La
foi est la croyance, la confiance aveugle en quelque chose. La foi
religieuse ; mourir pour la foi ; croyance aux vérités de la
religion. « La foi, dit Lachâtre, est la croyance que les faits et
les préceptes présentés par les religions sont vrais et viennent
de Dieu. Cette croyance n'est pas raisonnable, le plus souvent même
elle est stupide, puisqu'elle admet des faits et des idées que la
raison humaine ne peut jamais vérifier et que, très souvent, elle
démontre être absurdes. Le musulman qui a la foi croit, par
exemple, que Mahomet a fait un trou dans la lune lors de son voyage
dans le ciel ; le chrétien, à ce propos, se rit de la bêtise du
sectaire arabe ; à son tour, le chrétien qui a la foi croit que
saint Denis porta sa tête entre ses mains, après avoir été
décapité, chanta un cantique et fit une lieue dans cet état ; mais
le fidèle mahométan trouve aussi que le chrétien n'a pas le sens
commun. Comme on le voit la foi, théologiquement parlant, est une
adhésion irréfléchie de la croyance à tout ce qui plaît aux
prêtres d'enseigner ». Disons de suite que la foi religieuse repose
sur l'ignorance et que c'est sur cette ignorance que se sont
échafaudées toutes les religions. La foi est un sentiment aveugle,
qui ne se résiste pas à l'analyse et que refuse de discuter celui
qui la possède. L'Eglise agit du reste intelligemment en interdisant
toute discussion des articles de foi. La discussion, c'est la porte
ouverte à la clairvoyance et au doute, et le doute c'est
l'ébranlement de la foi. La foi, quelle que soit la religion qui
l'inspire, suppose la croyance en un être suprême, supérieur,
infaillible, qui préside aux destinées des hommes et est fondée en
ce qui concerne les religions monothéistes sur la théorie de la
révélation. Quelle est cette théorie? Salomon Reinach nous
l'enseigne brièvement dans son étude critique des religions : « En
donnant l'être à nos premiers parents, Dieu leur enseigna par
lui-même ce qu'ils avaient besoin de savoir ; il leur révéla qu'il
est le seul créateur du monde, en particulier de l'homme ; qu'ainsi
il est leur seul bienfaiteur et leur législateur suprême. Il leur
apprit qu'il les avait créés à son image et à sa ressemblance,
qu'ils étaient par conséquent d'une nature très supérieure à
celle des brutes, puisqu'il soumit à leur empire tous les animaux.
Il leur accorda la fécondité par une bénédiction particulière,
et il fut bien entendu qu'ils devaient transmettre à leurs enfants
les mêmes leçons que Dieu daignait leur donner. Malheureusement,
les hommes, à l'exception d'un très petit nombre de familles,
furent infidèles aux leçons divines et, abandonnant le culte d'un
Dieu unique, tombèrent dans les égarements du polythéisme.
Toutefois le souvenir d'un si haut enseignement ne se perdit pas
entièrement. Ainsi s'explique que l'idée même d'une divinité
tutélaire se retrouve, sous des formes diverses, chez tous les
peuples. Ce n'est pas aux lumières naturelles de la raison, mais à
la révélation seule que l'humanité est redevable de la
connaissance de Dieu et de la religion ». Doctrine étrange, ajoute
Reinach, qui a cependant pour elle l'autorité de tous les grands
théologiens de l'Eglise. Si l'on accepte les principes d'une telle
théorie, si peu scientifique, rien d'étonnant à ce que l'on
accepte également toutes les stupidités de certains dogmes. Si la
promulgation de la loi mosaïque sur le mont Sinaï, si le long
pèlerinage des juifs et leur séjour de quarante ans dans le désert
semble une invraisemblance pour l'esprit éclairé, si l'histoire de
la manne et des cailles qui tombent du ciel pour nourrir le peuple
élu de Dieu paraissent inadmissibles à l'être sensé, cela est
tout naturel pour l'homme touché par la foi. Tout naturel aussi : la
naissance du Christ par l'intervention du Saint-Esprit, et la mort et
la résurrection de Jésus. Et comme l'on comprend que l'Eglise ne
veuille pas soumettre le dogme à l'analyse, de crainte de le voir
s'écrouler! Il faut croire, sans chercher à comprendre le pourquoi
et le comment ; il faut accepter toutes les bêtises, toutes les
niaiseries enseignées par les religions, sans quoi la foi serait
bien vite ébranlée, mettant fin à l'ignoble spéculation des
prêtres et de tous les princes de l'Eglise. « L'Eglise possède à
un degré supérieur, écrit Sébastien Faure, le sens pénétrant de
ce qui plaît à la nature humaine ; elle a la connaissance
approfondie de ce qui empoigne les imaginations ; elle a poussé très
loin et à l'aide de moyens exceptionnellement favorables et qui lui
sont propres, la pénétration des sentiments qui agitent, des
émotions qui étreignent et des passions qui bouleversent les cœurs.
Aussi a-t-elle pressenti, deviné, que pour faire la conquête de
l'Humanité et pour n'avoir pas à défendre incessamment le bénéfice
de cette conquête une fois réalisée, il ne suffisait pas de
proposer d'imposer à la crédulité des foules la foi en un Dieu
perdu dans l'épaisseur des nuées, entouré de Gloire, de Puissance
et de Majesté, incompréhensible et mystérieux. Artiste génial
ayant conçu et créée l'Univers, Géomètre prodigieux et
incomparable, Architecte ayant tout merveilleusement calculé,
mesuré, consolidé, équilibré » (S. Faure, L'Imposture
religieuse, p. 159). Et c'est alors que pour étayer cette foi,
l'Eglise a construit une doctrine en groupant une foule de mensonges
qui constitue le fond de la religion, de toutes les religions. A
partir du XVIIIème siècle, de nombreux penseurs ont cherché à
combattre l'ignorance populaire perpétuée par l'Eglise et se sont
attaqués à la foi, objet de toutes les impostures. Malgré les
coups qui lui furent portés, l'Eglise est cependant sortie
victorieuse, dans une certaine mesure, de la lutte grandiose qui lui
fut et qui lui est toujours livrée par la science. C'est que la foi
s'est profondément imprimée dans l'esprit de l'individu et que la
paresse des hommes les entraîne plus facilement à accepter avec
passivité ce qu'on leur enseigne que de rechercher par eux-mêmes la
vérité. « Un homme qui reçoit sa religion sans examen, ne diffère
pas d'un bœuf qu'on attelle », écrit Voltaire ; et il continue : «
Cette multitude prodigieuse de sectes dans le christianisme - cela
peut s'appliquer également à toutes les autres croyances - forme
déjà une grande présomption que toutes sont des systèmes
d'erreurs. L'homme sage se dit à lui-même : Si Dieu avait voulu me
faire connaître son culte, c'est que ce culte serait nécessaire à
notre espèce. S'il était nécessaire, il nous l'aurait donné à
tous lui-même, comme il a donné à tous deux yeux et une bouche. Il
serait partout uniforme, puisque les choses nécessaires à tous les
hommes sont uniformes. Les principes de la raison universelle sont
communs à toutes les nations policées, toutes reconnaissent un Dieu
: elles peuvent donc se flatter que cette connaissance est une
vérité. Mais chacune d'elles a une religion différente ; elles
peuvent donc conclure qu'ayant raison d'adorer un Dieu, elles ont
tort dans tout ce qu'elles ont imaginé au delà. Si le principe dans
lequel l'Univers s'accorde paraît vraisemblable, les conséquences
diamétralement opposées qu'on en tire paraissent fausses ; il est
naturel de s'en défier. La défiance augmente quand on voit que le
but de tous ceux qui sont à la tête des sectes est de dominer et de
s'enrichir autant qu'ils le peuvent, et que depuis les daïris du
Japon jusqu'aux évêques de Rome, on ne s'est occupé que d'élever
un pontife un trône fondé sur les misères des peuples, et souvent
cimenté de leur sang » (Voltaire, Avant-Propos à L'Examen
important de Milord Bolingbroke). Pour pouvoir se livrer à la
conquête du monde, pour pouvoir impunément exploiter les
populations du globe, il fallait que l'Eglise, par l'affirmation ou
la violence, inculquât une foi profonde à ses sujets. Ce n'est qu'à
la faveur de l'obscurantisme le plus profond que les religions
évoluèrent et arrivèrent à dominer le monde. La foi est le plus
ferme soutien de l'oligarchie cléricale. Sans elle tout s'effondre ;
elle est une entrave à la civilisation, et la civilisation s'oppose
à l'erreur religieuse. C'est pourquoi l'Eglise combat la science,
barre la route à toute tentative de recherches, à toute extension
des connaissances humaines. La foi, à travers les âges, a été un
ferment de crimes, de massacres, de pillages. La religion et l'Eglise
les ont toujours excusés parce que c'est sur la foi que repose toute
sa puissance. Nous n'en sommes plus cependant aujourd'hui à l'époque
moyenâgeuse et, grâce à une relative liberté de penser, acquise à
la faveur des luttes sociales et des découvertes scientifiques, la
foi est menacée. Il serait pourtant puéril de songer qu'elle est
complètement éteinte. Le fatalisme religieux exerce encore une
colossale influence, car l'individu est toujours imprégné des vieux
préjugés ancestraux. Il faut poursuivre la bataille. Il faut
éclairer les « fidèles » sur l'inconséquence de leurs croyances
; il faut leur démontrer combien est ridicule cette foi aveugle qui
les guide et qui est si peu conforme à la raison et à la logique.
Petit à petit, la lumière jaillira alors dans les cerveaux et la
foi, en disparaissant, permettra d'atteindre plus rapidement à
l'affranchissement du genre humain. En dehors de la théologie, on
donne le nom de foi à l'espérance fondée sur des doctrines
philosophiques ou scientifiques auxquelles on accorde sa confiance.
Avoir foi en la Révolution, c'est-à-dire confiance en la
Révolution. Avoir foi en l'Anarchie. Perdre sa foi, etc...
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