EGALITE, FRATERNITE. Dans la sphère élevée où elle se place, la
franc-maçonnerie respecte les opinions de chacun de ses membres ;
elle leur rappelle que leur devoir, comme maçons et comme citoyens,
est de respecter les lois du pays qu'ils habitent. La
franc-maçonnerie considère le travail comme l'une des lois
impérieuses de l'humanité ; elle l'impose à chacun selon ses
forces et ses moyens ; elle proscrit en conséquence l'oisiveté
volontaire. Elle recommande l'exercice des devoirs envers la famille,
la paix intérieure et la pratique de toutes les vertus qui peuvent
assurer le bonheur de l'humanité. La franc-maçonnerie aspirant à
étendre à tout et à tous les liens fraternels qui unissent les
maçons sur toute la surface du globe, la propagande maçonnique, par
la parole, les écrits et le bon exemple, est recommandée à tous
les maçons. Il est prescrit aux maçons d'aider et de protéger son
frère en toutes circonstances, de le défendre contre l'injustice,
fut-ce même au péril de sa fortune et de sa vie. Sous l'abri
tutélaire de ces généreux principes, les loges travaillent et
s'appliquent à exercer, sur tout ce qui les entoure, une influence
régénératrice par la moralisation et par la diffusion des idées
de progrès. Elles en préparent les éléments dans leur sein pour
les répandre au dehors comme une semence féconde ; elles enseignent
au maçon qu'il est forcé d'appliquer son intelligence et son esprit
à les apprendre et à en pénétrer le sens ; qu'il est né pour le
travail et qu'il doit toujours travailler à se perfectionner. Au
sein des réunions maçonniques, tous les maçons sont placés sur le
niveau de la plus parfaite égalité ; il n'existe d'autres
distinctions que celles de la vertu, du savoir et de la hiérarchie
des offices qui sont électifs chaque année ». Si l'on étudie dans
son esprit le programme ci-dessus, tracé brièvement, et qu'on en
excepte la partie qui déclare que le devoir du maçon est de
respecter les lois de son pays, la franc-maçonnerie présente un
caractère révolutionnaire incontestable. Ajoutons tout de suite
que, dans la pratique, elle s'est manifestée conservatrice.
Internationale au sens le plus absolu du mot, de par ses statuts,
elle s'est montrée nationaliste à l'excès, lors de la grande
tourmente de 1914, et toutes les espérances que certains avaient
fondées sur cette organisation se sont écroulées. Nous avons dit
plus haut que c'était la politique qui avait corrompu la
francmaçonnerie ; cela est vrai et plus particulièrement en France,
surtout depuis l'affaire Dreyfus et sa conclusion qui fut un échec
retentissant pour les partis de l'Eglise. Cette vaste association
libérale était un champ d'action tout ensemencé qui attira tous
les spéculateurs politiques, et les ambitieux y trouvèrent matière
à exploitation. Petit à petit, la franc-maçonnerie perdit son
caractère purement social pour épouser les rancunes des partis et,
tout en restant foncièrement antireligieuse, elle se livra aux
partis politiques de gauche, et radicaux et socialistes s'en
servirent comme d'un tremplin électoral. Certains de ses membres
devinrent ministres et, dès lors, ce fut la décadence morale de la
franc-maçonnerie. Lorsque la guerre éclata, dans chaque pays les
sections nationales engagèrent leurs membres à aller défendre la «
Nation » et les dirigeants se refusèrent à écouter les faibles
voix qui s'élevaient timidement contre cette monstruosité : la
guerre. La franc-maçonnerie se déclarant nationaliste et patriote,
marquait idéologiquement la fin de la franc-maçonnerie. Cependant
l'organisation franc-maçonnique subsiste toujours, mais elle est
imprégnée d'un esprit politique. Elle exerce un pouvoir occulte sur
l'orientation politique du pays, et plus de 200 députés appartenant
à divers groupes politiques de gauche sont membres de la
franc-maçonnerie. Elle a conservé, malgré tous les travers qu'on
peut lui reprocher, un certain esprit libéral. Elle poursuit un
travail d'éducation qui n'est pas à dédaigner, et il faut
reconnaître que, au sein des loges, chaque individu a le droit
d'exprimer sa pensée et, sur toutes les questions à l'étude et en
discussion, de développer son point de vue avec une liberté et une
tolérance que l'on ne rencontre nulle part ailleurs. Nous
n'insisterons pas sur certaines pratiques et sur certains symboles
maçonniques qui n'ont été conservés que par tradition et auxquels
il ne faut attacher aucune importance. Les francs-maçons se
réunissent régulièrement en des lieux appelés loges ou ateliers,
et l'estrade ou la tribune d'où parle l'orateur est « l'Orient ».
La hiérarchie maçonnique compte 33 grades ou degrés ; il y a les
apprentis, les compagnons, les maîtres, etc... Le président d'une
loge est dit « vénérable ». Disons, pour terminer, que la
franc-maçonnerie n'est plus une société secrète et que l'on y
adhère assez facilement. On ne s'y livre à aucun exercice ou
pratique tels que le colporte la légende qui s'est accréditée chez
le populaire. Malgré son caractère légal, la franc-maçonnerie a
été dissoute, en 1926, en Italie, par le dictateur Mussolini, et
l'Internationale communiste en interdit l'accès à ses membres.
Certains anarchistes militèrent jusqu'en 1914 dans la
franc-maçonnerie, mais il n'y en a plus guère aujourd'hui.
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