vendredi 31 mai 2019

Les bases du syndicalisme Par Emile Pouget




« Durant tout le dix-neuvième siècle, le prolétariat a fait effort pour dégager son action de celle des partis bourgeois purement politiques. Effort considérable, car, la Bourgeoisie ayant besoin, pour gouverner sans encombre, de l'assentiment ou de l'indifférence du prolétariat, s'est évertuée, non seulement à le combattre et à le massacrer quand il se soulevait contre les exploiteurs, mais aussi à l'assouplir par une éducation roublarde, combinée pour le détourner de l'examen des questions économiques et pour dériver son activité vers les décevants espoirs du démocratisme. »

«  Moins de deux ans après la prise de la Bastille (en juin1791 ), la Bourgeoisie, par l'organe de son Assemblée constituante, dépouillait la classe ouvrière du droit d'association que celle-ci venait à peine de conquérir révolutionnairement ».

«Pour nous faire avaler cette interprétation fantaisiste, on objecte que les révolutionnaires de l'époque n'élevèrent contre elle aucune protestation. Leur silence démontre simplement qu'ils ignoraient le côté social de la Révolution qu'ils vivaient, et n'étaient que de purs démocrates. Il n'y a d'ailleurs pas à s'étonner d'un si considérable manque de clairvoyance de leur part, puisque, aujourd'hui même, nous voyons des hommes se prétendre socialistes et n'être, eux aussi, que de simples démocrates. »

« Dans la direction civique, la Bourgeoisie exalta la sentimentalité patriotique. Les liens idéologiques qui relient les hommes nés, grâce au-hasard, entre les frontières variables d'un territoire déterminé, furent prônés comme les plus sacrés. On enseigna, sans rire, que le plus beau jour de la vie d'un patriote est celui où il a le plaisir de se faire égorger pour la patrie. Ces hâbleries étaient pour illusionner le peuple et l'empêcher de réfléchir sur la valeur philosophique du virus moral qu'on lui inoculait. Grâce au bruit des trompettes, des tambours, des chants guerriers el des rodomontades chauvinardes, on le dressa à défendre ce qu'il n'a pas : le patrimoine. Le patriotisme ne s'explique qu'avec, pour tous les patriotes instinctivement, une part d'avoir social et rien n'est plus absurde qu'un patriote sans patrimoine. C'est pourtant ce que se résout à être le prolétaire qui ne possède pas une motte de la terre du sol national: il s'ensuit que son patriotisme est un effet sans cause, - donc un cas pathologique. »

«Ces municipalités, annihilées par le gouvernement n'ont pu réaliser leur programme, - et les déceptions ont suivi ! Puis, autre danger : le prolétariat de ces centres, orienté vers l'effort politique, a déployé toute son énergie en ce sens et il a négligé l'organisation économique. De sorte que les patrons, dont la férocité exploiteuse est sans limites, ont tiré profil de ne pas trouver, pour leur résister, un bloc syndical actif et vigoureux. Dans le Nord (à Roubaix. Armentières, etc., où les municipalités sont, ou ont été socialistes), les salaires sont effroyablement bas. Dans les Ardennes, mêmes constatations : là, des Syndicats nom- breux avaient été constitués, mais, s'étant presque complètement laissés absorber par la politique, ils ont perdu la force de résister au patron. »

«Le progrès, tout notre passé historique le démontre, est la conséquence des efforts révolutionnaires des minorités conscientes. Or, le démocratisme organise l'étouffement des minorités au profit des majorités moutonnières et conservatrices. »

« Dans le milieu actuel. sa mission permanente est de défendre la corporation contre toute diminution de vitalité, - c'est-à-dire, coutre toute réduction de salaires, augmentation de la durée du travail, etc .. ; puis, aussi la défensive ajoutant l'offensive, il se préoccupe d’accroître la somme de bien-être de la corporation, - ce qui ne se peut réaliser que par un empiétement sur les privilèges capitalistes et constitue une sorte d'expropriation partielle. Outre cette besogne d'incessantes escarmouches, !e Syndicat se préoccupe de l'œuvre d'émancipation intégrale dont il sera l'agent efficace; elle consistera à prendre possession des richesses sociales, aujourd'hui accaparées par la Bourgeoisie, et à réorganiser la société sur des bases communistes, de façon qu'avec le minimum d'efforts productifs, soit obtenu le maximum de bien-être. »

«Celui-ci est l'expression des majorités inconscientes qui font bloc pour' étouffer les minorités conscientes; en vertu du dogme de la souveraineté populaire et, quoique ayant posé comme point de départ que tous les hommes sont frères et égaux. il aboutit à sanctionner l'esclavage économique et à opprimer les hommes d'initiative, de progrès, de science, de liberté. »

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