samedi 23 octobre 2021

LES QUESTIONS MÉMORIELLES PORTANT SUR LA COLONISATION ET LA GUERRE D’ALGÉRIE. Par Benjamin Stora

 "Sur une même histoire d’un territoire très vaste, deux imaginaires se sont donc mis en place progressivement, donnant naissance à deux nationalismes différents. Pour les Européens, venus en nombre de métropole, d’Espagne et d’Italie au long du 19e siècle, un nationalisme français exacerbé va se construire, s’enraciner. D’une manière générale, le nationalisme français s’est en grande partie construit sur la conquête de l’Empire colonial, la Grande France , voulant apporter les valeurs d’une mission civilisatrice ."


"Au récit d’un nationalisme français valorisant la construction de routes permettant la modernisation du commerce, des hôpitaux qui font reculer les maladies, des écoles chargés de combattre l’analphabétisme… s’oppose le souvenir persistant de la dépossession foncière massive, de la grande misère dans les campagnes, ou de la perte de l’identité personnelle avec la fabrication des SNP (Sans Nom Patronymique). En Algérie en effet, l’histoire du patronyme est particulière. Elle est intimement liée à l’histoire coloniale française. Avant 1882, et la loi sur l’État civil des Indigènes musulmans de l’Algérie , il n’existait pas de patronymes dans le sens français du terme mais plutôt une généalogie, des fils et filles de . À la date du 23 mars 1882, l’Assemblée française impose aux indigènes de s’inscrire sur les registres du Code civil. Mais francisation des noms arabes par l’état civil conduit à des erreurs de transcriptions et, parfois, à des incongruités. Les moyens dont dispose alors la langue française ne permettent pas de retranscrire correctement les noms algériens. Le passage de l’oralité à l’écrit a causé des dégâts sur la forme et le sens des patronymes, et c’est pourquoi certaines familles se sont retrouvées sans nom patronymique."


"Après l’indépendance de 1962, les relations entre la France et l’Algérie ont surtout été de nature économique. En France, l’examen du passé colonial n’était pas à l’ordre du jour, il fallait oublier cette histoire. Une chaîne d’amnisties s’impose alors, construit l’oubli de la guerre. Dès le 22 mars 1962, deux décrets sont pris pour réaliser une amnistie que l’on inclut dans les accords d’Évian : En vue de permettre la mise en œuvre de l’autodétermination des populations algériennes (…) sont amnistiées toutes infractions commises avant le 20 mars 1962 en vue de participer ou d’apporter une aide directe ou indirecte à l’insurrection algérienne. Sont amnistiées les infractions commises  dans  le  cadre  des  opérations  de  maintien  de  l’ordre  dirigées  contre l’insurrection  algérienne  avant  le  20  mars  1962.   En  Algérie,  l’urgence  n’était  pas  à  la  mise  en  cause  de  ce  passé,  mais  à  la  construction d’un  récit  national,  homogène,  unifié.  Dans  les  luttes  de  pouvoir  de  l’été  1962,  puis après  le  coup  d’Etat  qui  porte  au  pouvoir  Houari  Boumediene  en  1965,  de  nombreux personnages  qui  ont  participé  à  l’insurrection  contre  la  France  sont  écartés  des  récits officiels.  Les  manuels  scolaires  algériens  reproduisent  la  formule:    Un  seul  héros,  le peuple."

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