"Sur une même histoire d’un territoire très vaste, deux imaginaires se sont donc mis en place progressivement, donnant naissance à deux nationalismes différents. Pour les Européens, venus en nombre de métropole, d’Espagne et d’Italie au long du 19e siècle, un nationalisme français exacerbé va se construire, s’enraciner. D’une manière générale, le nationalisme français s’est en grande partie construit sur la conquête de l’Empire colonial, la Grande France , voulant apporter les valeurs d’une mission civilisatrice ."
"Au récit d’un nationalisme français valorisant la construction de routes permettant la modernisation du commerce, des hôpitaux qui font reculer les maladies, des écoles chargés de combattre l’analphabétisme… s’oppose le souvenir persistant de la dépossession foncière massive, de la grande misère dans les campagnes, ou de la perte de l’identité personnelle avec la fabrication des SNP (Sans Nom Patronymique). En Algérie en effet, l’histoire du patronyme est particulière. Elle est intimement liée à l’histoire coloniale française. Avant 1882, et la loi sur l’État civil des Indigènes musulmans de l’Algérie , il n’existait pas de patronymes dans le sens français du terme mais plutôt une généalogie, des fils et filles de . À la date du 23 mars 1882, l’Assemblée française impose aux indigènes de s’inscrire sur les registres du Code civil. Mais francisation des noms arabes par l’état civil conduit à des erreurs de transcriptions et, parfois, à des incongruités. Les moyens dont dispose alors la langue française ne permettent pas de retranscrire correctement les noms algériens. Le passage de l’oralité à l’écrit a causé des dégâts sur la forme et le sens des patronymes, et c’est pourquoi certaines familles se sont retrouvées sans nom patronymique."
"Après l’indépendance de 1962, les relations entre la France et l’Algérie ont surtout été de nature économique. En France, l’examen du passé colonial n’était pas à l’ordre du jour, il fallait oublier cette histoire. Une chaîne d’amnisties s’impose alors, construit l’oubli de la guerre. Dès le 22 mars 1962, deux décrets sont pris pour réaliser une amnistie que l’on inclut dans les accords d’Évian : En vue de permettre la mise en œuvre de l’autodétermination des populations algériennes (…) sont amnistiées toutes infractions commises avant le 20 mars 1962 en vue de participer ou d’apporter une aide directe ou indirecte à l’insurrection algérienne. Sont amnistiées les infractions commises dans le cadre des opérations de maintien de l’ordre dirigées contre l’insurrection algérienne avant le 20 mars 1962. En Algérie, l’urgence n’était pas à la mise en cause de ce passé, mais à la construction d’un récit national, homogène, unifié. Dans les luttes de pouvoir de l’été 1962, puis après le coup d’Etat qui porte au pouvoir Houari Boumediene en 1965, de nombreux personnages qui ont participé à l’insurrection contre la France sont écartés des récits officiels. Les manuels scolaires algériens reproduisent la formule: Un seul héros, le peuple."
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