n. m. latin maritaticum, de maritare, marier Le mariage, qui est l’union des sexes sanctionnée par la loi, ou consacrée par la coutume, a été en honneur chez tous les peuples, à toutes les époques de leur histoire, mais avec un cérémonial et des obligations très différents. La polygamie, pratiquée en Asie et en Afrique depuis un temps immémorial, permet à l’homme d’avoir plusieurs épouses. La polyandrie, qui en est une forme reconnue seulement dans quelques régions au nord de l’Inde, autorise la femme à prendre pour maris, en même temps que l’aîné d’une famille, tous ses frères cadets. Quand ils sont six ou sept, l’épouse de cette fraternelle coopérative ne chôme pas, et c’est, pour l’association, à défaut de mieux, une excellente mesure contre le cocuage. Les nations chrétiennes n’admettent que la monogamie, c’est-à-dire l’union d’un seul homme et d’une seule femme, qui se doivent réciproquement fidélité, mais peuvent être néanmoins séparés, en certains cas, par le divorce ou l’annulation des épousailles. Il est vrai que le recours des femmes aux hommages des bons amis, et celui des hommes aux services des prostituées, y permettent, avec fréquence, de rétablir l’équilibre avec les autres parties du monde. La célébration des noces comporte ordinairement des réjouissances, auxquelles participent l’entourage, les parents des conjoints, et qui ont lieu en conformité de rites traditionnels, à caractère plus ou moins symbolique, souvent pittoresques et empreints de poésie, parfois cyniques et ridicules. Quant à la cérémonie, elle n’est pas forcément très compliquée. Ce peut être, comme chez les premiers chrétiens, la simple bénédiction du patriarche. Il en va différemment, à l’époque actuelle, dans la plupart des grandes nations civilisées, où le mariage comporte la fourniture d’une paperasserie nombreuse et, à lui seul, tout un code de règlements et de lois, tant civiles que pénales. On s’y marie, non seulement à l’hôtel-de-ville et à l’église, ou au temple, sous des torrents de musique sacrée, mais encore chez le notaire. C’est même, pour la classe riche, ce dernier mariage qui compte le plus. Par exception, aux États-Unis d’Amérique, où le temps est apprécié à sa juste valeur, les fiancés peuvent, dans divers États, faire « bénir leurs nœuds », par un pasteur, en une durée moindre que pour un massage facial. Quand on arrive en automobile chez cet augure, ce n’est pas une prodigalité que de laisser en marche le moteur. Voici quelques usages curieux qui persistent en plein xx° siècle, ou dont on trouve encore trace dans des campagnes reculées : Chez les Arabes, les jeunes filles, dès la puberté, ont le visage presque entièrement voilé, et il leur est défendu d’avoir des relations, même de pure courtoisie, avec des hommes étrangers à la famille. Le prétendant ne connaît donc - ou n’est censé connaître - celle dont il désire faire son épouse que par les louanges qui lui sont faites de ses qualités. Lorsque le jeune homme est agréé par le père, c’est-à-dire lorsqu’il a convenu avec lui de combien de moutons et présents divers serait payée sa future compagne, la mariée est, à jour fixé, conduite au bain. On parfume sa chevelure ; elle prend place sous une sorte de tente fermée que porte un chameau, et elle est amenée, au son des flûtes et des tambourins, jusqu’au domicile de l’époux, qui traite et divertit ses amis, la nuit durant, avant de se rendre auprès de sa femme. Quelques heures plus tard, on expose en public le drap sur lequel fut consommé le mariage, et qui doit être taché de sang, pour démontrer que l’épouse était vierge... et, sans doute, le mari valeureux. Dans l’Inde, chez les Parsis, les enfants sont fiancés dès un âge fort tendre : quatre ou cinq ans. Pour cela, on place les futurs sur une estrade ; les prêtres leur lancent à poignées du sucre et du riz ; puis, après un festin, on les promène en public, au son des instruments, et suivis d’une foule d’autres enfants recouverts, comme pour un carnaval, des oripeaux les plus bizarres. Dans certaines parties de la Russie, chez les paysans, le lit nuptial devait être préparé par la fiancée elle-même, sur des gerbes de seigle et de blé. Et, pour marquer la transmission des pouvoirs, le père, après en avoir légèrement frappé sa fille, remettait à son gendre un fouet, emblème de l’autorité, et garantie d’apprivoisement. Il est des villages, en Finlande, où, lorsqu’une jeune fille désire se marier, elle se promène avec une gaine vide attachée à sa ceinture. On. sait ce que cela veut dire. Si un garçon est séduit par cette offre allégorique, il n’a qu’à enfoncer un couteau dans la gaine. Si l’arme ne lui est pas rendue, c’est que les sentiments sont partagés. En Géorgie la future est fardée, couverte de bijoux et de riches atours. Mais, à l’église, le prêtre, pour éprouver leur continence, passe autour de la poitrine de chacun des époux un cordon de soie blanche, qui est cacheté à la cire, avec un sceau représentant la croix. Ils ne doivent rompre le sceau, pour se débarrasser du cordon, qu’après le troisième jour, et c’est seulement alors qu’ils peuvent se témoigner leur ardeur. En France, il existe encore, paraît-il, dans le Poitou, une coutume que l’on nomme le « maraichinage » et qui constitue une épreuve d’un tout autre genre. Considérant que le mariage ne doit pas être conclu à la légère, mais accepté en toute connaissance de cause, les futurs prennent ensemble les plus grandes libertés, de façon à se rendre compte de ce que pourra être l’existence à deux. Ils ne s’unissent définitivement que si cet essai leur a donné satisfaction. Il est encore des campagnes françaises où l’on soumet les nouveaux mariés, non à des épreuves, mais à des brimades. Lorsque l’heure est tardive, et que le bal qui a suivi le banquet touche à sa fin, on les surveille sans en rien laisser paraître ; on invente mille farces pour les empêcher de faire ce qu’ils ont à faire. Quand ils se croient bien seuls, on simule un incendie pour les contraindre à déguerpir à demi vêtus, ou bien leur extase est troublée, à l’instant le meilleur, par l’arrivée d’un flot de convives en ribote, venus pour 1eur apporter au lit de la soupe et du vin chaud. Quels préparatifs, quel décor pour une première nuit d’amour ! Il est vrai que, chez les Hottentots, le sorcier bénit les conjoints en les arrosant de son urine. Les premiers contacts gagneraient certainement à plus d’intimité et de réserve. Ne pourrait-on se décider à laisser en paix les nouveaux époux ? Aucun cérémonial ne remplace ni n’embellit l’amour, qui ne trouve sa plus haute expression que dans la liberté entière du don réciproque, et dont la meilleure fête est celle de la mutuelle possession. La Russie Soviétique a réduit à leur plus simple expression les exigences du mariage. Il n’est plus qu’une formalité d’état-civil ; encore est-elle dénuée de complications vaines. Le jeune homme à partir de l’âge de dix-huit ans, la jeune fille qui a seize révolus, n’ont, s’ils veulent s’unir, qu’à se présenter, munis de quelques pièces d’identité, devant le scribe désigné pour cet office. Sans qu’aucune autorisation familiale soit requise, leur déclaration d’union est. enregistrée. Et c’est tout ! Les nouveaux mariés peuvent prendre pour nom, indifféremment, celui de l’épouse ou celui de l’époux, ou bien les deux noms de famille associés par un trait. Leurs droits sont identiques. Chacun d’eux conserve la libre disposition de son avoir personnel. S’ils veulent divorcer, libre à eux. Nulle nécessité de l’approbation d’un juge, ni d’enquêtes de police vexatoires et inconvenantes, pour qu’ils soient dégagés de tout lien. Il n’est pas même exigé qu’ils soient d’accord pour cette séparation. I1 suffit que l’un des deux se rende au bureau de l’état-civil et déclare qu’il .renonce à l’union pour que ce soit chose accomplie. Le conjoint absent est informé par lettre. L’enregistrement du mariage soviétique ne répond qu’à deux objets : l’obligation d’entr’aide des époux, qui se doivent assistance en cas de dénuement ou maladie ; la responsabilité de ces derniers à l’égard d’une partie des frais d’entretien et d’éducation des enfants nés de leurs amours, même lorsque celles-ci n’ont été que temporaires. Quelles que soient les formes politiques et religieuses, ou les pratiques rituelles d’un pays, le mariage, du point de vue de l’utilité sociale, ne correspond pas à autre chose quant au fond, qu’à ces deux ordres de préoccupation, de nature strictement économique. La femme étant appelée à être mère, c’est-à-dire placée avec régularité, pour un temps plus ou moins long, dans l’impossibilité de travailler pour gagner sa vie, alors que les enfants déjà nés constituent pour elle une très lourde charge, force lui est bien, en dehors de tout esprit de lucre, de rechercher auprès de l’homme de son choix des garanties matérielles que ni sa famille ni la société ne sont disposés à lui assurer. Cependant l’homme ne les accorde, ces garanties, qu’autant que la femme réserve pour lui seul ses faveurs, et s’engage à ne pas lui faire supporter l’entretien de rejetons qui ne seraient point issus de ses œuvres. C’est pourquoi, dans notre organisation sociale, la femme ne peut être vraiment indépendante que lorsque ses ressources personnelles lui permettent de se suffire constamment à elle-même et d’élever, par surcroît, des enfants, si elle ne se voue à la stérilité volontaire. C’est pourquoi l’émancipation féminine ne pourra être totale que lorsque les femmes pourront trouver, dans le mutuellisme d’une société plus rationnelle et plus humaine, les avantages indispensables qui ne leur sont actuellement conférés, par leurs époux et par leurs proches, qu’au prix d’un servage souvent douloureux, toujours humiliant.
Jean Marestan
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