Au sens primitif, l'adjectif
lapidaire s'appliquait à ce qui concernait la taille des pierres : c'est à
l'art du lapidaire que le diamant doit son éclat. Par style lapidaire, on
entendait celui des inscriptions gravées sur la pierre ou le marbre. On peut
trouver dans les inscriptions de précieuses indications pour l'histoire ; et
des catalogues ou corpus ont été constitués pour réunir les plus importantes,
dont l'authenticité n'apparaît pas douteuse, soit grecques, soit romaines, et
de bien d'autres pays, et de toutes époques. Le livre étant moins répandu
autrefois, c'est à l'aide des monuments surtout que l'on conservait le souvenir
des événements fameux. Il va sans dire que la vérité, la flatterie et le
mensonge inspirèrent nombre de ces inscriptions ; une critique très sévère est
indispensable pour arriver à se rendre compte de leur sincérité. Certains
érudits s'y emploient de leur mieux sans parvenir toujours à des résultats
satisfaisants. Comme les inscriptions sur marbre ou pierre étaient généralement
brèves, concises, visant à dire beaucoup de choses en peu de mots, on a fini
par appeler lapidaire tout style qui présentait des qualités du même genre. La
langue latine, pour l'antiquité, l'anglais, parmi les langues modernes, sont
particulièrement propres au style lapidaire. Les phrases frappées en médaille,
nourries d'idées mais économes de mots, qui rendent un son plein, telles les
pensées d'Epictète ou de Pascal, les vers de Lafontaine, par exemple, donnent
une idée du style lapidaire. En général, les écrivains pêchent par l'excès
contraire ; ils « allongent la sauce », délayent sans mesure, et leurs phrases
étirées sont, aussi creuses que des bulles de savon. Mais les lecteurs stupides
estimeront toujours plus un gros livre qu'un petit, car ils jugent d'après le
format et l'apparence, plus que d'après le contenu. D'où le souci, chez les
auteurs (plus souvent, de nos jours surtout, préoccupés de succès que de
perfection), de s'attacher surtout à la quantité et d'entasser pages sur pages,
ou tout au moins de se faire imprimer en lettres assez grosses pour qu'une
courte nouvelle arrive au format et au volume d'un fort roman.
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