dimanche 19 mai 2019

FORCE n. f. Encyclopedie Anarchiste de Sébastien Faure




Matière incorporelle, considérée comme « cause » d'un mouvement. Matière impondérable, qui ne se présente pas à nous sous les trois dimensions. « La force, dit Lewes, constitue l'aspect dynamique de la matière, et la matière l'aspect statique de la force ». Dans son ouvrage remarquable : L'Evolution de la Matière, Gustave Le Bon décrit les expériences qui lui ont permis de démontrer que : les corps ne sont qu'un certain équilibre de la matière, un phénomène, et que les forces sont des particules de matière en non équilibre relatif, des corps « dématérialisés ». Ce terme est inexact d'ailleurs puisque, selon Le Bon, corps et forces ne sont qu'une modalité de la matière qui est en perpétuel mouvement. La science a maintenu longtemps, sous l'inspiration de l'Eglise, que la matière était inerte, que les forces existaient indépendamment des corps, mais Grove (cité par Büchner, Force et Matière) a prouvé jusqu'à l'évidence que le mouvement constitue l'état de force ou d'activité le plus manifeste de la matière, et que « la nature ne nous montre nulle part de repos absolu » ; « la matière tout entière non seulement prise en masse, mais encore envisagée dans sa structure la plus intime ou moléculaire, est dans un état de mouvement incessant, tout changement de température provoque une modification moléculaire dans la masse entière, chauffée ou refroidie ; de faibles activités chimiques ou électriques, des phénomènes lumineux ou des activité rayonnantes invisibles sont continuellement en jeu, de sorte que, en réalité, il n'y a pas une seule particule de matière dont on puisse affirmer qu'elle soit dans un état de repos absolu. « Le mouvement doit donc être considéré comme une propriété éternelle de la matière, dont il est inséparable. La matière ne peut pas plus exister sans le mouvement qu'une substance sans force ; le mouvement ne peut pas plus exister sans matière qu'une force sans substance. Le mouvement ne peut pas non plus dériver d'une force, puisqu'il est lui-même l'essence de la force ; par conséquent, il ne peut pas avoir pris naissance, mais il doit être éternel et universel. Le mouvement est partout dans le monde, dans tout ce qui est grand, comme dans tout ce qui est petit. L'idée d'une matière inerte, ou privée de mouvement, ne se peut soutenir ; elle n'existe que sous forme abstraite, mais non réelle, de même que l'idée d'une matière sans forces. Frédéric Engels dit que cette idée de l'état de la matière sans mouvement est « une des conceptions les plus vides et les plus absurdes, une vraie fantaisie d'imagination maladive ». D'après lui, le mouvement est la manière d'être de la matière. Jamais et nulle part il n'y a eu, il ne saurait y avoir de matière sans mouvement. Mouvement dans l'espace, mouvement mécanique des petites masses dans les corps, mouvement moléculaire sous forme de chaleur, de courant électrique ou magnétique, de combinaison ou de décomposition chimique, de vie organique, - dans l'une ou l'autre de ces formes de mouvement ou dans plusieurs à la fois, se trouvent engagés, à tout moment, tous les atomes de l'univers. Le repos, l'équilibre sont choses relatives, n'ayant de sens que par rapport à telle ou telle forme de mouvement. Un corps peut être en repos au point de vue mécanique, tout en prenant part au mouvement de la terre et à celui de tout le système solaire ; pas plus que cela n'empêche ses plus petites particules d'exécuter des vibrations en rapport avec sa température, ou ses atomes d'être en proie à des processus chimiques. « Pas plus par le raisonnement que par l'expérience, de fait en aucune façon, nous ne pouvons nous faire une idée d'une matière ou d'un corps sans mouvement. Lorsqu'un corps solide est soutenu par un autre et persiste dans un état de repos apparent, ce repos n'est qu'apparent, en effet, en réalité, ce n'est qu'un mouvement contenu, ou plutôt ce sont deux mouvements de force égale, mais en sens contraire, faisant effort l'un contre l'autre. Par la suppression de l'obstacle, la force latente peut, à tout instant, se transformer en force active. Il en serait de même pour un ressort tendu, pour l'air comprimé, etc. Le repos n'est donc pas l'absence de mouvement ; il est comme la résultante de deux mouvements faisant effort en sens contraire. Ce corps qui semble ainsi en repos, ne l'est pas en réalité ; il ne l'est que par rapport à son voisinage immédiat. Car non seulement il suit la terre dans son mouvement de rotation sur son axe, mais il tourne encore avec elle autour du soleil et, avec celui-ci, autour du grand point central de la voie lactée » (Büchner, op. cit. p. 53. Ed. Schleicher). La Science, dans son étude des forces, avait commencé par donner une origine spéciale à chacune d'elles : électricité, chaleur, lumière, etc. ; elle est arrivée, actuellement, quant à l'origine des forces, à une théorie commune à toutes les forces, qui est la théorie vibratoire. Je vais m'expliquer par un exemple très simple, celui du son. Si l'on prend une lame d'acier, et qu'on la fixe par une de ses extrémités, en imprimant un mouvement d'oscillations à l'autre extrémité, on produit un son. Le son résulte donc des vibrations d'un corps, ces vibrations se propagent à travers l'air, et de l'air aux divers organes qui constituent notre oreille, et enfin aux filaments du nerf acoustique qui les conduit à une certaine partie du cerveau. Ces vibrations, nous les percevons sous forme de sons. Frappez, avec une règle, un verre en cristal qui repose sur une table, un son est produit, vous l'arrêtez immédiatement si vous vous emparez de ce verre : vous empêchez, en effet, les vibrations de se poursuivre. S'il est des vibrations que nous percevons sous la forme de son, il en est d'autres que nous percevons sous la forme de chaleur, de lumière, etc. C'est la quantité de vibrations produites pendant une seconde qui déterminent les perceptions diverses que ces vibrations provoquent en nous. Pour bien comprendre la théorie des vibrations, il faut se reporter au tableau que l'on trouvera dans tous les manuels de physique et chimie. Ce tableau donne : Son, Electricité, Inconnu, Chaleur, Lumière, Inconnu, Rayons X, Inconnu, etc. Le son, ayant moins de vibrations et l'électricité plus, mais moins que la lumière, etc. En résumé, les forces sont une modalité du mouvement. Corps + Forces = Matière = Mouvement. -

A. LAPEYRE

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