« L'Action Directe
est, en effet, fonction normale des syndicats , caractère essentiel
de leur constitution ; il serait d'une absurdité criante que de
tels groupements se bornassent à agglutiner les salariés pour les
mieux adapter au sort auquel les a condamné la société bourgeoise
- à produire pur autrui. »
Keufer juin 1902 :
«Nous ne serions pas
surpris que la politique ne soit pas étrangère à ces divisions,
car trop souvent dans les mélées sociales, , beaucoup de camarades
croient à l'efficacité de l'intervention des hommes politiques dans
la défense de leurs intérêts économiques.
Nous pensons au
contraire, que les travailleurs solidement organisés dans les
syndicats et fédérations de métiers ou d'industrie , acquerront
une plus grande force et une autorité suffisante pour traiter avec
les industriels en cas de conflits , d'une façon directe et sans
autre concours que celui de la classe ouvrière qui lui ne fera pas
défaut. Il faut que le prolétariat fasses ses affaires lui-même. »
« En
opposition à la veulerie démocratique, qui se satisfait de
moutonniers et de suiveurs, et le secoue la torpeur des individus et
les élève à la conscience. Elle n'enrégimente pas et·
n'immalricule pas lei trava illeurs. Au contraire ! »
« L'Action
Directe dégage donc l'être humain de la gangue de passivité et de
non-vouloir, en la- quelle tend à le confiner et l'immobiliser le
dérno- cratisme, Elle lui enseigne à vouloir, au lieu de se borner
à obéir, à faire acte de souveraineté, au lieu d'en déléguer sa
parcelle. »
« Et c'est pourquoi
il est aussi stupide que mensonger de qualifier de (PARI'ISANS DU
TOUT ou RIEN » les révolutionnaires qu'inspirént les méthodes de
l'Açtion Directe. Certes, ils sont parti- sans de tout arracher à
la Bourgeoisie! Mais, en attendant d'être assez forts pour accomplir
cette besogne d'expropriation générale, ils ne restent pas inactifs
et ne négligent aucune occasion de conquérir des améliorations
partisanes qui, réalisées par une diminution des privilèges
capitalistes, constituent une sorte d'expropriation partielle et
ouvrent la voie à des revendications de plus grande amplitude. Il
apparaît donc que l'Action Directe est la nette et pure concrétion
de l'esprit de révolte : elle matérialise la lutte de classes
qu'elle fait passer du domaine de la théorie et de I'abstraction,
dans le domaine de la pratique et de la réalisation. En conséquence,
l'Action Directe, c'est la lutte de classes vécue au jour le jour,
c'est l'assaut permanent contre le capitalisme. Et c'est pour cela
qu'elle est tant honnie par les politiciens, - sigisbés d'un genre
spécial, - qui s'étaient constitués les " REPRÉSETANTS »,
les " ÉVÊQUES » de la démocratie. Or, si la classe 0uvrière,
dédaignant la démocratie, la dépasse et cherche sa voie au-delà,
sur le terrain économique, que deviendront les " personnes
interposées, qui s'érigeaient en avocats du prolétariat ? »
« L'inutilité de
l'effort a été érigée en théorie et on a prêché que toute
réalisation révolutionnaire découlerait du jeu fatal des
événements : la catastrophe, annonçait-on, se produirait
automatiquement, lorsque, par un processus fatidique, les
institutions capitalistes seraient parvenues à leur maximum de
tension, Alors d'elles-mêmes, elles éclateraient ! L'effort de
l'homme dans le plan économique était proclamé superflu son action
contre le milieu compressif dont il pâtit était affirmé
inopérante. On ne lui laissait qu'un espoir : infiltrer des siens
dans le Parlements bourgeois et attendre l'inévitable déclenchement
catastrophique. On nous apprenait que celui-ci se produirait à son
heure, mécaniquement, fatalement : ,la concentration capitaliste
s'accomplissant par le jeu des lois immanentes de la production
capitaliste elle-même, le nombre des potentats du capital,
usurpateurs et monopoliseurs allait toujours diminuant... si bien
qu'un jour viendrait où grâce à la conquête du Pouvoir Politique,
les élus du peuple exproprieraient à coups de lois et de décrets
la poignée de grands barons du Capital. Dangereuse et déprimante
illusion que cette attente passive en la venue messie-Révolution !
En combien d'ans ou de siècles seront conquis les pouvoirs publics ?
Et puis, à les supposer conquis à ce moment le nombre des magnats
du Capital aura-t-il tant diminué ? En admettant même que la
trustification ait absorbé la Bourgeoisie moyenne, s'en survra-t-Il
que celle-ci aura été rejetée dans le prolétariat? Ne lui
aura-t-on pas, plutôt, fait une place dans les trusts et le nombre ·
des parasites vivant sans produire ne se trouvera-t-il pas au moins
égal à ce qu'il est aujourd'hui ? Si oui, n'est-il pas à supposer
que les bénéficiaires de la vieille société résisteront aux lois
et décrets d'expropriation ? Autant de problèmes qui se posent et
devant les- quels la Classe Ouvrière se trouverait impuissante, ne
sachant que faire, si elle avait eu le tort de continuer à
s'hypnotiser dans l'espoir d'une Révolution survenant sans support
direct de sa part. »
« Le malheur est
que, plus graves qu'une simple erreur le raisonnement ont élles
conséquence de l'inflltration dans le monde ouvrier de cette formule
fatidique. Que de souffrances et de déceptions elle a engendré !
Trop longtemps, hélas, la Classe Ouvrière a paressé et somnolé
sur ce décevant oreiller. C'était un enchainement logique : la
théorie de l'inutilité de l'effort engendrait l'inaction. Puisque
était proclamée la stérilité de l'acte, l'inanité de la lutte,
l'impossibilité d'une amélioration immédiate, toute velléité de
révolte était étouffée. En effet, à quoi bon combattre, si
l'effort est d'avance reconnu vain et infructueux; si l'on sait
courir à un échec? Puisque dans la bataille ne doivent se récolter
que des horions. - sans espoir d'un léger profit, - ne vaut-il pas
mieux rester tranquille ?
Et c'est la thèse qui
domina ! La Classe Ouvrière s'accommoda d'une apathie qui faisait le
jeu de la Bourgeoisie. Aussi, lorsque, sous la pression des
circonstances, les ouvriers étaient acculés à un conflit, la lutte
n'était acceptée qu'à regret; on en vint à tenir la grève pour
un mal qu'on subissait, faute de ne pouvoir l'éviter, el, auquel on
se résignait, sans espoir que de son issue favorable puisse sortir
une amélioration réelle. »
« Parallèlement à
cette croyance néfaste en l'impossibilité de briser le cercle fermé
de la " loi des salaires », et comme une déduction excessive,
tant de cette « LOI " que de la confiance en la venue fatale de
la Révolution, par le jeu normal des évènements sans intervention
de l'effort des tra- vailleurs, certains se réjouissaient s'ils
constataient le grandissement de la « paupérisation »,
l'accroissement de la misère, de I'arbitraire patronal, de
I'oppression gouvernementale, etc. A on- tendre ces pauvres
raisonneurs, de l'excès de mal devait jaillir la Révolution. Donc,
toute recrudescence de misères, de calamités; semblait un bien, -
rapprochait de l'heure fatidique. Erreur folle ! Absurdité !
L'abondance des maux, - quelle que soit leur espèce, - n'a d'autre
résultat que de déprimer ceux qui en pâtissent. Il est d'ailleurs
facile de s'en rendre compte. Au lieu de se payer de phrases, il
sufflt de regarder et d'observer autour de soi. »
Au contraire, dans les
métiers où la durée et l'intensité du travail sont excessives,
quand l'ouvrier sort du bagne patronal. il est « tué»
physiquement, cérébralement alors, il n'a qu'une envie le soir, -
avant de rentrer chez lui pour manger et dormir, - d'avaler quelques
gorgées d'alcool, afin de se secouer, se remonter, se donner un coup
de fouet. Il ne songe pas à aller au syndical, de fréquenter les
réunions, - il n'y peut pas songer ! - tant son corps est moulu de
fatigue, tant son cerveau déprimé est inapte à fonctionner. »
« De mêne, de quel
effort, est capable le malheureux dégringolé dans la misère
endémique le loqueteux que le manque de travaail et les privations
ont élimé ? Peut-être, dans un soubresaut de rage esquissent-ils
un geste de révolte ... mais ce sera ·un geste sans récidive ! La
misère l'a vidé de toute volonté, de tout esprit de révolte. »
« C'est pourquoi
les améliorations partielles nont pas pour résultat d'endormir les
travailleurs ; au contraire, elles sont pour eux un réconfort et un
excitant à réclamer et exiger davantage. Le mieux- être, qui est
toujours une conséquence de la manifestation de la force
prolétarienne, - soit que les Intéressés l'arrachent de haute
lutte, soit que la Bourgeoisie juge prudent et habile pour atténuer
les chocs qu'elle prévoit ou redoute, de faire de concessions, - a
pour résultat d'élever la dignité et la conscience de la classe
ouvrière, et aussi - et surtout ! - d'accroître et d'accentuer sa
combativité ».
« L'Action Directe,
manifestation de la force et, de la volonté ouvrière se
matérialise, suivant les circonstances et le milieu, par des actes
qui peuvent être très anodins, comme aussi ils peuvent être très
violents. C'est une question de nécessité simplement, il n'y a donc
pas de forme spécifique de l'Action Directe. Certains, très
superficiellcmenf informés, l'expliquent par un abattage copieux de
carreaux. Se satisfaire d'une semblable définition - réjouissante
pour les vitriers - serait· considérer cet épanouissement de la
force prolétarienne sous un angle vraiment étroit; ce serait
ramener· l'Ac- tion Directe à un geste plus ou moins impulsif', et
ce serait négliger d'elle ce qui fait sa haute va- leur, ce serait
oublier qu'elle est l'expression symbolique de la révolte ouvrière.
L'Action Directe, c'est la force ouvrière en travail créateur :
c'est la Force accouchant du droit nouveau - faisant le droit social
! »
« Quant à prévoir
dans quelles conditions et à quel moment s'effectuera le choc
décisif entre les forces du passé et celles de l'avenir, c'est du
domaine de l'hypothèse. Cc qu'on peut prédire, c'est qu'il y aura
des tiraillements, des heurts, des contacts plus ou moins brusques
l'auront précédé et préparé ».
« Et on ne saurait
trop le souligner· : la responsabilité de ces violences n'incombe
pas aux hommes d'avenir. Pour que le peuple se décide à la révolte
catégorique, il faut que la nécessité l'y accule; il ne s'y résout
que lorsque toute une série d'expériences lui ont prouvé
l'impossibilité d'évoluer par les voies pacifiques et - même en
ces circonstances - sa violence n'est que la réplique, bénigne et
humaine, aux violences excessives et barbares de ses maitres.
Si le peuple avait des
instincts violents, il ne subirait pas vingt-quatre heures de plus la
vie de misères, de privations, de dur labeur - panachée de
scélératesses et de crimes - qui est l'existence à laquelle
l'oblige la minorité parasitaire et exploiteur ».
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