vendredi 31 mai 2019

L'Action Directe Par Emile Pouget





« L'Action Directe est, en effet, fonction normale des syndicats , caractère essentiel de leur constitution ; il serait d'une absurdité criante que de tels groupements se bornassent à agglutiner les salariés pour les mieux adapter au sort auquel les a condamné la société bourgeoise - à produire pur autrui. »


Keufer juin 1902 :

«Nous ne serions pas surpris que la politique ne soit pas étrangère à ces divisions, car trop souvent dans les mélées sociales, , beaucoup de camarades croient à l'efficacité de l'intervention des hommes politiques dans la défense de leurs intérêts économiques.
Nous pensons au contraire, que les travailleurs solidement organisés dans les syndicats et fédérations de métiers ou d'industrie , acquerront une plus grande force et une autorité suffisante pour traiter avec les industriels en cas de conflits , d'une façon directe et sans autre concours que celui de la classe ouvrière qui lui ne fera pas défaut. Il faut que le prolétariat fasses ses affaires lui-même. »

« En opposition à la veulerie démocratique, qui se satisfait de moutonniers et de suiveurs, et le secoue la torpeur des individus et les élève à la conscience. Elle n'enrégimente pas et· n'immalricule pas lei trava illeurs. Au contraire ! »


« L'Action Directe dégage donc l'être humain de la gangue de passivité et de non-vouloir, en la- quelle tend à le confiner et l'immobiliser le dérno- cratisme, Elle lui enseigne à vouloir, au lieu de se borner à obéir, à faire acte de souveraineté, au lieu d'en déléguer sa parcelle. »




« Et c'est pourquoi il est aussi stupide que mensonger de qualifier de (PARI'ISANS DU TOUT ou RIEN » les révolutionnaires qu'inspirént les méthodes de l'Açtion Directe. Certes, ils sont parti- sans de tout arracher à la Bourgeoisie! Mais, en attendant d'être assez forts pour accomplir cette besogne d'expropriation générale, ils ne restent pas inactifs et ne négligent aucune occasion de conquérir des améliorations partisanes qui, réalisées par une diminution des privilèges capitalistes, constituent une sorte d'expropriation partielle et ouvrent la voie à des revendications de plus grande amplitude. Il apparaît donc que l'Action Directe est la nette et pure concrétion de l'esprit de révolte : elle matérialise la lutte de classes qu'elle fait passer du domaine de la théorie et de I'abstraction, dans le domaine de la pratique et de la réalisation. En conséquence, l'Action Directe, c'est la lutte de classes vécue au jour le jour, c'est l'assaut permanent contre le capitalisme. Et c'est pour cela qu'elle est tant honnie par les politiciens, - sigisbés d'un genre spécial, - qui s'étaient constitués les " REPRÉSETANTS », les " ÉVÊQUES » de la démocratie. Or, si la classe 0uvrière, dédaignant la démocratie, la dépasse et cherche sa voie au-delà, sur le terrain économique, que deviendront les " personnes interposées, qui s'érigeaient en avocats du prolétariat ? »

« L'inutilité de l'effort a été érigée en théorie et on a prêché que toute réalisation révolutionnaire découlerait du jeu fatal des événements : la catastrophe, annonçait-on, se produirait automatiquement, lorsque, par un processus fatidique, les institutions capitalistes seraient parvenues à leur maximum de tension, Alors d'elles-mêmes, elles éclateraient ! L'effort de l'homme dans le plan économique était proclamé superflu son action contre le milieu compressif dont il pâtit était affirmé inopérante. On ne lui laissait qu'un espoir : infiltrer des siens dans le Parlements bourgeois et attendre l'inévitable déclenchement catastrophique. On nous apprenait que celui-ci se produirait à son heure, mécaniquement, fatalement : ,la concentration capitaliste s'accomplissant par le jeu des lois immanentes de la production capitaliste elle-même, le nombre des potentats du capital, usurpateurs et monopoliseurs allait toujours diminuant... si bien qu'un jour viendrait où grâce à la conquête du Pouvoir Politique, les élus du peuple exproprieraient à coups de lois et de décrets la poignée de grands barons du Capital. Dangereuse et déprimante illusion que cette attente passive en la venue messie-Révolution ! En combien d'ans ou de siècles seront conquis les pouvoirs publics ? Et puis, à les supposer conquis à ce moment le nombre des magnats du Capital aura-t-il tant diminué ? En admettant même que la trustification ait absorbé la Bourgeoisie moyenne, s'en survra-t-Il que celle-ci aura été rejetée dans le prolétariat? Ne lui aura-t-on pas, plutôt, fait une place dans les trusts et le nombre · des parasites vivant sans produire ne se trouvera-t-il pas au moins égal à ce qu'il est aujourd'hui ? Si oui, n'est-il pas à supposer que les bénéficiaires de la vieille société résisteront aux lois et décrets d'expropriation ? Autant de problèmes qui se posent et devant les- quels la Classe Ouvrière se trouverait impuissante, ne sachant que faire, si elle avait eu le tort de continuer à s'hypnotiser dans l'espoir d'une Révolution survenant sans support direct de sa part. »


« Le malheur est que, plus graves qu'une simple erreur le raisonnement ont élles conséquence de l'inflltration dans le monde ouvrier de cette formule fatidique. Que de souffrances et de déceptions elle a engendré ! Trop longtemps, hélas, la Classe Ouvrière a paressé et somnolé sur ce décevant oreiller. C'était un enchainement logique : la théorie de l'inutilité de l'effort engendrait l'inaction. Puisque était proclamée la stérilité de l'acte, l'inanité de la lutte, l'impossibilité d'une amélioration immédiate, toute velléité de révolte était étouffée. En effet, à quoi bon combattre, si l'effort est d'avance reconnu vain et infructueux; si l'on sait courir à un échec? Puisque dans la bataille ne doivent se récolter que des horions. - sans espoir d'un léger profit, - ne vaut-il pas mieux rester tranquille ?
Et c'est la thèse qui domina ! La Classe Ouvrière s'accommoda d'une apathie qui faisait le jeu de la Bourgeoisie. Aussi, lorsque, sous la pression des circonstances, les ouvriers étaient acculés à un conflit, la lutte n'était acceptée qu'à regret; on en vint à tenir la grève pour un mal qu'on subissait, faute de ne pouvoir l'éviter, el, auquel on se résignait, sans espoir que de son issue favorable puisse sortir une amélioration réelle. »


« Parallèlement à cette croyance néfaste en l'impossibilité de briser le cercle fermé de la " loi des salaires », et comme une déduction excessive, tant de cette « LOI " que de la confiance en la venue fatale de la Révolution, par le jeu normal des évènements sans intervention de l'effort des tra- vailleurs, certains se réjouissaient s'ils constataient le grandissement de la « paupérisation », l'accroissement de la misère, de I'arbitraire patronal, de I'oppression gouvernementale, etc. A on- tendre ces pauvres raisonneurs, de l'excès de mal devait jaillir la Révolution. Donc, toute recrudescence de misères, de calamités; semblait un bien, - rapprochait de l'heure fatidique. Erreur folle ! Absurdité ! L'abondance des maux, - quelle que soit leur espèce, - n'a d'autre résultat que de déprimer ceux qui en pâtissent. Il est d'ailleurs facile de s'en rendre compte. Au lieu de se payer de phrases, il sufflt de regarder et d'observer autour de soi. »

Au contraire, dans les métiers où la durée et l'intensité du travail sont excessives, quand l'ouvrier sort du bagne patronal. il est « tué» physiquement, cérébralement alors, il n'a qu'une envie le soir, - avant de rentrer chez lui pour manger et dormir, - d'avaler quelques gorgées d'alcool, afin de se secouer, se remonter, se donner un coup de fouet. Il ne songe pas à aller au syndical, de fréquenter les réunions, - il n'y peut pas songer ! - tant son corps est moulu de fatigue, tant son cerveau déprimé est inapte à fonctionner. »

« De mêne, de quel effort, est capable le malheureux dégringolé dans la misère endémique le loqueteux que le manque de travaail et les privations ont élimé ? Peut-être, dans un soubresaut de rage esquissent-ils un geste de révolte ... mais ce sera ·un geste sans récidive ! La misère l'a vidé de toute volonté, de tout esprit de révolte. »

« C'est pourquoi les améliorations partielles nont pas pour résultat d'endormir les travailleurs ; au contraire, elles sont pour eux un réconfort et un excitant à réclamer et exiger davantage. Le mieux- être, qui est toujours une conséquence de la manifestation de la force prolétarienne, - soit que les Intéressés l'arrachent de haute lutte, soit que la Bourgeoisie juge prudent et habile pour atténuer les chocs qu'elle prévoit ou redoute, de faire de concessions, - a pour résultat d'élever la dignité et la conscience de la classe ouvrière, et aussi - et surtout ! - d'accroître et d'accentuer sa combativité ».

« L'Action Directe, manifestation de la force et, de la volonté ouvrière se matérialise, suivant les circonstances et le milieu, par des actes qui peuvent être très anodins, comme aussi ils peuvent être très violents. C'est une question de nécessité simplement, il n'y a donc pas de forme spécifique de l'Action Directe. Certains, très superficiellcmenf informés, l'expliquent par un abattage copieux de carreaux. Se satisfaire d'une semblable définition - réjouissante pour les vitriers - serait· considérer cet épanouissement de la force prolétarienne sous un angle vraiment étroit; ce serait ramener· l'Ac- tion Directe à un geste plus ou moins impulsif', et ce serait négliger d'elle ce qui fait sa haute va- leur, ce serait oublier qu'elle est l'expression symbolique de la révolte ouvrière. L'Action Directe, c'est la force ouvrière en travail créateur : c'est la Force accouchant du droit nouveau - faisant le droit social ! »

« Quant à prévoir dans quelles conditions et à quel moment s'effectuera le choc décisif entre les forces du passé et celles de l'avenir, c'est du domaine de l'hypothèse. Cc qu'on peut prédire, c'est qu'il y aura des tiraillements, des heurts, des contacts plus ou moins brusques l'auront précédé et préparé ».

« Et on ne saurait trop le souligner· : la responsabilité de ces violences n'incombe pas aux hommes d'avenir. Pour que le peuple se décide à la révolte catégorique, il faut que la nécessité l'y accule; il ne s'y résout que lorsque toute une série d'expériences lui ont prouvé l'impossibilité d'évoluer par les voies pacifiques et - même en ces circonstances - sa violence n'est que la réplique, bénigne et humaine, aux violences excessives et barbares de ses maitres.
Si le peuple avait des instincts violents, il ne subirait pas vingt-quatre heures de plus la vie de misères, de privations, de dur labeur - panachée de scélératesses et de crimes - qui est l'existence à laquelle l'oblige la minorité parasitaire et exploiteur ».

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