Qui remplit
une fonction. Celui ou celle qui occupe un emploi dans une
administration, ou un poste responsable dans une organisation
politique ou sociale. Un fonctionnaire public ; un fonctionnaire
syndical ; un fonctionnaire indélicat ; un haut fonctionnaire. Dans
le langage courant on donne le nom de fonctionnaire à tout individu
qui remplit une fonction publique, c'est-à-dire qui est un agent
appointé de l'Etat. Le nombre des fonctionnaires est formidable et
le plus clair des ressources d'une nation est englouti par cette
armée de parasites, composée, de par la fonction même, des plus
fermes soutiens du régime capitaliste et des gouvernements qui le
dirigent. Il est évident qu'une partie des fonctionnaires publics
est indispensable à la vie de la collectivité, et nous pouvons
citer parmi ceux-ci : les fonctionnaires des postes et des
télégraphes, ceux attachés aux services des eaux, de
l'électricité, de la voierie ; les instituteurs, professeurs, etc.,
etc... Mais à côté de ces fonctionnaires utiles nous trouvons ceux
des douanes, des organismes financiers, militaires, policiers et,
sans crainte de se tromper, on peut affirmer que les trois quarts des
fonctionnaires n'apportent absolument rien à la collectivité en
échange de ce qu'ils en reçoivent. Nous disons que le
fonctionnaire, et surtout le fonctionnaire socialement,
économiquement inutile est le plus puissant soutien de l'Etat et du
régime capitaliste. En effet la fin du régime capitaliste et par
extension de l'Etat, marquerait également la fin du fonctionnarisme.
On ne peut logiquement concevoir une société libre et débarrassée
de toutes les plaies sociales que nous subissons dans les
organisations étatiques modernes, sans qu'immédiatement se présente
à notre esprit la suppression totale de certains organismes
parasitiques néfastes en soi et inhérents au régime capitaliste.
Que le désordre administratif d'un Etat, quel qu'il soit, nécessite
le concours d'une nuée de fonctionnaires, ce n'est un mystère pour
personne. Or, instinctivement et inconsciemment, le fonctionnaire, et
plus particulièrement le fonctionnaire parasite, sait que la fin du
régime capitaliste mettrait fin à sa fonction ; et comme, lié au
présent, il n'envisage pas la possibilité d'utiliser son savoir ou
ses compétences dans des emplois plus conformes aux nécessités
collectives, il imagine que sa vie est intimement attachée à celle
de l'Etat, et soutient et défend celui-ci qui lui imprime une
mentalité réactionnaire et conservatrice. L'observation la plus
simple, démontre que le fonctionnaire fut de tout temps à l'arrière
de tous les mouvements sociaux et qu'il est adversaire de toute
tentative de réforme violente, de révolution. Même dans ses
organisations de classe - à part de rares exceptions - il se
manifeste terriblement réformiste et réprouve toute action
révolutionnaire ; il est vrai que l'Etat patron entretient cette
mentalité par des mesures adroites qui font du fonctionnaire un
esclave. Economiquement, ce qui maintient l'esprit rétrograde du
fonctionnaire, c'est le régime des retraites qui lui est appliqué.
Il abandonne la proie pour l'ombre. La perspective d'être à l'abri
du besoin dans ses vieux jours l'écarte de toute lutte
révolutionnaire et à mesure que les années passent et qu'il
s'encrasse dans sa fonction, il est plus difficile de l'associer aux
intérêts de ses frères de misère. D'autre part, la crainte d'être
démissionné influe profondément sur la mentalité du
fonctionnaire. Un fonctionnaire ne se considère pas comme le commun
des travailleurs ; si un prolétaire quelconque perd son emploi,
simplement il en cherche un autre ; il n'en est pas de même en ce
qui concerne le fonctionnaire : lorsqu'il est révoqué il invoque
certains « droits » qu'il aurait sur l'administration publique qui
l'occupait, sans se rendre compte que ces « droits » supposent
également des « devoirs ». Certes nous comprenons qu'il est une
catégorie de fonctionnaires qui, une fois chassés de leur emploi,
ont de grandes difficultés pour trouver le travail indispensable à
leur existence ; par exemple les mécaniciens des chemins de fer,
certains ouvriers des postes, etc., etc... ; mais il est un grand
nombre de fonctionnaires, et c'est la majorité, dont les capacités
sont utilisables dans l'industrie privée et dont la fonction n'offre
aucune particularité. Ils restent cependant en dehors de toute
l'activité sociale de leur classe. Un comptable du ministère des
finances ou de tout autre organisme d'Etat ne s'associera pas avec
les autres membres de la même corporation appartenant à l'industrie
privée ; il ne débordera pas du cadre du fonctionnarisme et cela
crée un esprit de corps profondément néfaste à l'évolution du
mouvement social. Le capitalisme a tellement compris que le
fonctionnaire était un facteur de conservation sociale, que presque
toutes les grandes administrations privées adoptent de plus en plus
le statut qui régit les fonctionnaires d'Etat, et s'attachent ainsi
un personnel susceptible de battre en brèche les tentatives de
libération prolétarienne. Les grandes entreprises bancaires se «
fonctionnarisent » sans que le prolétariat en faux-col s'aperçoive
qu'il est en train de forger les chaînes dont il ne pourra que
difficilement se délivrer ; et même dans le prolétariat manuel,
libre jusqu'à présent de l'entrave du fonctionnarisme la menace se
fait sentir. Ne voyons-nous pas certaines grandes usines
fonctionnariser son personnel ouvrier en lui assurant, sous certaines
conditions, un travail continuel et la retraite pour les vieux jours?
Tiraillé par les besoins immédiats, l'assurance relative d'être à
l'abri du chômage, et la perspective d'une croûte à rompre dans la
vieillesse, semble une offre alléchante pour le travailleur ignorant
les causes et les effets des manœuvres économiques et sociales du
capitalisme. En se laissant fonctionnariser, le prolétariat
s'amoindrit, s'affaiblit, se détruit en tant que classe ; il abdique
son indépendance et, se faisant un agent inconscient de la machine
bourgeoise, il éloigne l'ère des grandes transformations
économiques. Ce qui caractérise encore le fonctionnaire des autres
exploités, c'est la hiérarchie à laquelle ils sont obligés de se
soumettre et à laquelle également ils aspirent à appartenir. Tout
comme à l'armée, en ce qui concerne les grades inférieurs, chez
les fonctionnaires, les chefs ne se recrutent généralement pas en
raison des compétences dont ils font preuve, mais en raison de
l'ancienneté et des bonnes notes acquises durant le service. Tout
naturellement, est considéré comme bon fonctionnaire celui qui
accepte aveuglément le régime routinier et rétrograde de l'Etat et
des gouvernements qui se succèdent, et comme les salaires varient
selon la position que l'on occupe dans les cadres du fonctionnarisme,
il va de soi que la grande majorité des fonctionnaires, dans la
crainte de ne pas obtenir d'avancement, s'abstiennent de toute lutte
sociale condamnée par les autorités comme révolutionnaire.
Cependant petit à petit, malgré les mesures prises par les maîtres,
une minorité d'indisciplinés est née chez les fonctionnaires. Il
est évident que l'action de cette minorité est hésitante, mais
elle est servie par les événements économiques et par la
désagrégation de l'Etat incapable de recouvrer sa stabilité
d'avant-guerre. Il serait pourtant puéril d'espérer avant longtemps
une action vraiment efficace des fonctionnaires. Bien qu'ils soient
également touchés par les phénomènes économiques et sociaux,
leur évolution sociale est plus lente que celle des autres exploités
et ce n'est que lorsqu'ils auront compris que leur sort est
étroitement lié à celui de toute la classe ouvrière, lorsqu'ils
n'élèveront plus une barrière entre eux et les autres
travailleurs, que s'écrouleront l'Etat et le Capitalisme dont ils
sont l'un des plus puissants piliers. Il n'y a pas que les organismes
d'Etat ou les grandes entreprises capitalistes qui occupent des «
fonctionnaires ». Toute organisation politique ou sociale a aussi
les leurs. Bien qu'adversaire de ce qu'on appelle péjorativement le
« fonctionnarisme », il faut cependant reconnaître qu'il est
indispensable aux diverses associations d'individus d'avoir des
fonctionnaires. Le travail administratif d'un groupement ne se fait
pas tout seul et il est simpliste de prétendre poursuivre une œuvre
en comptant uniquement sur le concours bénévole de certaines
personnalités. On confond vraiment trop facilement, et plus
particulièrement dans les mouvements d'avant-garde : fonctionnaire
et fonctionnarisme. Certes il est utile de combattre dans les
organisations syndicales ou révolutionnaires les fonctionnaires
inamovibles qui considèrent leurs fonctions comme des sinécures, et
manœuvrent bassement et lâchement pour conserver la place qu'ils
occupent. Mais il faut également comprendre que toute organisation
sérieuse a besoin d'avoir à son service des hommes qui, bien que
sincèrement dévoués à la cause qu'ils défendent, ont une vie
matérielle à satisfaire et que si tous leurs instants sont
consacrés à une organisation, celle-ci a le devoir de leur assurer
la subsistance. Nous savons que bien des abus ont légitimé
l'opinion répandue dans les masses travailleuses, à l'égard des
fonctionnaires. Ce sont cependant les classes travailleuses
elles-mêmes qui sont responsables de ce qui se passe. C'est au
prolétariat à veiller à ce que ses fonctionnaires ne se
transforment pas en petits rois, et c'est à lui à savoir, dans ses
organisations, élaborer un statut le mettant à l'abri des
fonctionnaires parasites et indélicats et du fonctionnarisme.
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