mercredi 1 mai 2019

Avalanche N°1


S’ils touchent à l’un d’entre nous ... solidarité avec Mónica et francisco

Janvier 2014 – Espagne

Il y a déjà quatre mois que Mónica et Francisco ont été arrêté-es, avec 3 autres compagnon-nes, et mis-es à l’isolement. Ils ont ensuite été placé-es en détention provisoire, en dur régime FIES, tandis que les autres étaient remis-es en liberté provisoire (avec obligation de signer une fois par semaine) dans l’attente du jugement et avec les mêmes charges. Beaucoup de compagnon-nes de différents endroits nous ont fait part de l’atmosphère de « secret » qui semble être perçue quant à la situation des compagnon-es, commentant de plus qu’il aurait fallu se prononcer sur le cas en lui-même et le battage médiatique lié aux arrestations. Il est certain, comme nous ne le savons que trop bien, qu’il y a bien peu de contrepoids à apporter contre la propagande du régime et des idéologues, c’est à dire contre la presse ; on peut la mettre en évidence, voir comment elle tisse ses filets, et comment, main dans la main avec l’Etat, elle ouvre un créneau pour l’ennemi intérieur du moment : les islamistes, les indépendantistes galiciens, les animalistes accusés d’ouvrir plus de cages qu’ils ne devraient, les anarchistes ... Ceux qui refusent de passer par l’orthodoxie du clergé supposé les représenter correctement (c’est à dire démocratiquement, légalement, etc) rempliront le vide laissé par ETA, en tant qu’ennemi intérieur alimentant tout un arsenal bureaucratique, répressif et judiciaire, que l’on appelle l’antiterrorisme (une institution en soi qui refuse de disparaître et doit donc démontrer qu’elle est à la fois nécessaire et efficace), rempliront les cellules et les pages de la presse, rempliront l’espace qui pourrait exister pour d’autres préoccupations dans la tête des lecteurs ; peu importent les expulsions, que des millions de personnes ne puissent plus se débrouiller -y compris à travers les canaux de l’esclavage salarié-, que les politiciens se remplissent les poches et se foutent de notre gueule. Ils brandissent des fantasmes très dangereux, dont il faudrait vraiment avoir peur : les immigrants, les terroristes, etc. Celles et ceux qui ont vu les informations au moment des arrestations se souviendront de toute la charge xénophobe avec laquelle ces souffleurs de l’existant, les journalistes et idéologues du régime, ont qualifié nos compagnon-nes. Les intentions sont évidentes : créer de faux mythes. Ils nous parlent du “triangle méditerranéen”, de “gens venus d’ailleurs”, de ces “étrangers et étrangères qui viennent faire le mal”, de “méchants anarchistes venus de l’extérieur” et d’ “anarchistes grecs et italiens qui viennent instruire celles et ceux d’ici”, etc. Ces « experts » du mensonge sont incapables de reconnaître qu’il existe dans l’Etat espagnol une longue tradition -pour l’appeler d’une manière ou d’une autre- anarchiste, grande, diverse et fluctuante, mais presque aussi ancienne que l’anarchisme même : des luttes des libertaires andalous, des échos de la propagande par le fait, de la Semaine Tragique de 1909, la Révolution de 1936, la guérilla antifranquiste, les millions de personnes dans la Barcelone libertaire de 1977, l’anarcho-syndicalisme, autant de moments et d’événements qui démontrent qu’ici identification avec les idées et les pratiques acrates n’a rien de nouveau. Pour ce qui est de l’enquête contre nos compagnon-nes arrêté-es, elle est close, ce qui n’empêche pas que de nouvelles preuves puissent apparaître du jour au lendemain. Nous savons aussi qu’une autre enquête est ouverte qui cherche apparemment à créer une organisation anarchiste internationale, avec un fort harcèlement contre différent-es compagnon-nes. Nous n’avons aucune idée d’où viendra la surprise, dans la mesure où nous avons vu au cours des derniers mois que la capacité inventive policière connaît peu de limites. Nous ne savons pas non plus si les dernières arrestations en Galice font partie de ces manigances. Nous ne nions pas l’existence de “relations internationales”, ni que les anarchistes bougent -comme d’autres personnes- dans un monde qui t’oblige en grande partie à te bouger, même si tu n’en a pas envie ; nous sommes aussi à la recherche de complicités, nous n’allons pas nier l’évidence, en revanche nous refusons franchement de reconnaître l’existence de cette organisation structurée fictive que la police et les juges se plaisent à imaginer. Une fois de plus, ils tentent de trouver des éléments qui cadrent avec leurs théories, même si leur figure géométrique nécessite de déformer et d’ajouter des angles. Ce que nous avons vu de nos propres yeux, c’est la collaboration (ou la simple comédie) entre les polices et les autorités chiliennes, espagnoles et italiennes, nous avons vu leurs conférences de presse, leurs serrements de mains et leurs éloges mutuels, et cela nous a dégouté-es. La seule organisation terroriste internationale que nous connaissons, c’est celle des Etats et de leurs institutions. Dans l’héritage que nous ont laissé la religion et la laïcisation de concepts, au-delà de la religion elle-même, les notions de culpabilité et de châtiment sont les plus profondément enracinées. “Si ce n’est pas eux, pourquoi ne le disent-ils pas ?” demandent quelques voix ingénues. D’autres, moins ingénues, parlent du fait précis, dont sont accusé-es les compagnon-nes pour leur refuser la solidarité. Ces deux attitudes pointent un doigt accusateur et policier, “consciemment ou pas” (nos mères disaient déjà que c’est une mauvaise habitude de montrer quelqu’un du doigt). Toutes les actions sont discutables, y compris celle dont les compagnon-nes sont poursuivies, mais cela doit être fait entre nous, entre compagnonnes, de manière sérieuse, consciente et pour en tirer des conclusions qui favorisent la continuité de la lutte. Le broyage médiatique a eu d’emblée pour but de miner le possible chemin de la solidarité, pour créer une faille et un vide, pour séparer. Le vide que génère l’absence de solidarité est plus dur que les panneaux de bétons qui composent les prisons. Malheureusement, ils ont en partie trouvé un terrain que nous avons entretenu nous mêmes : de nouveau les bons et les méchants anarchistes, les insus et les sociaux, les culturels et ceux d’action, et un long etc. qui s’appuie sur une fausse séparation, une fausse dichotomie provenant selon nous d’une analyse simpliste et superficielle, qui fait s’affronter les différents fronts de la lutte anarchiste. La presse et la police ont lancé des messages clairs à ce sujet : “Si vous osez tenter de subvertir l’ordre établi, nous vous enfermerons, nous publierons vos visages et vos noms (1), et nous vous traiterons comme il se doit, comme des terroristes”, “si vous vous solidarisez avec celles et ceux qui font ce genre de choses ou sont accusées de le faire, vous serez aussi traité-es en terroristes”, etc. Et comme avec un père sévère, la main menaçante s’avère finalement plus efficace que le coup lui-même. Et si nous apprenions à affronter le coup pour qu’il nous nuise le moins possible ?
Si nous refusons de nous solidariser avec celles et ceux dont les accusations ne nous conviennent pas, c’est-à-dire avec celles et ceux dont nous ne partageons pas les actions dont ils sont accusé-es, nous légitimons la voix de l’Etat et, en confirmant ses accusations, nous entrons sur un terrain qui n’est pas le nôtre, mais celui de nos bourreaux. Au delà de ce que nous pensons des faits, nous sommes convaincues que la solidarité ne doit jamais être envisagée d’un point de vue moral, d’ailleurs très influencé par les médias, et à l’inverse nous ne pensons pas non plus que la validité de n’importe quelle action doive être mesurée à l’aune d’un code pénal et selon la dureté possible d’une condamnation. Nous laissons les lois et la morale (qui génère aussi implicitement les lois) aux juges, aux curés et aux journalistes pleurnichards, à celles et ceux qui ont peur d’eux-mêmes. Et de la rage des opprimé-es. La communication directe avec nos compagnon-es incarcér-es a été difficile dès le début. Nous savons qu’ils sont plein-es de force et de courage. Ils reçoivent des lettres (quelques-unes tardent beaucoup à arriver) et ne peuvent en envoyer que deux par semaine, dont une pour communiquer entre eux. Francisco a des parloirs, mais cela fait des semaines qu’il ne voit pas d’autres prisonniers, car ils l’ont laissé seul dans la division. Il y a quelques jours, ils lui ont notifié l’application de l’article 10 (FIES 1), et son transfert pour Córdoba. Après avoir été placée en observation, seule dans les quartier des arrivantes et sans régime végétarien, Mònica se trouve à présent à Brieva (Ávila) également sous article 10, dans un bâtiment avec 4 prisonnières politiques et 8 de droit commun. Bien qu’elle n’ait pas encore de parloirs (puisqu’il faut refaire les démarches bureaucratiques à chaque transfert), elle peut passer quelques coups de téléphone. Les arrestations et l’incarcération ont fait resurgir quelques questions : comment exprimer la solidarité ?, comment faire en sorte que ce ne soit pas seulement les personnes les plus proches des détenu-es et des inculpé-es qui doivent tout prendre en charge ?, que signifie le FIES pour les prisonnier-es anarchistes et que pouvons nous faire ?, comment ne pas céder au chantage de la prison et de son ombre ? Nous avons ouvert un mail à partir duquel peuvent écrire celles et ceux qui veulent suivre les informations sur la situation de Mónica et Francisco. Nous sommes aussi en train de collecter de l’argent pour les dépenses actuelles et à venir, puisqu’ils devront sûrement faire toute la préventive jusqu’au procès et nous savons toutes et tous les coûts que cela suppose. Pour les questions, contributions, critiques : solidaridadylucha@riseup.net Nous ne laisserons personne seul. S’ils touchent l’un-e d’entre nous, ils nous touchent tou-tes comme l’affirme une phrase que nous adorons gueuler. Voyons si nous pouvons la mettre en pratique.

Liberté et solidarité !

Aucun commentaire: