Notes
J’ai adopté la forme par
demandes et par réponses si commode pour l’exposition rapide. Elle n’exprime
ici aucune prétention dogmatique. Il n’y a pas ici un maître qui interroge et
un disciple qui répond. Il y a un individualiste qui se questionne lui-même.
J’ai voulu indiquer dans la première ligne qu’il s’agit d’un dialogue intérieur.
Tandis que le catéchisme demande : "Etes-vous chrétien ?", je dis :
"Suis-je individualiste ?". Mais, prolongé, le procédé n’irait pas
sans inconvénients et, une fois mon intention marquée, je me suis souvenu que
le soliloque emploie fréquemment la seconde personne.
On trouvera pêle-mêle dans ce
petit livre des vérités qui sont certaines - mais dont on ne peut d’ailleurs
découvrir qu’en soi-même la certitude - et des opinions qui sont probables. Il
y a des problèmes qui admettent plusieurs réponses. D’autres - en dehors de la
solution héroïque, qu’on peut conseiller seulement lorsque tout le reste est
crime - n’ont pas de solution tout à fait satisfaisante et les à peu près que
je propose ne sont pas supérieurs à d’autres à peu près. Je n’insiste pas. Le
lecteur qui ne saurait point faire le départ et, acquiesçant aux vérités, trouver
des probabilités analogues à mes probabilités et souvent plus harmonieuses à
lui-même, serait indigne, du nom d’individualiste.
Faute de développement ou pour
d’autres raisons, je laisserai souvent insatisfait l’esprit même le plus
fraternel. Je ne puis que recommander aux hommes de bonne volonté la lecture
assidue du Manuel d’Epictète. Là, mieux que partout ailleurs, se trouve la
réponse à nos inquiétudes et à nos doutes. Là plus que partout ailleurs, celui
qui est capable du vrai courage, puisera le courage.
A Epictète, à d’autres aussi,
j’ai emprunté des formules, sans croire toujours nécessaire d’indiquer mes
dettes. Dans un travail de la nature de celui-ci, les choses importent, non
leur origine et on mange plus d’un fruit sans demander au jardinier le nom du
fleuve ou du ruisseau qui féconde son jardin.
1I.
De l’individualisme et de quelques individualistes
Suis-je
individualiste ?
Je suis individualiste.
Qu’est-ce
que j’entends par individualisme ?
J’entends par individualisme
la doctrine morale qui, ne s’appuyant sur aucun dogme, sur aucune tradition,
sur aucune volonté extérieure, ne fait appel qu’à la conscience individuelle.
Le
mot individualisme n’a-t-il jamais désigné que cette doctrine ?
On a souvent donné le nom
d’individualisme à des apparences de doctrines destinées à couvrir d’un masque
philosophique l’égoïsme lâche ou l’égoïsme conquérant et agressif.
Citez
un égoïste lâche qu’on appelle quelquefois individualiste.
Montaigne.
Connaissez-vous
des égoïstes conquérants et agressifs qui se proclament individualistes ?
Tous ceux qui étendent aux
relations des hommes entre eux la loi brutale du combat pour la vie.
Citez
des noms.
Stendhal, Nietzsche
Nommez
quelques vrais individualistes.
Socrate, Epicure, Jésus,
Epictète.
Pourquoi
aimez-vous Socrate ?
Il n’enseignait pas une vérité
extérieure à ceux qui l’écoutaient, mais il leur apprenait à trouver la vérité
en eux-mêmes.
Comment
mourut Socrate ?
Il mourut condamné par les
lois et par les juges, assassiné par la Cité, martyr de l’individualisme.
De
quoi l’accusait-on ?
De ne pas honorer les dieux
que la Cité honorait et de corrompre la jeunesse.
Que
signifiait ce dernier grief ?
Il signifiait que Socrate
professait des opinions désagréables au pouvoir.
Pourquoi
aimez-vous Epicure ?
Sous son élégance nonchalante,
il fut un héros.
Citez
une parole ingénieuse de Sénèque sur Epicure :
Sénèque appelle Epicure « un
héros déguisé en femme ».
Quel
bien fit Epicure ?
Il délivra ses disciples de la
crainte des dieux ou de Dieu, qui est le commencement de la folie.
Quelle
fut la grande vertu d’Epicure ?
La tempérance. II distinguait
entre les besoins naturels et les besoins imaginaires. Il montrait qu’il faut
bien peu de chose pour satisfaire la faim et la soif, pour se défendre contre
le chaud et le froid. Et il se libérait de tous les autres besoins,
c’est-à-dire de presque tous les désirs et de presque toutes les craintes qui
asservissent les hommes.
Comment
mourut Epicure ?
Il mourut d’une longue et
douloureuse maladie en se vantant d’un parfait bonheur.
Connaît-on
généralement le véritable Epicure ?
Non. Des disciples infidèles
ont couvert leurs vices de sa doctrine, comme on cache un ulcère sous un
manteau volé.
Epicure
est-il coupable de ce que de faux disciples lui ont fait dire ?
On n’est jamais coupable de la
sottise ou de la perfidie d’autrui.
La
déformation de la doctrine d’Epicure est-elle un phénomène exceptionnel ?
Toute parole de vérité, si
elle est écoutée de beaucoup d’hommes, est transformée en mensonge par les
superficiels, par les habiles et par les charlatans.
Pourquoi
aimez-vous Jésus ?
Il vécut libre et errant,
étranger à tout lien social. Il fut l’ennemi des prêtres, des cultes extérieurs
et, en général, de toutes les organisations.
Comment
mourut-il ?
Poursuivi par les prêtres, abandonnés par
l’autorité judiciaire, il mourut cloué sur la croix par les soldats. Il est,
avec Socrate, la plus célèbre victime de la Religion, le plus illustre martyr
de l’individualisme.
Connaît-on
généralement le véritable Jésus ?
Non. Les prêtres ont crucifié
sa doctrine comme son corps. Ils ont transformé en poison le breuvage
vivifiant. Sur les paroles faussées de l’ennemi des organisations et des cultes
extérieurs, ils ont fondé la plus organisée et la plus pompeusement vide des
religions.
Jésus
est-il coupable de ce que les disciples et les prêtres ont fait de sa doctrine
?
On n’est jamais coupable de la
sottise ou de la perfidie d’autrui.
Pourquoi
aimez-vous Epictète ?
Le stoïcien Epictète supporta
courageusement la pauvreté et l’esclavage. Il fut parfaitement heureux dans les
situations les plus pénibles aux hommes ordinaires.
Comment
connaissons-nous la doctrine d’Epictète ?
Son disciple Arrien a
recueilli quelques-unes de ses paroles dans un petit livré intitulé Manuel
d’Epictète.
Que
pensez-vous du Manuel d’Epictète ?
Sa noblesse précise et sans
défaillance, sa simplicité exempte de tout charlatanisme me le rend beaucoup
plus précieux que les Evangiles. Le Manuel d’Epictète est le plus beau et le
plus libérateur de tous les livres.
N’y
a-t-il pas dans l’histoire d’autres individualistes célèbres ?
Il y en a d’autres. Mais ceux
que j’ai nommés sont les plus purs et les plus faciles à comprendre.
Pourquoi
ne nommez-vous pas les cyniques Antisthène et Diogène ?
Parce que la doctrine cynique
est l’ébauche de la doctrine stoïcienne.
Pourquoi
ne nommez-vous pas Zénon de Cittium, le fondateur du stoïcisme ?
Sa vie fut admirable et, selon
les témoignages anciens, ne cessa de ressembler à sa philosophie. Mais
aujourd’hui il est moins connu que ceux que j’ai nommés.
Pourquoi
ne nommez-vous pas le stoïcien Marc-Aurèle ?
Parce qu’il fut empereur.
Pourquoi
ne nommez-vous pas Descartes ?
Descartes fut un
individualiste intellectuel. Il ne fut pas assez nettement un individualiste
moral. Sa véritable morale paraît avoir été stoïcienne. Mais il n’osa pas la
rendre publique. Il fit connaître seulement une « morale provisoire »dans
laquelle il se recommande d’obéir aux lois et coutumes de son pays, ce qui est
le contraire de l’individualisme. Il semble d’ailleurs avoir manqué de courage
philosophique en d’autres circonstances.
Pourquoi
ne nommez-vous pas Spinoza ?
La vie de Spinoza fut
admirable. II vivait sobrement, de quelques grains de gruau ou d’un peu de
soupe au lait. Refusant les chaires qu’on lui offrit, il gagna toujours sa
nourriture par un travail manuel. Sa doctrine morale est un mysticisme
stoïcien. Mais, trop exclusivement intellectuel, il professe une étrange
politique absolutiste et ne réserve contre le pouvoir que la liberté de penser.
Son nom fait d’ailleurs songer à une grande puissance métaphysique plus encore
qu’à une grande beauté morale.
II.
Préparation à l’individualisme pratique
Suffit-il
de se proclamer individualiste ?
Non. Une religion peut se
contenter de l’adhésion verbale et de quelques gestes d’adoration. Une
philosophie pratique qui n’est point pratiquée n’est rien.
Pourquoi
les religions peuvent-elles montrer plus d’indulgence que les doctrines morales
?
Les dieux des religions sont
des monarques puissants. Ils sauvent les fidèles par des grâces et des
miracles. Ils accordent le salut en échange de la loi, de certaines paroles
rituelles et de certains gestes convenus. Ils peuvent même me tenir compte de
gestes que je fais faire et de paroles que je fais prononcer par des mercenaires.
Que
dois-je faire pour mériter réellement le nom d’individualiste ?
Je dois mettre tous mes actes
d’accord avec ma pensée.
Cet
accord n’est-il pas pénible à obtenir ?
Il est moins pénible qu’il ne
le paraît.
Pourquoi
?
L’individualiste qui commence
est retenu par les faux biens et les mauvaises habitudes. Il ne se libère pas
sans quelque déchirement. Mais le désaccord entre ses actes et sa pensée lui
est plus pénible que tous les renoncements. Il en souffre comme le musicien
souffre d’un manque d’harmonie. Le musicien ne voudrait, à aucun prix, passer
sa vie an milieu de bruits discordants. De même mon inharmonie est pour moi la
plus grande des douleurs.
Comment
s’appelle l’effort pour mettre sa vie d’accord avec sa pensée ?
Il s’appelle la vertu.
La
vertu obtient-elle une récompense ?
La vertu est sa récompense à
elle-même.
Que
signifient ces paroles ?
Elles signifient deux choses :
1° Si je songe à une récompense, je ne suis pas vertueux. La vertu a pour
premier caractère le désintéressement. 2° La vertu désintéressée crée le
bonheur.
Qu’est-ce
que le bonheur ?
Le bonheur est l’état de l’âme
qui se sent parfaitement libre de toutes les servitudes étrangères et en
parfait accord avec elle-même.
N’y
a-t-il donc bonheur que lorsqu’on n’a plus besoin de faire effort et le bonheur
succède-t-il à la vertu ?
Le sage a toujours besoin
d’effort et de vertu. Il est toujours attaqué par le dehors. Mais le bonheur
n’existe, en effet, que dans l’âme où il n’y a plus de lutte intérieure.
Est-on
malheureux dans la poursuite de la sagesse ?
Non. Chaque victoire, en
attendant le bonheur, produit de la joie.
Qu’est-ce
que la joie ?
La joie est le sentiment du
passage d’une perfection moindre à une perfection plus grande. La joie est le
sentiment qu’on avance vers le bonheur.
Distinguez
par une comparaison la joie et le bonheur.
Un être pacifique, forcé de
combattre, remporte une victoire qui le rapproche de la paix : il éprouve de la
joie. Il arrive enfin à une paix que rien ne pourra troubler : il est dans le
bonheur.
Faut-il
essayer d’obtenir le bonheur et la perfection dès le premier jour où l’on
comprend ?
Il est rare qu’on puisse
tenter sans imprudence la perfection immédiate.
Quel
danger courent les impatients ?
Le danger de reculer et de se
décourager.
Comment
convient-il de se préparer à la perfection ?
Il convient d’aller à Epictète
en passant par Epicure.
Que
voulez-vous dire ?
Il faut d’abord se placer au
point de vue d’Epicure et distinguer les besoins naturels des besoins
imaginaires. Quand nous serons capables de mépriser pratiquement tout ce qui
n’est pas nécessaire à la vie ; quand nous dédaignerons le luxe et le
confortable ; quand nous savourerons la volupté physique qui sort des nourritures
et des boissons simples ; quand notre corps saura aussi bien que notre âme la
bonté du pain et de l’eau : nous pourrons avancer davantage.
Quel
pas restera-t-il à faire ?
Il restera à sentir que, même
privé de pain et d’eau, nous serions heureux ; que, dans la maladie la plus
douloureuse et la plus dénuée de secours, nous serions heureux ; que, même en
mourant dans les supplices et au milieu des injures de tous, nous serions
heureux.
Ce
sommet de sagesse est-il abordable à tous ?
Ce sommet est abordable à tout
homme de bonne volonté qui se sent un penchant naturel vers l’individualisme.
Quel
est le chemin intellectuel qui conduit à ce sommet ?
C’est la doctrine stoïcienne
des vrais biens et des vrais maux.
Comment
appelle-t-on encore cette doctrine ?
On l’appelle encore la
doctrine des choses qui dépendent de nous et des choses qui ne dépendent pas de
nous.
Quelles
sont les choses qui dépendent de nous ?
Nos opinions, nos désirs, nos
inclinations, nos aversions, en un mot toutes nos actions intérieures.
Quelles
sont les choses qui ne dépendent point de nous ?
Le corps, les richesses, la
réputation, les dignités, en un mot toutes les choses qui ne sont point du
nombre de nos actions intérieures.
Quels
sont les caractères des choses qui dépendent de nous ?
Elles sont libres par nature ;
rien ne peut les arrêter ou leur faire obstacle.
Quels
sont les caractères des choses qui ne dépendent point de nous ?
Elles sont faibles, esclaves,
sujettes à beaucoup d’obstacles et d’inconvénients, et entièrement étrangères à
l’homme.
Quel
est l’autre nom des choses qui ne dépendent pas de nous ?
Les choses qui ne dépendent
pas de nous s’appellent aussi les choses indifférentes.
Pourquoi
?
Parce qu’aucune d’elles n’est
un vrai bien ou un vrai mal.
Qu’arrive-t-il
à celui qui prend les choses indifférentes pour des biens, ou pour des maux ?
Il trouve partout des
obstacles ; il est affligé, troublé ; il se plaint des choses et des hommes.
N’éprouve-t-il
pas un plus grand mal encore ?
Il est esclave du désir et de
la crainte.
Quel
est l’état de celui qui sait pratiquement que les choses qui ne dépendent pas
de nous sont indifférentes ?
Il est libre. Personne ne peut
le forcer à faire ce qu’il ne veut pas ou l’empêcher de faire ce qu’il veut. Il
n’a à se plaindre de rien ni de personne. 1
La
maladie, la prison, la pauvreté, par exemple, ne diminuent-elles point ma
liberté ?
Les choses extérieures peuvent
diminuer la liberté de mon corps et de mes mouvements. Elles ne sont pas des
empêchements pour ma volonté, si je n’ai pas la folie de vouloir ce qui ne
dépend pas de moi.
La
doctrine d’Epicure ne suffit-elle pas dans le courant de la vie ?
La doctrine d’Epicure suffit
si j’ai les choses nécessaires à la vie et si je me porte bien. Elle me rend
devant la joie l’égal des animaux, qui ne se forgent pas des inquiétudes et des
maux imaginaires. Mais, dans la maladie ou dans la faim, elle ne suffit plus.
Suffit-elle
dans les relations sociales ?
Dans les relations sociales
courantes, elle peut suffire. Elle me libère de tous les tyrans qui n’ont de
pouvoir que sur mon superflu.
Y
a-t-il des circonstances sociales où elle ne suffit plus ?
Elle ne suffit plus si le
tyran peut me priver de pain ; s’il peut me mettre à mort ou blesser mon corps.
Qui
appelez-vous tyran ?
J’appelle tyran quiconque, en
agissant sur les choses indifférentes, telles que mes richesses ou mon corps,
prétend agir sur ma volonté. J’appelle tyran quiconque essaie de modifier mon
état d’âme par d’autres moyens que la persuasion raisonnable.
N’y
a-t-il pas des individualistes auxquels l’épicurisme suffira ?
Quelque que soit mon présent,
j’ignore l’avenir. J’ignore si la grande attaque où l’épicurisme ne suffit plus
ne me guette pas à quelque détour de ma vie. Je dois donc, dès que j’ai atteint
la sagesse épicurienne, travailler à me fortifier davantage, jusqu’à l’invulnérabilité
stoïcienne.
Comment
vivrai-je dans le calme ?
Dans le calme, je pourrai
vivre doucement et sobrement comme Epicure, mais avec l’esprit d’Epictète.
Est-il
utile à la perfection de se proposer un modèle tel que Socrate, Jésus ou Epictète
?
Cette méthode est mauvaise.
Pourquoi
?
Parce que j’ai à réaliser mon
harmonie, non celle d’un autre.
Combien
y a-t-il de sortes de devoirs ?
Il y a deux sortes de devoirs
: les devoirs universels et les devoirs personnels.
Qu’appelez-vous
devoirs universels ? J
J’appelle devoirs universels
ceux qui s’imposent à tout homme sage.
Qu’appelez-vous
devoirs personnels ?
J’appelle devoirs personnels
ceux qui s’imposent particulièrement à moi.
Existe-t-il
des devoirs personnels ?
Il existe des devoirs
personnels. Je suis un être particulier qui se trouve dans des situations
particulières. J’ai un certain degré de force physique, de force intellectuelle
et je possède plus ou moins de richesses. J’ai un passé à continuer. J’ai à
lutter contre une destinée hostile, ou à collaborer avec une destinée amie.
Distinguez
par un signe facile les devoirs personnels et les devoirs universels. 1
Sauf exception, les devoirs
universels sont des devoirs d’abstention. Presque tous les devoirs d’action
sont des devoirs personnels. Même dans les circonstances rares où l’action
s’impose à tous, le détail de l’action portera la marque de l’agent, sera comme
la signature de l’artiste moral.
Le
devoir personnel peut-il contredire le devoir universel ?
Non. Il est comme la fleur,
qui ne saurait pousser que sur la plante.
Mes
devoirs personnels sont-ils ceux de Socrate, de Jésus ou d’Epictète ?
Ils ne leur ressemblent en
rien, si je ne mène pas une vie apostolique.
Qui
m’apprendra mes devoirs personnels et mes devoirs universels ?
Ma conscience.
Comment
m’apprendra-t-elle mes devoirs universels ?
En me disant ce que
j’attendrais de tout homme sage.
Comment
m’apprendra-t-elle mes devoirs personnels ?
En me disant ce que je dois
exiger de moi.
Y
a-t-il des devoirs difficiles ?
Il n’y a pas de devoir
difficile pour le sage.
Avant
que j’aie atteint la sagesse, la pensée de Socrate, de Jésus, d’Epictète, ne me
sera-t-elle pas utile dans les difficultés ?
Elle pourra m’être utile. Mais
je ne me représenterai jamais ces grands individualistes comme des modèles.
Comment
me les représenterai-je ?
Je me les représenterai comme
des témoins. Et je désirerai qu’ils ne blâment point ma façon d’agir.
Y
a-t-il des fautes graves et des fautes légères ?
Toute faute reconnue telle
avant d’être commise est grave.
Théoriquement,
pour juger de ma situation ou de celle d’autrui dans la voie de la sagesse, ne
puis- je pas distinguer des fautes graves et des fautes légères ?
Je le puis.
Qu’appellerai-je
faute légère ?
J’appellerai ordinairement
faute légère celle qu’Epictète blâmerait et qu’Epicure ne blâmerait pas.
Qu’appellerai-je
faute grave ?
J’appellerai faute grave celle
que blâmerait même l’indulgence d’Epicure.
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