S’ils
touchent à l’un d’entre nous ... solidarité avec Mónica et
francisco
Janvier 2014
– Espagne
Il y a déjà
quatre mois que Mónica et Francisco ont été arrêté-es, avec 3
autres compagnon-nes, et mis-es à l’isolement. Ils ont ensuite été
placé-es en détention provisoire, en dur régime FIES, tandis que
les autres étaient remis-es en liberté provisoire (avec obligation
de signer une fois par semaine) dans l’attente du jugement et avec
les mêmes charges. Beaucoup de compagnon-nes de différents endroits
nous ont fait part de l’atmosphère de « secret » qui semble être
perçue quant à la situation des compagnon-es, commentant de plus
qu’il aurait fallu se prononcer sur le cas en lui-même et le
battage médiatique lié aux arrestations. Il est certain, comme nous
ne le savons que trop bien, qu’il y a bien peu de contrepoids à
apporter contre la propagande du régime et des idéologues, c’est
à dire contre la presse ; on peut la mettre en évidence, voir
comment elle tisse ses filets, et comment, main dans la main avec
l’Etat, elle ouvre un créneau pour l’ennemi intérieur du moment
: les islamistes, les indépendantistes galiciens, les animalistes
accusés d’ouvrir plus de cages qu’ils ne devraient, les
anarchistes ... Ceux qui refusent de passer par l’orthodoxie du
clergé supposé les représenter correctement (c’est à dire
démocratiquement, légalement, etc) rempliront le vide laissé par
ETA, en tant qu’ennemi intérieur alimentant tout un arsenal
bureaucratique, répressif et judiciaire, que l’on appelle
l’antiterrorisme (une institution en soi qui refuse de disparaître
et doit donc démontrer qu’elle est à la fois nécessaire et
efficace), rempliront les cellules et les pages de la presse,
rempliront l’espace qui pourrait exister pour d’autres
préoccupations dans la tête des lecteurs ; peu importent les
expulsions, que des millions de personnes ne puissent plus se
débrouiller -y compris à travers les canaux de l’esclavage
salarié-, que les politiciens se remplissent les poches et se
foutent de notre gueule. Ils brandissent des fantasmes très
dangereux, dont il faudrait vraiment avoir peur : les immigrants, les
terroristes, etc. Celles et ceux qui ont vu les informations au
moment des arrestations se souviendront de toute la charge xénophobe
avec laquelle ces souffleurs de l’existant, les journalistes et
idéologues du régime, ont qualifié nos compagnon-nes. Les
intentions sont évidentes : créer de faux mythes. Ils nous parlent
du “triangle méditerranéen”, de “gens venus d’ailleurs”,
de ces “étrangers et étrangères qui viennent faire le mal”, de
“méchants anarchistes venus de l’extérieur” et d’
“anarchistes grecs et italiens qui viennent instruire celles et
ceux d’ici”, etc. Ces « experts » du mensonge sont incapables
de reconnaître qu’il existe dans l’Etat espagnol une longue
tradition -pour l’appeler d’une manière ou d’une autre-
anarchiste, grande, diverse et fluctuante, mais presque aussi
ancienne que l’anarchisme même : des luttes des libertaires
andalous, des échos de la propagande par le fait, de la Semaine
Tragique de 1909, la Révolution de 1936, la guérilla
antifranquiste, les millions de personnes dans la Barcelone
libertaire de 1977, l’anarcho-syndicalisme, autant de moments et
d’événements qui démontrent qu’ici identification avec les
idées et les pratiques acrates n’a rien de nouveau. Pour ce qui
est de l’enquête contre nos compagnon-nes arrêté-es, elle est
close, ce qui n’empêche pas que de nouvelles preuves puissent
apparaître du jour au lendemain. Nous savons aussi qu’une autre
enquête est ouverte qui cherche apparemment à créer une
organisation anarchiste internationale, avec un fort harcèlement
contre différent-es compagnon-nes. Nous n’avons aucune idée d’où
viendra la surprise, dans la mesure où nous avons vu au cours des
derniers mois que la capacité inventive policière connaît peu de
limites. Nous ne savons pas non plus si les dernières arrestations
en Galice font partie de ces manigances. Nous ne nions pas
l’existence de “relations internationales”, ni que les
anarchistes bougent -comme d’autres personnes- dans un monde qui
t’oblige en grande partie à te bouger, même si tu n’en a pas
envie ; nous sommes aussi à la recherche de complicités, nous
n’allons pas nier l’évidence, en revanche nous refusons
franchement de reconnaître l’existence de cette organisation
structurée fictive que la police et les juges se plaisent à
imaginer. Une fois de plus, ils tentent de trouver des éléments qui
cadrent avec leurs théories, même si leur figure géométrique
nécessite de déformer et d’ajouter des angles. Ce que nous avons
vu de nos propres yeux, c’est la collaboration (ou la simple
comédie) entre les polices et les autorités chiliennes, espagnoles
et italiennes, nous avons vu leurs conférences de presse, leurs
serrements de mains et leurs éloges mutuels, et cela nous a
dégouté-es. La seule organisation terroriste internationale que
nous connaissons, c’est celle des Etats et de leurs institutions.
Dans l’héritage que nous ont laissé la religion et la laïcisation
de concepts, au-delà de la religion elle-même, les notions de
culpabilité et de châtiment sont les plus profondément enracinées.
“Si ce n’est pas eux, pourquoi ne le disent-ils pas ?”
demandent quelques voix ingénues. D’autres, moins ingénues,
parlent du fait précis, dont sont accusé-es les compagnon-nes pour
leur refuser la solidarité. Ces deux attitudes pointent un doigt
accusateur et policier, “consciemment ou pas” (nos mères
disaient déjà que c’est une mauvaise habitude de montrer
quelqu’un du doigt). Toutes les actions sont discutables, y compris
celle dont les compagnon-nes sont poursuivies, mais cela doit être
fait entre nous, entre compagnonnes, de manière sérieuse,
consciente et pour en tirer des conclusions qui favorisent la
continuité de la lutte. Le broyage médiatique a eu d’emblée pour
but de miner le possible chemin de la solidarité, pour créer une
faille et un vide, pour séparer. Le vide que génère l’absence de
solidarité est plus dur que les panneaux de bétons qui composent
les prisons. Malheureusement, ils ont en partie trouvé un terrain
que nous avons entretenu nous mêmes : de nouveau les bons et les
méchants anarchistes, les insus et les sociaux, les culturels et
ceux d’action, et un long etc. qui s’appuie sur une fausse
séparation, une fausse dichotomie provenant selon nous d’une
analyse simpliste et superficielle, qui fait s’affronter les
différents fronts de la lutte anarchiste. La presse et la police ont
lancé des messages clairs à ce sujet : “Si vous osez tenter de
subvertir l’ordre établi, nous vous enfermerons, nous publierons
vos visages et vos noms (1), et nous vous traiterons comme il se
doit, comme des terroristes”, “si vous vous solidarisez avec
celles et ceux qui font ce genre de choses ou sont accusées de le
faire, vous serez aussi traité-es en terroristes”, etc. Et comme
avec un père sévère, la main menaçante s’avère finalement plus
efficace que le coup lui-même. Et si nous apprenions à affronter le
coup pour qu’il nous nuise le moins possible ?
Si nous
refusons de nous solidariser avec celles et ceux dont les accusations
ne nous conviennent pas, c’est-à-dire avec celles et ceux dont
nous ne partageons pas les actions dont ils sont accusé-es, nous
légitimons la voix de l’Etat et, en confirmant ses accusations,
nous entrons sur un terrain qui n’est pas le nôtre, mais celui de
nos bourreaux. Au delà de ce que nous pensons des faits, nous sommes
convaincues que la solidarité ne doit jamais être envisagée d’un
point de vue moral, d’ailleurs très influencé par les médias, et
à l’inverse nous ne pensons pas non plus que la validité de
n’importe quelle action doive être mesurée à l’aune d’un
code pénal et selon la dureté possible d’une condamnation. Nous
laissons les lois et la morale (qui génère aussi implicitement les
lois) aux juges, aux curés et aux journalistes pleurnichards, à
celles et ceux qui ont peur d’eux-mêmes. Et de la rage des
opprimé-es. La communication directe avec nos compagnon-es
incarcér-es a été difficile dès le début. Nous savons qu’ils
sont plein-es de force et de courage. Ils reçoivent des lettres
(quelques-unes tardent beaucoup à arriver) et ne peuvent en envoyer
que deux par semaine, dont une pour communiquer entre eux. Francisco
a des parloirs, mais cela fait des semaines qu’il ne voit pas
d’autres prisonniers, car ils l’ont laissé seul dans la
division. Il y a quelques jours, ils lui ont notifié l’application
de l’article 10 (FIES 1), et son transfert pour Córdoba. Après
avoir été placée en observation, seule dans les quartier des
arrivantes et sans régime végétarien, Mònica se trouve à présent
à Brieva (Ávila) également sous article 10, dans un bâtiment avec
4 prisonnières politiques et 8 de droit commun. Bien qu’elle n’ait
pas encore de parloirs (puisqu’il faut refaire les démarches
bureaucratiques à chaque transfert), elle peut passer quelques coups
de téléphone. Les arrestations et l’incarcération ont fait
resurgir quelques questions : comment exprimer la solidarité ?,
comment faire en sorte que ce ne soit pas seulement les personnes les
plus proches des détenu-es et des inculpé-es qui doivent tout
prendre en charge ?, que signifie le FIES pour les prisonnier-es
anarchistes et que pouvons nous faire ?, comment ne pas céder au
chantage de la prison et de son ombre ? Nous avons ouvert un mail à
partir duquel peuvent écrire celles et ceux qui veulent suivre les
informations sur la situation de Mónica et Francisco. Nous sommes
aussi en train de collecter de l’argent pour les dépenses
actuelles et à venir, puisqu’ils devront sûrement faire toute la
préventive jusqu’au procès et nous savons toutes et tous les
coûts que cela suppose. Pour les questions, contributions, critiques
: solidaridadylucha@riseup.net Nous ne laisserons personne seul.
S’ils touchent l’un-e d’entre nous, ils nous touchent tou-tes
comme l’affirme une phrase que nous adorons gueuler. Voyons si nous
pouvons la mettre en pratique.
Liberté et
solidarité !
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