lundi 30 novembre 2020

Œuvres 2 de Rosa Luxemburg


 

« Alors que la haine de classe contre le prolétariat et la menace immédiate de révolution sociale qu'il représente détermine intégralement les faits et gestes des classes bourgeoises, leur programme de paix et leur politique à venir, que fait le prolétariat international ? Totalement sourd aux leçons de la révolution russe, oubliant l'abc du socialisme, il cherche à faire aboutir le même programme de paix que la bourgeoisie et le préconise comme son programme propre ! Vive Wilson et la Société des Nations Vive l'autodétermination nationale et le désarmement Voilà maintenant la bannière à laquelle se rallient soudain les socialistes de tous les pays - et avec eux les gouvernements impérialistes de l'Entente, les partis les plus réactionnaires, les socialistes gouvernementaux arrivistes, les socialistes oppositionnels du marais « fidèles aux principes », les pacifistes bourgeois, les utopistes petits-bourgeois, les États nationalistes parvenus, les impérialistes allemands en faillite, le pape, les bourreaux finlandais du prolétariat révolutionnaire, les mercenaires ukrainiens du militarisme allemand.

En Pologne, les Daszynski 1 sont intimement liés aux hobereaux de Galicie et à la grande bourgeoisie de Varsovie ; en Autriche allemande, les Adler, Renner, Otto Bauer et Julius Deutsch 2 vont main dans la main avec les chrétiens sociaux, les agrariens et les nationaux allemands ; en Bohème, les Soukup et Nemec 1 forment un bloc compact avec tous les partis bourgeois - quelle émouvante réconciliation générale des classes! Et au-dessus de toute cette ivresse nationale, flotte la bannière internationale de la paix. Partout. les socialistes tirent les marrons du feu pour la bourgeoisie ; par leur crédit et leur idéologie, ils aident à couvrir la déroute morale de la société bourgeoise, ils l'aident à s'en sauver, à restaurer et à consolider l'hégémonie bourgeoise de classe.

Et la première consécration pratique de cette politique bien huilée, c'est l'écrasement de la révolution russe et le morcellement (?) de la Russie. »

 

« Seules les classes dirigeantes en ont bien sûr d'abord pris conscience. Avec la violence d'un choc électrique, les journées de juin ont inoculé instantanément à la bourgeoisie de tous les pays la conscience d'un antagonisme de classe irréconciliable avec la classe ouvrière, elles ont empli les cœurs d'une haine mortelle du prolétariat, alors que les ouvriers de tous les pays ont mis des années à tirer les leçons des journées de juin, à acquérir la conscience de l'antagonisme de classe ; la même chose se reproduit à l'heure actuelle ; la révolution russe a communiqué à toutes les classes possédantes de tous les pays du monde, la panique, la haine farouche, fulminante, effrénée du spectre menaçant de la dictature politique, une haine qui ne peut se mesurer qu'aux sentiments de la bourgeoisie parisienne pendant les massacres de juin et le carnage de la Commune. Le « bolchevisme » est devenu le mot clé du socialisme révolutionnaire pratique, des aspirations de la classe ouvrière à la prise du pouvoir. Le mérite historique du bolchevisme est d'avoir ouvert brutalement le fossé social au sein de la société bourgeoise, d'avoir approfondi et exacerbé à l'échelle internationale l'antagonisme de classe ; et, comme dans tous les grands contextes historiques, cette oeuvre fait disparaître sans rémission toutes les erreurs et toutes les fautes particulières du bolchevisme 1. »

 

« C'est la même idée fondamentale qui domine l'ensemble du programme démocratique de paix de Wilson. Dans l'atmosphère d'ivresse victorieuse de l'impérialisme anglo-américain, dans l'atmosphère créée par le spectre menaçant du bolchevisme qui hante la scène mondiale, la « Société des Nations » ne peut être qu'une seule chose : une alliance bourgeoise mondiale pour la répression du prolétariat. La Russie bolchevique sera la première victime toute chaude que sacrifiera le grand prêtre Wilson à la tête de ses augures de l'arche d'alliance de la « Société des Nations » ; les « nations autodéterminées », victorieuses et vaincues, se précipiteront sur elle. »

 

« Car cette guerre, camarades, a-t-elle laissé subsister autre chose de la société bourgeoise qu'un énorme amas de décombres ? Formellement, l'ensemble des moyens de production et même de très nombreux instruments du pouvoir, presque tous les instruments décisifs du pouvoir, se trouvent encore entre les mains des classes dominantes : nous n'avons pas d'illusion à nous faire là-dessus. Mais, à part des tentatives convulsives pour rétablir l'exploitation dans un bain de sang, ce qu'elles peuvent en faire n'est qu'anarchie. Elles en sont au point que le dilemme auquel est aujourd'hui confrontée l'humanité s'énonce ainsi : disparition dans l'anarchie ou salut par le socialisme. »

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