C’est la
faute aux anars Février 2014 Espagne
« Écoute,
je viens chanter pour ceux qui sont tombés, je ne donne pas de noms
ni d’indices, je ne dis que compagnons ... et je chante pour les
autres, ceux qui sont vivants, et ont l’ennemi dans le viseur... »
Aux ami-e-s
et compagnon-ne-s, connus et inconnus, qui embrassent les idées
anarchistes, à ceux qui gardent la tête haute dans les prisons et
ceux qui gardent vivante la lutte dans la rue. Une brève réflexion
au sujet de la lutte anarchiste dans l’État espagnol. Nous nous
trouvons dans une situation politique et sociale curieuse. D’un
côté ETA dépose les armes. Le GRAPO [Groupes de résistance
antifasciste du premier octobre] est désarticulé et le
fondamentalisme islamique perd de sa présence médiatique dans cette
partie du globe. Parallèlement la crise sociale liée à la
soi-disant crise économique (et nous disons soi-disant parce que le
capitalisme est en lui-même une crise constante et parce que pour
ceux d’en bas c’est l’état perpétuel dans lequel nous nous
trouvons) semble s’intensifier. De nouvelles éclosions de
protestations et même d’émeutes apparaissent à différents
endroits et milieux sociaux de la péninsule et l’État va se
trouver sans ennemi interne à qui imputer les fautes, vu que le
faire sur le « peuple », en faveur de qui tout le monde dit agir,
ne semble pas être le plus approprié. Le fantasme anarchiste surgit
alors, comme un diable interne sur le dos de qui l’on met tous les
débordements des manifs, toutes les intensifications des luttes.
Pour les désactiver l’État ne peut se permettre le luxe de
réprimer brutalement la population ni d’insinuer que celle-ci a
quelque chose à voir là-dedans. C’est pour cela qu’il doit
isoler et calomnier toute tentative de rébellion, pour la rendre
antipathique au commun des mortels, afin que ces épisodes et
exemples ne se propagent pas. Ainsi depuis quelque temps ceux qu’il
faut affronter, ceux qui mènent les pauvres gens sur le chemin de la
violence et de la déraison, et qui en plus posent des bombes et
brûlent des églises, ce sont les anarchistes (ce qui n’est pas
non plus faux). Un éther, quelque chose sans corps défini mais
qu’on essaie de structurer suffisamment pour qu’il puisse être
catalogué comme groupe terroriste, mais pas au point qu’il lui
reste en son sein une lueur de rébellion. On a pu apprécier au
cours de l’année dernière l’apparition récurrente dans la
presse d’articles qui font référence à l’essor de l’activité
violente anarchiste dans la péninsule. De comment la puissance et la
fréquence des attaques ont augmenté, de comment sont financés
depuis ici des milieux anarchistes à l’étranger et de comment des
compagnons anarchistes italiens ou grecs viennent enseigner aux
autochtones l’art de la guerre sociale, pour prendre quelques
exemples. Les rapports publics des flics vont dans le même sens,
mettant en garde contre la dangerosité que les luttes anarchistes
sont en train d’acquérir, en faisant l’une de leurs principales
inquiétudes. Et même s’ils ont l’habitude de dire
d’innombrables aberrations, avec l’intention de criminaliser et
de réprimer, il est vrai que notre ambition est d’être leur pire
menace. Mais de notre propre mérite. Nous connaissons bien le
langage du Pouvoir. Ses doigts accusateurs nous pointent et nous ne
sommes pas innocents. Nous ne voulons pas être innocents. Nous
sommes anarchistes. Et en portant notre anarchisme nous voulons
inspirer la passion, la solidarité et la révolte.
Le grand
triomphe des idées anarchistes peut se comprendre lorsque nous
voyons qu’elles n’ont jamais disparu malgré les efforts de tous
les États, leur répression, l’emprisonnement, l’isolement et le
harcèlement contre de nombreux compagnon-ne-s à travers le monde.
Où que l’on cherche, il y a des compagnons anarchistes, les
éléments agitateurs, les actions et tous les résultats concrets de
la lutte contre le Pouvoir sont toujours là, fermes et
intransigeants. L’erreur des appareils répressifs consiste à
croire qu’un ordre judiciaire, des enquêtes policières tordues,
l’emprisonnement de certains, les montages (c’est quoi leur
justice si ce n’est un gros montage absurde), les conneries de la
presse cherchant à maintenir son gagne-pain basé sur le mensonge,
serviront à vaincre l’idée et le combat pour la liberté, des
chemins de lutte, le sens de nos vies, lorsque nous ne nous sommes
jamais sentis esclaves. C’est l’idée même des anarchistes
qu’ils ne pourront jamais récupérer ni racketter. Il n’est pas
possible d’en finir avec tout cela. C’est précisément ce en
quoi consiste la gêne que nous représentons pour le Pouvoir. Où
que l’on cherche, nous le disons une fois de plus, se trouve la
main tendue du compagnon, la solidarité vive, la complicité contre
ce monde dégouttant, oppressant, carcéral, la certitude que notre
potentiel est inépuisable. Nous n’admettons aucune autorité, nous
ne recevons aucun ordre, le mercenaire juge, le mercenaire policier,
le mercenaire journaliste sera demain substitué par un autre. Il ne
détient rien de plus que l’ordre de maintenir cette fausse paix
sociale, c’est son boulot, ce sont des êtres pourris qui
réaffirment ce système pourri, c’est là qu’ils sont, toujours
en train d’essayer de faire leur devoir. Nous ne nous plaignons
pas, nous savons comment tout cela fonctionne. Ce n’est donc pas
compatible avec notre manière d’agir, le victimisme qui réclame
moins de dureté, nous le laissons à ceux qui font confiance aux
maîtres, à ceux qui sont à l’aise dans les petits espaces que
cède la démocratie à la protestation dans son besoin de consensus.
Nous ne sommes pas dissidents, pour l’être nous aurions dû
d’abord adhérer ou soutenir le Système. Nous remettons en
question tout ce qui compose chaque aspect de ce misérable monde, un
chemin difficile et ardu mais satisfaisant et surtout un chemin que
personne ne nous arrachera. Depuis 1906 où l’anarchiste Mateo
Morral offrait un bouquet de fleur avec du nitrobenzène au cortège
monarchique espagnol, jusqu’à nos jours, les choses ont changé
mais nous sommes toujours debout. Nous nous solidarisons avec la
compagnonne Sol, enfermée dans les prisons de l’État chilien,
nous nous souvenons avec un amour acrate de Gabriel Pombo da Silva,
Marco Camenisch, nous n’oublions jamais les compagnons morts en
action Mauricio Morales, Lambros Foundas et Sebastián Oversluij, ni
ceux mis en cause et poursuivis, et bien sûr, ces mots et la suite
de la lutte vont aussi vers vous, Mónica Caballero et Francisco
Solar.
Salut et
Anarchie
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