" Comprendre l’engrenage sanglant de la guerre d’Algérie, exige de revenir à l’origine de cette séquence particulière : la colonisation. Il ne s’agira pas ici de retracer toute l’histoire de la longue conquête coloniale, ni même de revenir à l’histoire d’une Algérie précoloniale. Mais de signaler que cette possession d’un territoire par la France a pris beaucoup de temps. La destitution du dey d’Alger en 1830 et de son administration après la rapide prise de la ville en quelques semaines n’a pas marqué, en effet, la fin mais le début des hostilités sur tout le territoire. Refusant de devenir un vassal du pouvoir français, Hadj Ahmed, bey de Constantine, combat par exemple dans l’Est algérien pendant près de… vingt ans. Si les soldats français arrivent à prendre d’assaut Constantine en 1837, ils n’obtiennent la reddition du chef rebelle , alors réfugié dans les Aurès, qu’en 1848. Et ils ne réussiront à soumettre toute la région est de l’Algérie que le bey Ahmed a soulevé, en réduisant au moins pour un temps la résistance kabyle, qu’en 1857. Mais surtout, la France, avec alors la première armée du monde, aura besoin de plus de quinze ans pour mettre fin à l’extraordinaire mouvement de résistance de l’émir Abd el-Kader à l’Ouest et dans l’intérieur du pays. La grande révolte de Kabylie de 1871, qui s’est déroulée au même moment que la Commune de Paris, a été écrasée, ses principaux responsables tués ou déportés en Nouvelle Calédonie. Ces épisodes d’une conquête longue et sanglante a marqué durablement les familles algériennes, et reste peu connu aujourd’hui encore dans la société française, surtout habituée aux récits sur la mission civilisatrice de la France . Un rapprochement entre la France et l’Algérie passe donc par une connaissance plus grande de ce que fut l’entreprise coloniale. Si l’on évoque l’épopée positive du colonialisme dans certains débats en France (construction des routes et des hôpitaux, des écoles, mise en valeur de terres), c’est qu’il est surtout question du bénéfice tiré de cette entreprise particulière par les populations européennes, venus en nombre installer outre-méditerranée. Populations européennes souvent pauvres, émigrés de l’Espagne, de Malte et d’Italie ; population de la métropole, chassées par l’échec des révolutions de 1848 ou de 1871, et la perte de l’Alsace-Lorraine. Les populations algériennes ne conservent pas le même souvenir de cette longue période, et parlent surtout de dépossessions foncières, déplacements de populations vers des zones arides, baisse démographique et brutalisation de leur société d’origine. L’histoire des cimetières de musulmans ayant refusé la pénétration coloniale porte témoignage de cette histoire"
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