« Durant tout le
dix-neuvième siècle, le prolétariat a fait effort pour dégager
son action de celle des partis bourgeois purement politiques. Effort
considérable, car, la Bourgeoisie ayant besoin, pour gouverner sans
encombre, de l'assentiment ou de l'indifférence du prolétariat,
s'est évertuée, non seulement à le combattre et à le massacrer
quand il se soulevait contre les exploiteurs, mais aussi à
l'assouplir par une éducation roublarde, combinée pour le détourner
de l'examen des questions économiques et pour dériver son activité
vers les décevants espoirs du démocratisme. »
« Moins de deux ans après
la prise de la Bastille (en juin1791 ), la Bourgeoisie, par l'organe
de son Assemblée constituante, dépouillait la classe ouvrière du
droit d'association que celle-ci venait à peine de conquérir
révolutionnairement ».
«Pour nous faire avaler cette
interprétation fantaisiste, on objecte que les révolutionnaires de
l'époque n'élevèrent contre elle aucune protestation. Leur silence
démontre simplement qu'ils ignoraient le côté social de la
Révolution qu'ils vivaient, et n'étaient que de purs démocrates.
Il n'y a d'ailleurs pas à s'étonner d'un si considérable manque de
clairvoyance de leur part, puisque, aujourd'hui même, nous voyons
des hommes se prétendre socialistes et n'être, eux aussi, que de
simples démocrates. »
« Dans la direction
civique, la Bourgeoisie exalta la sentimentalité patriotique. Les
liens idéologiques qui relient les hommes nés, grâce au-hasard,
entre les frontières variables d'un territoire déterminé, furent
prônés comme les plus sacrés. On enseigna, sans rire, que le plus
beau jour de la vie d'un patriote est celui où il a le plaisir de se
faire égorger pour la patrie. Ces hâbleries étaient pour illusionner le peuple et l'empêcher de réfléchir sur la valeur
philosophique du virus moral qu'on lui inoculait. Grâce au bruit
des trompettes, des tambours, des chants guerriers el des rodomontades chauvinardes, on le dressa à défendre ce qu'il n'a
pas : le patrimoine. Le patriotisme ne s'explique qu'avec, pour tous
les patriotes instinctivement, une part d'avoir social et rien n'est
plus absurde qu'un patriote sans patrimoine. C'est pourtant ce que se résout à être le prolétaire qui ne possède pas une motte de la
terre du sol national: il s'ensuit que son patriotisme est un effet
sans cause, - donc un cas pathologique. »
«Ces municipalités, annihilées
par le gouvernement n'ont pu réaliser leur programme, - et les
déceptions ont suivi ! Puis, autre danger : le prolétariat de ces
centres, orienté vers l'effort politique, a déployé toute son
énergie en ce sens et il a négligé l'organisation économique. De
sorte que les patrons, dont la férocité exploiteuse est sans
limites, ont tiré profil de ne pas trouver, pour leur résister, un
bloc syndical actif et vigoureux. Dans le Nord (à Roubaix.
Armentières, etc., où les municipalités sont, ou ont été
socialistes), les salaires sont effroyablement bas. Dans les
Ardennes, mêmes constatations : là, des Syndicats nom- breux
avaient été constitués, mais, s'étant presque complètement
laissés absorber par la politique, ils ont perdu la force de
résister au patron. »
«Le progrès, tout notre passé
historique le démontre, est la conséquence des efforts
révolutionnaires des minorités conscientes. Or, le démocratisme
organise l'étouffement des minorités au profit des majorités
moutonnières et conservatrices. »
« Dans le milieu actuel.
sa mission permanente est de défendre la corporation contre toute
diminution de vitalité, - c'est-à-dire, coutre toute réduction de
salaires, augmentation de la durée du travail, etc .. ; puis, aussi
la défensive ajoutant l'offensive, il se préoccupe d’accroître la
somme de bien-être de la corporation, - ce qui ne se peut réaliser
que par un empiétement sur les privilèges capitalistes et constitue
une sorte d'expropriation partielle. Outre cette besogne
d'incessantes escarmouches, !e Syndicat se préoccupe de l'œuvre
d'émancipation intégrale dont il sera l'agent efficace; elle
consistera à prendre possession des richesses sociales, aujourd'hui
accaparées par la Bourgeoisie, et à réorganiser la société sur
des bases communistes, de façon qu'avec le minimum d'efforts
productifs, soit obtenu le maximum de bien-être. »
«Celui-ci est l'expression des
majorités inconscientes qui font bloc pour' étouffer les minorités
conscientes; en vertu du dogme de la souveraineté populaire et,
quoique ayant posé comme point de départ que tous les hommes sont
frères et égaux. il aboutit à sanctionner l'esclavage économique
et à opprimer les hommes d'initiative, de progrès, de science, de
liberté. »
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