Comme le dit lui-même le «
Dictionnaire Larousse », ce nom ou adjectif, peu usité, «se dit ironiquement
d'une personne qui réclame le partage général des terres et la communauté de
tous les biens ». Partageux est une corruption du mot Partageur. On voulait,
par ce terme, disqualifier les hommes imbus d'idées sociales et ceux qui s’en
proclamaient les partisans et les propagandistes : les plus petits
propriétaires, ceux qui vivaient péniblement de leur lopin de terre, disait-on,
en seraient dépossédés par les partageux. Il fut un temps où ce pauvre argument
avait prise sur l'esprit lourd de certains paysans. On s'appliquait à
transformer le sens des mots pour calomnier les plus ardents apôtres de Justice
et d'Egalité sociales, les plus profonds penseurs dont on ne pouvait discuter ni
contredire les systèmes clairement exposés. Evidemment, l'ironie facile avait
prise sur les ignorants, incapables de raisonner et craignant toujours qu'on
leur ravisse le lendemain ce qu'ils avaient difficilement acquis la veille. Si
stupide que soit la calomnie il en reste toujours assez pour engendrer la haine
ou augmenter le mépris. Ceux qui possédaient beaucoup craignaient fort
l'expansion des idées de partage équitable des terres et ils avaient tout
intérêt à mettre de leur côté les malheureux possesseurs d'une pauvre terre
aride arrosée de la sueur du courageux paysan qui la cultivait. Le but à
atteindre était, surtout en période électorale, de disqualifier un candidat au
profit d'un autre. Nous avons dit que ce terme était peu usité; il l'est de moins
en moins et les socialistes, dans leurs discours de propagande électorale, ne
sont plus traités de partageux, parce qu'on sait bien que le socialisme et les
écoles qui s'y rattachent, au point de vue propriété ou répartition des
richesses, ne préconisent pas le partage, mais exactement le contraire,
c'est-à-dire la mise en commun. C'est par ce mot: partageux qu'on prétendit se
moquer fort des utopistes du XIX siècle qui désiraient l'application d'une
juste répartition des richesses sociales et de ceux qui voulaient la mise en
commun des terres et de tous les biens. Cette épithète n'a certainement pu
porter grand préjudice aux idées des penseurs sociaux ni à leurs systèmes de
rénovation ou de révolution. Les partisans de la propriété, les avocats d’une
si mauvaise cause (consacrée par la Révolution française), défendaient comme
ils pouvaient le Propriétarisme, régime économique fondé sur la Propriété et
découlant de son principe. On ne peut, certes, pas dire que le système
capitaliste, le fameux régime de l'exploitation de l'homme par l'homme, ne soit
pas aussi celui du partage des richesses dues au travail. Mais c'est un partage
qui se fait à l'encontre de tout bon sens et de toute équité, puisque ceux qui
produisent tout ne possèdent rien, alors que ceux qui ne produisent rien
possèdent tout. Ces derniers peuvent penser que tout est pour le mieux dans le
meilleur des mondes. Il nous appartient, ici, de démontrer que la logique et
l'équité en sont absentes et que selon la juste, très juste expression de
Proudhon : « La Propriété, c'est le vol ». On ne peut pas être partisan de la
Propriété si l'on a le moindre respect du principe d'égalité et le moindre
sentiment de justice. (Voir Propriété). Le mot Partageux s'applique sans doute
aussi, assez justement - en terme de mépris mérité - à certains faux apôtres
qui dénigraient la Propriété jusqu'au jour où ils en purent jouir à leur tour
par une occasion, fût-elle malpropre et par conséquent digne de leurs
convictions.
Georges YVETOT.
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